Qu’en sera-t-il à présent de l’horeca ?  Nous avons eu une conversation passionnante avec Herman Konings, maître en psychologie théorique (KU Leuven) et directeur de l’agence de recherche sur les tendances et l’avenir Pocket Marketing/nXt. En tant qu’analyste des tendances et psychologue des consommateurs, il conseille des entreprises nationales et internationales, notamment Campina Friesland (NL/B), Carrefour, Coca Cola (UE), Colruyt, Danone, Electrolux (UE), Foodservice Network (NL/B), Henkel, Nestlé/Nespresso (NL/B), Philips (UE), P&G, Sodexo, Unilever (NL/B).

Et nous n’exagérons pas lorsque nous affirmons qu’il est l’observateur de tendances le plus réputé de Belgique.

L’Intervirum

Herman Konings : « Je parle de l’’Intervirum’, par analogie avec l’Interbellum, la période de l’entre-deux-guerres. Entre deux attaques de virus, en effet, car tous les virologistes s’accordent sur la certitude qu’une prochaine pandémie surviendra, qu’elle soit virale ou bactérienne.  Peut-être cette année, peut-être dans quelques années. Et nous ferions mieux d’en tenir compte. Car même si un vaccin arrive sur le marché, il ne résoudra pas tout, les virus pouvant en effet muter. »

« La crise du Coronavirus représente un bouleversement de notre économie et de notre mode de vie, le plus drastique depuis la Seconde Guerre mondiale. Et particulièrement pour l’horeca. Pour le moment, il s’agit avant tout de survivre, la croissance n’est pas encore à l’ordre du jour. Ce qui est certain, c’est que le comportement de nombreuses personnes va changer radicalement à l’avenir. La courbe de Gauss nous permet d’imaginer plus clairement l’impact de ce changement : selon l’âge, elle monte assez rapidement, puis reste stable pendant un certain temps, pour redescendre à un âge plus mûr. Une majorité procèdera à de petits changements dans leur vie, en adoptant par exemple le paiement sans contact, par peur de la contamination. Mais environ la moitié d’entre eux changeront certaines de leurs habitudes, 16% modifieront même sensiblement leur comportement. »

Durant la crise, certains établissements horeca ont développé par nécessité des activités alternatives : vente à emporter ou livraison à domicile, par exemple. Et ces activités ont connu un vif succès dans de nombreuses entreprises. Ils continueront donc à le faire.

Aides soumises à conditions

« Le gouvernement va certainement injecter des fonds dans les entreprises. Mais pas au hasard : il s’agira avant tout de prévention. Ils faciliteront un changement de comportement en faveur de la santé, car une population en bonne santé offre une meilleure résistance aux crises futures. Encourager le travail à domicile en fait également partie : moins de stress, moins de pollution de l’air. Travailler 1 à 2 jours de chez soi devient la nouvelle norme. D’autant plus que les employeurs sont également très positifs à l’égard de l’expérience vécue pendant le confinement. »

« La technologie occupera une place prépondérante dans l’horeca. Dispositifs de désinfection par UV, purification de l’air toutes les demi-minutes grâce à un système de filtration de l’air, voire un contrôle d’accès automatique avec mesure de la température, comme c’est déjà le cas à Singapour et en Corée du Sud. La difficulté sera ici de combiner ces innovations techniques mais également très impersonnelles avec le principe de l’hospitalité. »

« La plupart des établissements horeca ne disposaient déjà pas de beaucoup de réserves, en raison de la perte de revenus et des restrictions dans l’Intervirum, nombre d’entre eux auront donc du mal à s’en remettre, et devront malheureusement mettre la clé sous la porte. Cela ouvre des opportunités pour les multinationales, qui sont assurément à l’affût et seront plus présentes. Ces géants possèdent d’énormes trésors de guerre et sont toujours à la recherche de bons emplacements. »

Élaguer pour grandir

La disparition d’établissements horeca à peine viables aura également une influence positive sur l’ensemble du paysage horeca. Comparez-le à un arbre fruitier : en éliminant les branches malades, les branches saines pousseront mieux et porteront de plus beaux fruits.

L’horeca est fragile mais doit devenir anti-fragile, un concept tiré du célèbre ouvrage de Nassim Nicholas Taleb, The Black Swan : les cygnes noirs arrivent, mais on ne les voit pas venir. Pour anticiper, il faut intégrer un certain degré d’anti-fragilité, afin de surmonter les formes négatives mais aussi utiliser les formes positives. Mais cela doit rester agréable. L’avenir de l’horeca réside donc dans le marketing et l’enthousiasme. L’entrepreneur horeca doit avoir un champ de vision à 361°, il doit apprendre à tenir compte avec empathie de tout et de tous : clients, voisins, fournisseurs, employés…. Est-ce que je fais mon travail avec plaisir, passion et cœur ? Est-ce que je signifie quelque chose pour les autres ?”, voilà la question que vous devez vous poser.

« Et n’oubliez pas : après chaque grande crise, la vitesse des changements est toujours plus rapide. La durabilité et la santé bénéficient de plus d’attention. Les jeunes mangent moins de viande, consomment moins d’alcool, limitent leur consommation de sucre. Leur alimentation doit être durable. Et : ils ont également une influence sur la génération plus âgée. »

M4L4M – More for Less for More.

« La compétition acharnée et impitoyable est la plus importante dans l’horeca. Les consommateurs, pour leur part, sont de plus en plus exigeants, et vous êtes jugé constamment sur les médias sociaux. Le slogan doit donc devenir ‘More for less for more’ : more value for less money for more people. Les exploitants horeca vont devoir réinventer l’horeca : la convivialité et l’excellence du service seront les arguments déterminants. »

« Les terrasses joueront un rôle prépondérant dans les premiers mois ou les premières années. Mais est-ce une bonne solution ? Il suffit de penser à quel point nous sommes dépendants du temps et de la température. Mais ce n’est pas tout. Cette année, deux millions de Belges passeront leurs vacances dans leur propre pays. Nous n’aurons jamais assez d’espace en terrasse pour les accueillir. De longues files se formeront devant les terrasses et le personnel de service devra suivre un cours de gestion de la frustration pour faire en sorte que tout se déroule comme il se doit. »

« Je vois davantage d’opportunités pour les établissements branchés en dehors des villes. Des bars à cocktails et des salons de café tendance peuvent également se développer dans les grands villages. Ils y ont d’ailleurs suffisamment d’espace pour les terrasses, et d’importantes possibilités de parking. Par ailleurs, les jeunes ménages avec enfants souhaitent s’éloigner de la ville. Ils restent ‘collés’ dans les villes au terme de leurs études, mais aspirent à présent, suite au confinement, à une maison avec un (petit) jardin et de la verdure alentour pour s’adonner aux plaisirs de la bicyclette et de la balade lorsque poindra la prochaine pandémie. L’avenir réside également dans la périphérie, à condition bien sûr que tout soit à portée de main à une quinzaine de minutes : shopping, loisirs, horeca. C’est là que se situent les opportunités. »

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La crise du Coronavirus représente un bouleversement de notre économie et de notre mode de vie, le plus drastique depuis la Seconde Guerre mondiale. Et particulièrement pour l’horeca.
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Les terrasses joueront un rôle prépondérant dans les premiers mois ou les premières années. Mais est-ce une bonne solution ?
Texte : HW
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