Il n’existe rien de plus ennuyeux qu’un splendide établissement horeca où règne une mauvaise acoustique. Le risque est grand que le visiteur n’y remette plus les pieds. Les exploitants horeca qui sont confrontés à ce problème ont tout intérêt à ne pas enfouir leur tête dans le sable et à rechercher une solution.
Roger De Craecker et Hugo Verbiest, tous deux ingénieurs chez Senior Consultants Vlaanderen asbl, mettent un point d’honneur à aborder ce problème épineux. Et de manière tout à fait justifiée puisque dans près de 30% des établissements, le niveau sonore dépasse la limite de dangerosité pour l’ouïe en raison d’une acoustique défaillante.
Une expertise fondée sur le vécu…
En ma qualité d’expert obligé en la matière souffrant de troubles chroniques d’acouphènes (bourdonnements d’oreille incessants), moi qui signe la rédaction de cet article, suis particulièrement sensible à la problématique de l’acoustique dans l’horeca et je ne suis certainement pas le seul. Je pourrais immédiatement nommer quelques personnes de mon entourage direct qui ont juré ne plus retourner dans tel restaurant ou dans telle salle de fête, malgré l’excellente nourriture et le cadre agréable qu’ils y avaient trouvés, simplement parce qu’à mesure qu’avançait la soirée, ils semblaient de moins en moins pouvoir se comprendre : le fameux effet Lombard, qui veut que les gens commencent à parler en élevant de plus en plus la voix afin de pouvoir se comprendre et qui aboutit à une véritable cacophonie ambiante.
Acoustique dérangeante
Il arrive souvent que les ingénieurs commettent la faute de noyer complètement les non initiés avec des statistiques et en employant un jargon professionnel mais lorsque nous avons été invités à participer nous-mêmes à une analyse du niveau sonore dans un établissement horeca, l’idée nous a totalement séduits. L’endroit où allait se dérouler l’expérience était l’établissement Les Béliers à Nivelles dont le patron Jean-Pol Segaert avait déjà été confronté à diverses reprises à des plaintes concernant une acoustique de mauvaise qualité.
Jean-Pol Segaert : « Notre établissement existe depuis plus de trente ans déjà. La friterie des débuts a évolué pour devenir un lieu offrant plusieurs espaces avec au total plus de 270 places assises. Nous accueillons un public très large, depuis le simple client du restaurant jusqu’à des personnes qui souhaitent organiser une petite fête ou se réunir, et chacun des espaces présente des caractéristiques et des problèmes différents en termes de nuisance sonore. Lorsque j’ai lu un article sur la pollution sonore dans Horeca Magazine, je n’ai pas hésité à contacter cette asbl. Nous avions déjà l’intention de nous attaquer nous-mêmes au problème du bruit car nous nous sommes aperçus que plusieurs clients trouvaient l’acoustique dérangeante. »
Pas au pifomètre
Si l’on veut vraiment obtenir une image claire de la situation d’un établissement horeca en ce qui concerne l’acoustique, il faut procéder à une mesure du phénomène acoustique de l’écho. Cette mesure dresse un état de l’acoustique d’un espace et permet de fournir des conseils sur mesure de manière totalement indépendante. Les ingénieurs Roger De Craecker et Hugo Verbiest disposent des appareils de mesure appropriés, du logiciel qui y est associé et ils possèdent l’expérience utile (ils ont déjà 35 mesurages à leur actif) dans le secteur horeca et en dehors pour pouvoir rechercher une solution adaptée à chaque cas. Hugo Verbiest : « Nous ne dépendons d’aucun fabricant et nous donnons des conseils neutres. Nous ne pouvons insister suffisamment sur l’importance d’un conseil reposant sur une base scientifique. Certains soi-disant conseils relèvent purement d’un travail réalisé au pifomètre par l’installateur lui-même et aboutissent à des résultats tendancieux vous mettant dans l’impossibilité de proposer une solution correcte au problème de nuisance sonore. »
La mesure du temps de réverbération
Une mesure du temps de réverbération (écho acoustique) réalisée par ce duo chevronné est quelque chose d’assez spectaculaire. Dans chaque espace, ils procèdent à la mesure de l’écho à cinq points en émettant des tonalités très fortes (pour lesquelles il est impératif de se boucher les oreilles), et les résultats en sont immédiatement analysés au moyen d’un programme spécialement élaboré à cet effet. De plus, l’exploitant se voit proposer sur le champ une solution clairement détaillée qui spécifie les matériaux recommandés et donne une estimation du coût inhérent à cette solution.
« Pour l’instant, il n’existe pas encore de normes sonores spécifiques pour l’horeca mais la norme établie pour les écoles peut servir de référence », explique Roger De Craecker. « Selon cette norme, on autorise un temps de réverbération de maximum une seconde. »
Des chiffres effarants
Roger De Craecker peut désormais se targuer de posséder l’expérience nécessaire dans l’horeca et il n’hésite pas à mettre sur le tapis des chiffres effarants. « Sur la base des 35 restaurants que nous avons visités et dans lesquels nous avons mesuré le niveau sonore pendant 15 minutes, mesure que nous avons extrapolée à une pleine occupation de l’établissement, j’arrive aux chiffres suivants. Seuls 3% des restaurants visités sont très calmes et 23% d’entre eux peuvent être qualifiés de calmes. Pas moins de 37% (soit plus d’un tiers) des restaurants examinés sont bruyants et forcent les gens à hausser la voix durant une conversation avec les maux de gorge qui s’ensuivent. Mais ce n’est pas tout : dans 23% des établissements visités, il faut élever la voix au-dessus du seuil au-delà duquel il y a danger de perte d’audition et dans 6% des établissements, il faut élever la voix encore davantage, dépassant ainsi de loin ce seuil de dangerosité pour l’appareil auditif. »
Esthétique ou acoustique
Si vous ouvrez un nouvel établissement, vous avez tout intérêt à tenir compte de l’acoustique dès le départ. Pour les nouvelles constructions aussi, il ne s’agit pas d’un luxe superflu puisque il arrive trop souvent que même des architectes n’accordent pas d’attention à l’acoustique. Beaucoup d’établissements horeca sont installés dans des bâtiments qui n’étaient pas destinés à cette utilisation lors de leur construction, et les chiffres de Senior Consultants Vlaanderen démontrent que l’acoustique y pose souvent un problème pénible. Il s’agit souvent d’immeubles splendides avec des espaces pleins de caractère que l’exploitant souhaite fréquemment conserver en l’état en raison, justement, de leur caractère spécifique, même si cela se fait au détriment de l’acoustique.
« Dans le cas qui me concerne, il arrive souvent que mon établissement soit rempli et j’aurais pu me dire que la clientèle finit par se faire à la mauvaise acoustique », nous dit Jean-Pol Segaert. « Mais c’est un point de vue erroné. Une fois que l’acoustique aura été corrigée, je suis certain que non seulement je conserverai les clients réguliers mais également que j’attirerai une nouvelle clientèle. »
La solution consiste à installer aux bons endroits la bonne quantité de panneaux d’absorption acoustique. Et ceux-ci peuvent d’ailleurs être également esthétiques puisqu’il est possible d’apposer des photos et des logos sur les panneaux muraux. Et dans le cas de problèmes acoustiques moins graves, on pourra par exemple recourir aux chaises et aux banquettes capitonnées, à l’utilisation de matériaux perméables à l’air et même à des grandes plantes d’intérieur disposées à bon escient, autant de solutions qui peuvent déjà absorber une bonne dose des nuisances sonores.
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