Champagne & mousseux belges
Dans un secteur toujours en effervescence, celui des vins mousseux, quelles sont les actuelles tendances observées en horeca ?
A cette question, quelques sommeliers et restaurateurs nous ont répondu : davantage de champagnes de producteurs (‘RM’, récoltants-manipulants) et aussi une demande accrue pour les ‘bulles’ belges.
Le Champagne, toujours très demandé
Il reste le roi des vins effervescents. Certains restaurants, certes ‘haut de gamme’, le proposent même exclusivement. C’est le cas du ‘Sea Grill’, la célèbre enseigne bi étoilée bruxelloise d’Yves Mattagne. « La demande de nos clients est exclusivement axée sur le champagne », nous dit Fabrice D’Hulster, le directeur de salle et sommelier de ce restaurant qui a établi des partenariats avec deux marques bien connues. « Cela nous permet de bénéficier d’un prix intéressant et d’avoir aussi un retour des distributeurs qui viennent chez nous avec des clients pour, par exemple, présenter leurs derniers millésimes. Mais nous n’acceptons pas de servir ces champagnes dans des verres gravés à leurs marques », précise ce sommelier qui ne fait pas pour autant l’impasse sur des producteurs comme des ‘récoltants-manipulants’. « Il y en a d’excellents qui, de plus, vendent à des prix raisonnables, même si les grandes maisons champenoises sont toujours très demandées. Sans oublier d’autres qui sont plus connues des amateurs pointus ». L’avis est différent au restaurant ‘Lemonnier’ d’Eric et Tristan Martin, à Lavaux Sainte-Anne. Ici, l’offre est principalement axée sur deux producteurs ‘RM’. L’un en biodynamie et aussi un autre. « Pour nous sommeliers, il est plus passionnant de présenter des champagnes de producteurs que l’on connaît personnellement. Leur histoire familiale, les terroirs où leurs vignes sont plantées… C’est du vécu, et les clients sont attentifs et réceptifs. Ils nous font confiance. A l’exception de quelques grandes marques, nous ne vendons plus des champagnes de ‘NM’ (‘négociants-manipulants’) », nous explique Frédéric Cabut, le sommelier. Celui-ci ne présente pas, sur sa carte, des cava, prosecco et crémant. Seul un Vouvray mousseux fait exception. Au restaurant ‘Les Eleveurs’, à Halle, Andy De Brouwer suggère cinq champagnes ‘maison’ qu’il vend essentiellement à la flûte. « Les ventes du champagne à la bouteille ne représente à peine que 5% de nos ventes. C’est cacahuète ! ». Et rarement pour accompagner le repas. Même constat pour Fabrice D’Hulster : le champagne est très peu demandé après l’apéritif. Les champagnes de producteurs ? Une petite société belge s’est spécialisée dans leur vente. Thomas Colart et Benjamin Duplouy ont créé ‘C. de Champagne’ et suggèrent les cuvées de 12 producteurs dont 10 ‘RM’. « Les mentalités changent. Les chefs et sommeliers sont de plus en plus ouverts à ce type de champagne. Il ne s’agit pas, pour eux, de remplacer les grandes marques, mais d’offrir une gamme complémentaire. Et aujourd’hui, certains de nos vignerons sont référencés dans de beaux établissements comme le Comme Chez Soi, L’Air du Temps, où nous avons été très bien accueillis », se félicite Benjamin Duplouy.
Les ‘bulles belges’
C’est un fait récent, indéniable. Un intérêt de plus en plus marqué pour les vins mousseux ‘méthode traditionnelle’, qu’elles soient flamandes ou wallonnes. « Je vends autant de champagnes que de vins mousseux belges, en volume », avance même Andy De Brouwer. A la flûte et à la bouteille. ‘Chant d’Eole’ et ‘Scorpion’, ce dernier que je sers avec un peu de gueuze. Les clients sont curieux et, chez nous, préfèrent commander un mousseux du pays qu’un cava, si, bien sûr, la qualité est au rendez-vous. Chez ‘Lemonnier’ aussi les effervescents nationaux se vendent bien. On retrouve ici la célèbre Cuvée Ruffus en provenance du plus grand domaine du Royaume (celui des Agaises) et aussi ‘Chant d’Eole’, ce producteur également de la région de Binche, qui a commercialisé ses premières bouteilles voici seulement un an. « Nos clients sont réceptifs mais il ne faut pas les décevoir », estime Frédéric, le sommelier.
Dans la famille des Crémants, voici celui de Savoie
C’est le huitième Crémant français. Le plus jeune aussi et encore peu connu. Ses premières bouteilles ont été commercialisées fin 2017. Une opportunité pour placer sur la carte ce Crémant, encore confidentiel, né dans les montagnes savoyardes et issu des cépages locaux principalement (jacquère, altesse) auxquels ont peut ajouter du chardonnay (mais pas plus de 40% en production totale) et aussi de l’aligoté et du chasselas. Au dernier concours national des Crémants de France, sur onze échantillons présentés, quatre d’entre eux ont été médaillés.
La Champagne va-t-elle agrandir son aire de production ?
C’est un sujet qui est aux mains d’experts pour accepter (ou non) environ 45 communes désireuses de rentrer dans la zone de production de cette appellation d’origine contrôlée. Pas simple. Les pressions, on l’imagine, sont énormes. A la fois politiques et bien sûr financières. L’hectare de terre en Champagne dépend de la possibilité d’y produire le célèbre vin. Il varie de 10.000 à 700.000 euros… Actuellement, la Champagne viticole représente 34.000 hectares de vignes. Au 19è siècle, on en comptait 75.000. Mais il existe aussi des déclassements probables. Comme sur les communes de Germaine et d’Orbais-l’Abbaye. Dans le premier village, Moët et Chandon possède 22 hectares et dans le second, le groupe Vranken Pommery Monopole, une quarantaine… On le répète : rien n’est simple !
En 2017, la Belgique les ventes de champagne ont progressé de 8,9% (en volume) et de 10,4% (en valeur). Nous restons le cinquième marché à l’exportation pour le champagne et le premier ‘per capita’, avec 9.074.781 bouteilles importées ‘officiellement’. Car, on le sait, à ce chiffre des douanes, il faut ajouter plusieurs millions de bouteilles (un chiffre précis est impossible à définir) importés dans les coffres de voitures. Le Belge reste avant tout un acheteur de brut non millésimé (92,3%). Le rosé a représenté l’an dernier 3,4% des importations officielles, les cuvées spéciales 2,7% et le demi-sec 1,7%. Notre pays se singularise aussi, parmi tous les pays du monde qui importent du champagne, par le plus grand nombre d’expéditeurs (négociants, récoltants, coopératives) : 552 en 2017.