Mordu de gibier !

Danny Horseele du Restaurant Horseele à Gand nous concocte quelques plats de gibier

Le chef Danny Hoorseele est un mordu de gibier et pour lui, l’automne est l’une des plus belles saisons en cuisine. Il transforme lui-même tout son gibier, du désossage au filetage, et trouve dommage que les chefs se tournent vers les filets et les portions toutes prêtes. Heureusement, ceux-ci forment de plus en plus une minorité. 

Danny Horseele : « Pour moi, ce sont les grands jours ! Je ne travaille qu’avec du gibier dont je connais l’origine. Depuis 40 ans, le volailler Jan D’Hauwe de Gand est mon fournisseur attitré. Récemment, il a cédé son atelier à des jeunes et a déménagé à Tielt – son magasin reste toutefois à Gand – afin de se retrouver au milieu des zones de chasse flamandes. (rires) Non, je ne suis jamais allé à la chasse, ce n’est pas mon truc. »

Quand peut-on chasser quoi?

« Quand et ce qui peut être chassé diffère beaucoup selon la région dans notre petit pays. C’est ainsi que la chasse au lièvre et au faisan commence le 1er octobre en Wallonie et seulement le 15 octobre en Flandre. En Wallonie, vous pouvez chasser la bécasse, alors que c’est interdit ici. Cela conduit à des situations étranges. A Amougies, par exemple, si la bécasse vole d’un côté de la frontière, rien ne se passe, si elle vole de l’autre côté, on épaule les fusils. Vous pouvez acheter la bestiole en Wallonie, mais lorsque vous franchissez la frontière linguistique, vous devez la rendre. Donc, vous ne pouvez pas manger de bécasse en Flandre, vous devez aller en Wallonie et croyez-moi, ça en vaut vraiment la peine.

La bécasse est le seul oiseau qui est cuit avec ses intestins. Pas vraiment un problème à vrai dire, car l’oiseau fait toujours ses besoins lorsqu’il prend son envol, de sorte que les intestins sont complètement propres. Pour un maximum de saveur et pour préparer un délicieux ragoût à la minute avec du foie gras, du beurre et du poivre que l’on sert sur des toasts, les intestins doivent être cuits avec la volaille.

En ce qui concerne le lièvre, je travaille toujours avec des lièvres des polders que je transforme entièrement. Bien que la chasse ne débute que le 15 octobre, je ne propose du lièvre au menu que cinq jours plus tard. Pourquoi ? Un lièvre abattu doit reposer durant quatre à cinq jours chez le volailler, son goût est alors parfaitement développé et ne change plus. 

Je sers bien sûr du râble de lièvre, mais avec en plat d’accompagnement une combinaison du civet sous la forme d’un ragoût en cocotte. Et, je prépare quelque chose de très classique qui est devenu unique :  le ‘lièvre à la riche’ (ou à la royale), une préparation au goût ‘riche’ car elle contient le sang du lièvre. Cela prend une semaine, mais le client qui le déguste ne l’oubliera jamais (rires), du moins s’il est parfaitement préparé. J’ose dire que c’est le cas, parce que je suis allé à bonne école notamment chez Eddy Van Maele, qui était un spécialiste du gibier. Pour le ‘riche’, il faut désosser complètement le lièvre, le faire mariner, préparer une farce, le farcir et le cuire au four à basse température pendant plusieurs heures.

La chasse au faisan s’ouvre en même temps que celle au lièvre. Les grands mâles sont beaux à voir, mais les petites femelles sont les meilleures. Plus la saison est avancée, plus les chances de trouver de vrais faisans sauvages sont grandes. Quantité de faisans sont élevés et ensuite relâchés, mais ils ne sont pas tous abattus immédiatement et redeviennent donc sauvages.

Le faisan peut se préparer de la manière la plus classique qui soit, avec des chicons et une sauce fine champagne ou avec une pomme et des airelles. Pourquoi pas ? La combinaison est divine. Mais vous pouvez également farcir un faisan dans une ballotine à la truffe.

Pour le gros gibier comme le sanglier ou le faon, mieux vaut aller en Ardenne, c’est leur habitat. Personnellement, je trouve qu’il ne faut pas les manger en Flandre. Les gens associent souvent le sanglier avec le marcassin, mais il s’agit en fait de deux animaux complètement différents. »

La pureté avant tout!

