Le 25 juin, Horeca Magazine organisait au Foodlab Excellis un atelier de dégustation avec Frederic Van Tricht, maître-affineur. But? Faire découvrir les nouvelles tendances en matière de fromages belges et mettre en lumière les possibilités permettant aux restaurateurs d’associer saveurs, variété et rentabilité.

 

Excellis, un foodlab de six étages implanté dans le Mediapark à Bruxelles, est entièrement dédié à l’ensemble des aspects de la gastronomie. Ce 25 juin, ce foodlab flambant neuf était le décor d’un atelier de dégustation organisé par Excellis Academy en collaboration avec Horeca Magazine avec, dans le rôle principal, différents fromagers (belges). Il y avait deux bonnes raisons à cela. Les fromages belges sont encore sous-estimés, même s’ils n’ont rien à envier à ceux des «grandes» nations fromagères en termes de saveur et de variété. La Belgique allie la tradition des fromagers français au savoir-faire des fromagers néerlandais. Un mélange parfait: en Belgique, nous proposons le meilleur des deux mondes. Ce n’est pas un hasard si deux fromages belges ont récemment été mis à l’honneur lors du Sirha Green à Lyon.Ces deux fromages étaient le fromage de brebis «Bleu de Scailton», de la Bergerie d’Acremont, et le fromage de chèvre Corneel» de Karditsel. Deuxième raison de cet atelier de dégustation, important pour le long terme, c’est que l’utilisation des fromages dans les restaurants peut assurément encore être optimisée, tant sur le plan des recettes et du foodpairing que du rendement. Ce foodpairing joue assurément un rôle dans la manière dont les clients finaux considèrent le fromage. Ainsi, le vin rouge n’est-il pas toujours le partenaire idéal pour chaque variété de fromage. Des vins blancs, des mousseux – un bon crémant, un champagne – et certainement aussi des bières (belges) les remplacent souvent avantageusement. Les bières belges sont très variées (couleur, teneur en alcool, méthode de brassage…) et il y a toujours une bière se combinant parfaitement à un fromage donné. D’une manière générale, la bière, et plus particulièrement la bière belge, déploie également un univers gustatif complexe.

Chaque fromage a un ami

Grégory Salemi de l’APAQ-W, qui promeut les fromages de Wallonie, essuie les plâtresdurant cet atelier de dégustation, avec une explication relative aux tendances actuelles dans l’univers du fromage. Les fromages belges représentent environ 20% de notre marché fromager (18% en volume, 22% en valeur). De ce fait, ils sont en réalité sous-estimés. La moitié du marché fromager se compose de fromages à pâte dure, une proportion stable depuis plusieurs années déjà. Les plus petits segments comme les fromages fondus cèdent du terrain, au profit des fromages à pâte tendre et mi-dure, parallèlement au fromage de brebis et de chèvre, comme en attestent les chiffres du bureau d’étude GfK. Il est également clair que les produits régionaux ont la cote.

Vint ensuite le tour de Frederic Van Tricht, troisième génération d’une famille de marchands de fromages et d’affineurs anversoise, qui a toujours mis l’accent sur les fromages artisanaux. Entre-temps, l’établissement familial compte deux points de vente et une grande cave d’affinage (dans l’ancienne usine d’embouteillage de la brasserie anversoise De Koninck, juste à côté de la salle de brassage encore en activité). Frederic Van Tricht a dirigé de main de maître la dégustation complète d’une sélection de douze fromages belges remarquables. Pour chacun de ces fromages, il en expliquait la provenance et le type. Les participants ont pu y faire de belles découvertes! Et pour chacun de ces fromages à déguster, répartis en quatre familles, un vin et une bière assortis étaient proposés. Cela n’étonnera personne que plusieurs combinaisons surprenantes en aient résulté. Préalablement à la dégustation, Frederic Van Tricht a livré son regard sur les manières dont les restaurateurs peuvent mieux travailler les fromages et améliorer le rendement du travail avec le fromage. L’affineur jongle lui-même avec quatre concepts-clés: sélection, maturation, connaissance du client et création.

Sharing is caring

Van Tricht même opte systématiquement pour des fromages artisanaux, comme les fromages fermiers de qualité, avec du lait cru et un contrôle sur l’ensemble du parcours alimentaire des animaux. Généralement, le lait d’été est plus savoureux et l’affinage est un métier à part – certains producteurs s’en chargent eux-mêmes, d’autres laissent ce soin à de célèbres affineurs comme Van Tricht. Le fromage ne joue pas un rôle de premier plan dans tous les restaurants, constate Van Tricht, ce qui est regrettable. Naturellement, vous devez les sélectionner en fonction des ventes, pour maintenir le rendement à niveau. Vous ne devez donc pas nécessairement avoir 20 fromages de stock. Essayez donc un plateau à partager (sharing is caring). Introduisez un plateau de fromage dans le menu. Et surtout: faites preuve de créativité, avec un fromage au barbecue par exemple (comme le poulet nappé de bleu). Ou que diriez-vous de proposer un plateau de fromage comme en-cas de l’après-midi, entre les shifts du chef?

Comment limiter les pertes?

