Focus sur les accompagnements pour le gibier avec 4 chefs
qui ne manquent pas d’idées.

Mathieu Vande Velde

Chef du restaurant gastronomique ‘Le Roannay’- Francorchamps – www.roannay.be

Mathieu est d’une maturité professionnelle impressionnante pour ses 26 ans. Il se forme à l’école hotellière de la Province de Namur et intègre le ‘Comme chez Soi’ pendant 2 ans puis rejoint la brigade de David Martin à ‘La Paix’ pendant 4 ans. Après un court passage dans l’émission française ‘Top chef’ ( saison 12) où il faisait partie de la brigade de Philippe Etchebest, il crée sa propre société comme chef à domicile. David ­Martin l’introduit ensuite à 2 investisseurs qui viennent de racheter l’hôtel restaurant ‘Le Roannay’ à Francorchamps. 6 mois après l’ouverture en août 2022, il décroche sa première étoile au Michelin.

Les accompagnements dans les plats de Gibiers au ‘Le Roannay’

Au démarrage de l’enseigne, plusieurs plats proposés au restaurant étaient des plats à la carte de ‘La Paix’. Avec l’arrivée du gibier, particulièrement apprécié dans la région, Mathieu a pu commencer à laisser exploser sa créativité.

Selon lui, le gibier a été la star de l’assiette trop longtemps. Les légumes étaient là pour ‘se rincer la bouche’ entre 2 morceaux de viande. Pourtant, les accompagnements sont très intéressants et peuvent tout à fait soutenir et souligner le goût du gibier pour plus d’équilibre ou même d’intensité dans la dégustation des saveurs.

Un exemple d’accompagnement :

Premier exemple qui a déjà figuré à la carte du restaurant : le chevreuil au caviar. Le goût iodé et fumé amenait des notes très intéressantes au chevreuil. Toujours avec le chevreuil, un plat de l’année dernière était proposé avec 2 sauces à base de chou. L’une avec du chou rouge à la kriek et l’autre avec du chou vert. Sur le dessus du chevreuil, il y avait une concassée d’amandes aux épices et du chou kale. Autre accompagnement étonnant, un pigeon a été proposé l’année dernière avec ce que Mathieu appelle ‘une bolognaise de pigeon’ (composée du foie, du cœur, des cuisses…). Et le tout avec un jus de chou-fleur cru. La sauce était marbrée avec la bolognaise de pigeon.

Quid de la marge ?

C’est inévitablement un plat qui coûte cher dans son ensemble. ­Mathieu estime que c’est un plat qui devient rentable en commandant des pièces entières et en essayant de cuisiner toutes les pièces de l’animal, en utilisant d’autres parties pour les accompagnements comme son exemple avec le pigeon. Il conclut : « David Martin m’a appris à m’intéresser à toutes les parties d’une viande ou d’un poisson et cela m’a reconnecté avec la philosophie de mes grands-parents qui me faisaient manger de tout en ce qui concerne le gibier ».

Jordan Boreux

Chef du restaurant gastronomique ‘L’Episode’ – Waillimont – www. lepisode.be

Jordan Boreux tient avec sa compagne Gaëlle le restaurant ‘L’Episode’ depuis 2020. A 28 ans, médaillé d’excellence à Euroskills Budapest 2018, il propose aujourd’hui une cuisine délicate et raffinée entre traditions et modernité. ­Jordan est très inspiré par la saisonnalité et utilise régulièrement les 80 aromates en provenance du nouveau potager devant son restaurant. Les parents de Jordan sont hôteliers et restaurateurs. Produit typique de sa région natale, il a pu apprécier pendant sa jeunesse le gibier avec des accompagnements traditionnels comme les airelles et les sauces poivrade ou grand veneur accompagnées de pommes duchesses ou pommes dauphines.

