Les ‘Belgian chocolates’ sont mondialement connus. Pourtant, aucune trace de plants de cacao dans notre pays, ceux-ci ne poussent qu’autour de l’Equateur. Voici l’histoire de la fève ‘sacrée’ du ‘Bean to Bar’. 

La fève sacrée

A l’origine, la plante de cacao poussait exclusivement dans la région amazonienne. Aujourd’hui, il existe des plantations de cacao tout autour de l’Equateur, entre le 20e parallèle Nord et le 20e parallèle Sud. Cette zone est surnommée la ‘ceinture du cacao’. 

Il y a trois mille ans, le dieu Quetzalcoatl fit naître le cacaoyer sur terre et enseigna aux Toltèques la manière de préparer une boisson ‘divine’ et stimulante à partir des fèves grillées : le ‘tchotcolatl’. Les Aztèques et les Mayas adoptèrent la boisson ‘sacrée’. C’est n’est qu’au début du XVIe siècle que les Espagnols introduisirent les fèves de cacao en Europe et, en 1580 la ‘première’ chocolaterie de Madrid servait le ‘premier’ lait chocolaté.

Le premier chocolat ‘solide’ fut conçu en 1828 par le Néerlandais Coenraad van Houten. Il mit au point un procédé de broyage qui permettait de séparer la poudre de cacao et la graisse de cacao. Ainsi naquit la tablette de chocolat. Le chocolat au lait est, quant à lui, une ‘invention’ suisse de 1875.

Jusqu’au début du XXe siècle, le cacao n’était vendu qu’en pharmacie, où des pharmaciens créatifs comme le bruxellois Neuhaus le transformaient en boissons, biscuits et chocolats. Jean Neuhaus fut le premier à mettre sur le marché, en 1912, un bonbon au chocolat fourré : la praline ! En 1915, il invente le ‘ballotin’, la boîte à pralines typique.

Origine & co

Sous la peau épaisse du fruit du cacaoyer se nichent de petites fèves pressées les unes contre les autres. Il existe des centaines de variétés de fèves de cacao, tant par leur taille que par leur saveur ; une fève de cacao peut contenir jusqu’à 115 notes aromatiques. Comme pour le vin, la saveur et la qualité des fèves de cacao, et donc du chocolat qui en est issu, sont déterminées par le terroir (sol) et le climat dans lesquels pousse le cacaoyer. Chaque récolte est différente, de sorte que les fèves d’une même région auront des saveurs différentes d’une récolte à l’autre.

Plus de 90 % de tout le chocolat est élaboré à partir d’une seule espèce, le ‘Forastero’, une fève de cacao très robuste et résistante aux maladies, appréciée dans le monde du chocolat pour son prix modéré et sa grande disponibilité. Elle a un goût de cacao spécifique qui permet de le mélanger facilement avec d’autres fèves de cacao plus rares et plus complexes qui constituent les 10% restants : le Criollo, le Trinitario et l’Arriba Nacional.

Dans le Criollo, outre la saveur de cacao épicé et amer, vous goutez les fruits rouges, le cassis et les notes épicées. Le Trinitario présente un profil de saveur complexe et convient donc parfaitement à l’élaboration d’un chocolat de qualité supérieure. L’Arriba Nacional a un profil de goût floral et fruité agréable.

Le commerce mondial des fèves de cacao gravite autour de la Bourse du cacao de Londres. Les fèves y sont vendues séchées à des fabricants de chocolat du monde entier. En Belgique, principalement à Callebaut et Belcolade. Ces chocolatiers mélangent, torréfient, broient et conchent les fèves (soit le long processus de mélange de la poudre de cacao et du beurre de cacao pour obtenir une masse homogène) pour livrer à leurs clients des ‘couvertures’ (chocolat en gros blocs) sur mesure. La plupart des couvertures sont des mélanges de différents types de fèves de cacao, mais le chocolat d’origine, qui n’est issu que d’un seul type de fève provenant d’une seule région, est de plus en plus prisé.

Bean to Bar

Les petites maisons de chocolat artisanales telles que Marcolini, Van Dender et The Chocolate Line partent des fèves elles-mêmes et conçoivent leur propre base sous la devise ‘Bean to Bar’. Le chocolat ‘Bean to Bar’ illustre la diversité du cacao et les saveurs surprenantes de cette diversité.

Pierre Marcolini

En Belgique, le chef pâtissier et chocolatier Pierre Marcolini est considéré comme le pionnier du ‘Bean to Bar’. En 2001, l’Europe décida d’autoriser l’utilisation de graisses végétales autres que le beurre de cacao dans le chocolat. Ce fut le signal pour lui d’arrêter de travailler avec les couvertures des grands chocolatiers et d’élaborer son propre chocolat, à partir des fèves de cacao. Depuis, il parcourt régulièrement la ceinture du cacao, visite des plantations, sélectionne les fèves et les fait livrer directement dans son atelier de Bruxelles où il les torréfie et les conche lui-même. Aujourd’hui, Pierre Marcolini est une autorité mondiale dans le domaine, avec des boutiques Marcolini de Paris à Tokyo.

eu.marcolini.com

Herman Van Dender

Le pâtissier et chocolatier Herman Van Dender a également voulu se détourner des couvertures traditionnelles. Il se rend chaque année dans des plantations de cacao à la recherche de fèves de cacao uniques avec lesquelles il élabore son propre chocolat. ‘Bean to Bar’ garantit un contrôle strict de la qualité et lui permet d’avoir son mot à dire dans chaque étape du processus de fabrication du chocolat. Ce concept est également synonyme d’une approche éthique, qualitative et équitable de l’ensemble du processus de production. En 2016, Herman Van Dender a ouvert un site de production moderne à Grand-Bigard, dont la capacité peut atteindre 1 tonne par jour. Outre les pralines et les tablettes, il transforme également le chocolat en ‘gouttes’. Ces gouttes se retrouvent chez d’autres chocolatiers, pâtissiers et chefs qui les utilisent pour leurs propres créations.

www.vandender.com

The Chocolate Line

Le ‘Shock-o-latier’ Dominique Persoone s’est également mis à la recherche des meilleures fèves de cacao avec lesquelles il pourrait concevoir son propre chocolat. Dans le plus pur style des grandes expéditions, l’enfant terrible des chocolatiers belges partit à travers la jungle mexicaine à la recherche de l’origine du chocolat. Il abhorre la routine et a donc garni ses pralines de piment, d’ail, de guacamole, de tequila, etc. Son dernier projet est une chocolaterie dans les Virunga (Congo), en collaboration avec le parc national des Virunga, afin de préserver le parc et ses animaux et d’aider la population locale. Son fils Julius a repris, en tant que ‘next generation’, la production de l’usine de Bruges. Comme son père, il se rend régulièrement dans la plantation mexicaine et, comme lui, travaille en dehors des sentiers battus. Passionné par la ‘coloration’ du chocolat, il s’est fait installer une véritable cabine de pulvérisation.

www.thechocolateline.be

Texte : Tine Bral