En adaptant l’offre à la vente, vous êtes sur la bonne voie, souligne Frederic Van Tricht: «Il n’y a pas de mal à proposer une petite sélection de fromages de qualité». Une suggestion remarquable consiste à proposer une assiette de fromages avec une seule variété, mais alors avec quelques tranches de fromages d’âges différents. Le client découvre ainsi l’éventail complet des saveurs d’un fromage donné. Encore un conseil: en faisant du fromage une composante attitrée des mets, vous améliorez déjà la rotation. Essayez de faire cela sans supplément, suggère Van Tricht: «Les produits sont peut-être un peu plus chers, mais nécessitent moins de travail». Et suivez les saisons, ajoute encore Van Tricht.

En outre, chaque fromage a une histoire. Car les fins gourmets aiment les plats ou les ingrédients chargés d’histoire. Pourquoi le menu ne contiendrait-il pas, par exemple, quelques mots d’explication au sujet de l’histoire d’un fromage donné? Avant même de commander le plat de résistance, il peut être avantageux de s’intéresser à la commande possible d’un plateau de fromage (en dessert ou en plat intermédiaire). Personne ne s’étonnera du fait que Van Tricht suggère en tout temps d’intégrer des desserts au fromage dans le menu !

Réaliste?

Opération réussie? Qu’en ont pensé les participants? Jurgen Brouillard du Vinci à Dendermonde utilise déjà beaucoup le fromage selon ses propres dires; il est devenu une partie intégrante du menu. Ellen’en garde pas moins en mémoire quelques conseils de Frederic Van Tricht. «J’ai découvert ici quelques fromages belges moins évidents», reconnaît Jurgen. «Personnellement, je trouve regrettable que bon nombre des fromagers belges soient moins vite repris dans l’assortiment des détaillants». Martin Vanhoye aussi se réjouit de ce genre d’événements, pour y trouver l’inspiration. En France, il exploite deux magasins et deux restaurants, dans lesquels les clients peuvent savourer des plats de fromage ou de viande, sous la dénomination Hermann. Il envisage même d’ouvrir ce genre de table d’hôtes-restaurants en Belgique, mettant à l’honneur uniquement des fromages belges.

Local et authentique

Pour plusieurs fournisseurs de différentes spécialités fromagères, cet atelier de dégustation était aussi l’occasion de revoir de vieilles connaissances, de nouer de nouvelles relations et de mettre en avant plusieurs nouveautés. Comme Hinkelspel, où Alexander Claeys voit encore trop peu de ‘bio’ sur le terrain, même s’il constate que ce marché est en progression, surtout parce que les aspects comme ‘local’ et ‘lait cru’ attirent de plus en plus l’attention des consommateurs critiques. L’aspect authenticité joue également un rôle pour la Société Fermière Rochefort-Ardenne, laquelle propose désormais du fromage en sus du beurre. «Sur une suggestion de l’abbaye», précise Cécile Mathot de l’entreprise familiale de Celle-Houyet. Et nous trouvons encore plus «local» et «authentique» à la Ferme Le Bailli de Soignies, qui propose des fromages fermiers au lait cru directement aux restaurants et à présent aussi via des grossistes et même quelques supermarchés.

Fromages & Co

Il va de soi que le fromage est rarement seul. Voilà pourquoi cet atelier a également fait la part belle aux produits assortis, comme le pain de Diversi Foods, ou les beurres spéciaux et les préparations de beurre de L & L Plaquette de Mesnil Saint-Blaise. «Nos produits sont utilisés purs ou en tant qu’ingrédients pour sauces ou préparations, comme la sauce béarnaise», commente Olivier Plaquette. Histoire d’inspirer les restaurateurs présents, il leur a permis de déguster des fromages à l’ail et aux fines herbes, avec fleur de sel (en vogue), au citron et poivre vert, et même à la truffe. «Un événement comme celui-ci démontre clairement que les restaurants sont friands de nouveautés, de ce genre de produits», souligne Olivier. Un avis que partage Paul Van Puyvelde, de Quality Nuts. Ce dernier de livrer des conseils non équivoques aux intéressés, au sujet de la bonne conservation des noix et des produits de qualité comme les figues fraîches et les dattes. Ces produits ne se récoltent qu’une seule fois l’an, de sorte qu’une bonne conservation est très importante, mais en fait, très simple. Les variations de températures doivent être évitées pour permettre aux noix oléagineuses de conserver toute leur saveur.

Et pour terminer par une boisson, Thierry Tacheny d’Invineo y a présenté son ingénieux système de vente de vin, un système ‘integrated wine by the glass solution’. Invineo sera déployé à grande échelle en septembre 2019. Différents tests sont actuellement menés, y compris dans des restaurants. Car s’il peut y avoir des pertes avec le fromage, il en va de même du vin. Invineo sélectionne une série de vins propres (blanc, rosé et rouge, à chaque fois en différentes intensités de saveur). Le système conserve le vin jusqu’à 30 jours et fournit la bonne quantité à la température adaptée (à chaque saison). Le système peut être géré en intégralité via le smartphone, y compris les ventes par serveur. Ou comment tradition (viticole) et technologie moderne peuvent se conjuguer au plus-que-parfait.

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