Les accompagnements dans les plats de gibiers à ‘L’Episode’

Avec les réseaux sociaux aujourd’hui, le visuel est devenu très important mais il faut faire attention qu’il ne prime pas sur le goût et le matching des éléments dans l’assiette. Jordan rappelle que certains classiques sont définitivement indémodables. Aujourd’hui, Les cuisiniers respectent davantage les saisons et travaillent forcément différemment les accompagnements. Avant les airelles étaient simplement tombées ou confites. Aujourd’hui on les fait bouillir ou en gelée, on expérimente également d’autres textures ou d’autres saveurs avec des herbes comme le romarin et l’estragon. Le café peut être un produit très surprenant et réjouissant pour accompagner le gibier. Bref, il faut innover mais rester tout de même cohérent et dans le respect des traditions.

Un exemple d’accompagnement :

L’année passée, ‘L’Episode’ a proposé un faisan à la brabançonne revisité. Il était accompagné d’une tartelette de chicons caramélisés à la cassonade et des ballotines de faisan avec une sauce à la bière brune de Rochehaut. Le jus de cuisson des chicons apportait une touche d’amertume à l’ensemble du plat et l’équilibre des saveurs était très intéressant.

Quid de la marge ?

Bien acheter la viande, appréhender la saison, négocier, comparer le prix des viandes chez différents fournisseurs est essentiel pour conserver un équilibre économique. En gastronomie, parfois les menus végétariens coûtent également plus chers à cause de la main d’œuvre et du temps pour travailler les légumes. Il faut en être conscient en fixant ses prix. Au final, cela sera différent pour chaque proposition de plat et le tout est de trouver un équilibre en fonction de la qualité de gibier proposée et du temps consacré à la construction des accompagnements.

Jean Vrijdaghs & Sébastien Hankard

Chefs du restaurant gastronomique ‘Le Gastronome’ – Palliseul – www.le-gastronome.be

Nos 2 chefs ont repris ‘Le Gastronome’ en 2018 et obtiennent une étoile au guide seulement 1 an après l’ouverture. Leur association s’est créée naturellement tant ils se complètent parfaitement professionnellement. Les 2 comparses se sont rencontrés lorsqu’ils travaillaient ensemble au ‘Coq aux Champs’ . Ils ont 2 parcours de formation différents : Sébastien a fait l’école hotellière de la Province de Namur et Jean, l’apprentissage et le patronat à Dinant. ‘Le Gastronome’ a connu une première vie pendant 10 ans et était un restaurant prestigieux. Lorsque le chef Michel Libotte arrête son activité, les 2 chefs décident de tenter l’aventure. Dès leur installation dans l’emblématique maison de bouche, Jean Vrijdaghs et Sébastien Hankard ont, en conservant le nom, marqué leur volonté d’inscrire la renaissance de l’enseigne en accord avec son ancrage dans la région et ses usages – dont le Menu Gibier !

Un exemple d’accompagnement :

Les 2 chefs rappellent que la perception des plats de gibier doit parfois encore évoluer et se détacher de cette image de plat très copieux. Il est possible d’obtenir un résultat très fin grâce aux accompagnements justement. Les accompagnements permettent de ramener de la fraicheur avec par exemple des sauces acidulées. Ils citent leur plat de biche avec une purée d’oignons grelots acidulés. Les airelles au restaurant sont souvent travaillées en pickles puis ramenées en gel. Chaque bouchée des accompagnements doit amener un petit coup de peps.

Ils ont également déjà accompagné des pièces de gibier avec une poire au piment fumé ou encore des spaghettis de salsifis. Le gibier, contrairement aux idées reçues est une viande assez facile qui tolère beaucoup d’accompagnements possibles et avec laquelle, il est possible de s’amuser en cuisine.

Quid de la marge ?

Lorsque nos 2 chefs réfléchissent un plat, ils se focalisent rarement sur la marge. Il est vrai qu’avec un gibier moins cher, il est possible d’aller plus loin dans le travail des accompagnements. Ils concluent : « Ce que nous voyons sur les réseaux sociaux est éloigné de la réalité du terrain économique et des quantités à produire chaque jour. La cuisine, ce n’est pas ce que nous voyons sur Instagram ».

[ Ann Vandenplas ]