« Le gibier permet pléthore de possibilités pourvu que vous en respectiez la pureté. Avec les petites cuisses de canard, vous pouvez préparer des petites croquettes en tant que plat d’accompagnement, les gens n’aiment pas trop manger avec les doigts. C’est dommage, j’aimerais en fait servir le gibier comme j’en avais l’habitude, sans couverts, en le dégustant directement à même la carcasse. Juste quelques petites incisions et ensuite on mord dedans… C’est ainsi que l’on procédait autrefois. De nos jours, on a tendance à faire des plats sophistiqués et complexes alors que le gibier en soi est déjà un beau produit dans toute sa simplicité. Si vous commencez à trop le saucer avec une sauce aux herbes vertes, ça ne marche pas. Certaines choses ne s’accordent tout simplement pas. Les poireaux, par exemple, ne font pas bon ménage avec la perdrix, mais le chou rouge se marie parfaitement avec le sanglier et le lièvre. Une autre option est le boudin de lièvre, bien que vous deviez le préparer vous-même et …préparer un boudin est tout sauf simple. Vous devez apprendre à le préparer auprès de professionnels, mais le jeu en vaut la chandelle.

Je suis heureux qu’après toutes ces pérégrinations en cuisine, on ait repris conscience du fait que les produits de base sont les plus importants. On assistait à une tendance à trop de ‘décomposition’, et maintenant les gens en reviennent. La connaissance des produits a également le vent en poupe et c’est une bonne chose pour la gastronomie. »

Danny, à propos du gibier dans ses recettes

« La saison de la perdrix débute le 15 septembre pour se terminer fin novembre, plus 10 jours pour en écouler le stock. La perdrix sauvage est mon gibier de prédilection, avec la bécasse (rit) que j’aime aller chercher en Wallonie. Tout le gibier, mais surtout la perdrix, doit être préparé très pur. Il existe différentes sortes de perdrix.

Je ne travaille qu’avec de la perdrix sauvage. En raison de l’été très humide, il n’y en a que très peu. En revanche, vous trouverez énormément de lièvres et de faisans. La perdrix sauvage brille joliment, a de petites pattes jaunes pâle et lorsque vous la nettoyez, vous voyez très bien ce qu’elle a mangé.

Ensuite, il y a la perdrix de basse-cour avec ses petites pattes grises, qui est élevée dans d’énormes cages, aussi grandes qu’un terrain de football (rires). Elles courent et volent librement et sont nourries de la même manière que dans la nature. Il s’agit d’une forme de semi-gibier, avec un goût similaire à celui du gibier sauvage.

La perdrix grise est quant à elle, élevée en intérieur, sa chair est blanche comme neige, ce qui n’échappe pas non plus au consommateur.

La perdrix rouge est principalement élevée en Espagne et importée dans notre pays. Je vais vous dire honnêtement… vous n’êtes pas digne du nom de chef si vous travaillez avec des perdrix rouges (soupir) et pourtant, cela se fait beaucoup.

Enfin, il y a les vieilles perdrix qui subsistent après la chasse et l’hibernation. Mais elles sont si coriaces qu’on ne peut en faire que des soupes, ou de la ‘perdrix aux choux’, un pot-au-feu très classique avec du chou, et qui exige une cuisson d’une heure et demie à deux heures. Très savoureux, mais ce plat ne se fait plus parce qu’il demande trop de travail. Dommage.

La saison du canard sauvage commence généralement vers le 25 août et se termine le 31 décembre plus 10 jours pour la vente des stocks. Il y a de moins en moins de gibier et donc aussi moins de canards sauvages. Cela est dû en partie au réchauffement climatique, mais les cultures dans les champs se font aussi de plus en plus rares. Les canards ont donc plus de mal à trouver de la nourriture, s’envolent et ne reviennent pas. Cela a probablement un effet sur le schéma de reproduction : les canards avaient autrefois trois à quatre œufs par nid, ils n’en ont plus qu’un ou deux. A présent, d’autres animaux comme les renards se développent davantage et eux aussi ont besoin de se nourrir.

Je travaille toujours avec des canards des polders qui vivent dans les étangs des environs. Mon fournisseur Jan D’Hauwe va lui-même à la chasse, c’est un chasseur très méticuleux et c’est important pour la qualité. Il n’y a aucune différence entre les canards qui ont été abattus et ceux qui ont été capturés dans des leurres, ils ont eux aussi vécu dans la nature. La différence est par contre immense lorsqu’il s’agit d’un canard d’élevage, qui est un animal complètement différent.

Le chevreuil est disponible jusqu’à la fin du mois de janvier plus 10 jours. La chasse au chevreuil printanier n’est autorisée que pendant un mois au printemps. Il s’agit de mâles de deux ans (brocarts) aux bois à deux pointes qui ne peuvent être chassés qu’à l’affût, c’est-à-dire en restant au même endroit. Le chasseur doit donc choisir son emplacement avec soin et être patient. Mes chevreuils viennent des Ardennes. Vous goûtez les herbes sauvages dont ils se sont nourris. »

Restaurant Horseele
Ghelamco Arena
Ottergemsesteenweg – Zuid 808, 9000 Gent
Tel. +32 9 330 23 20
www.restauranthorseele.be

Texte : Tine Bral