Après une carrière couronnée de succès dans le secteur de l’agro-alimentaire, Serge Litvine change de cap et décide d’investir dans l’Horeca. Son coup de cœur et sa passion de toujours pour cette grande dame épicurienne vont à la Villa Lorraine qu’il rachète en 2010. 

Un an d’observation et de réflexion plus tard, l’objectif de l’investisseur n’a pas changé : il souhaite plus que tout rendre à la Villa Lorraine ses lettres de noblesse ‘gastronomiques’. Pour l’y aider, il engage le chef Alain Bianchin qui rapidement décrochera une étoile au Michelin.

Dès lors, tout se passe au mieux pour l’entreprise de Serge Litvine qui raconte : « Au départ, je ne pensais pas investir dans plusieurs restaurants tant j’avais à cœur de redynamiser La Villa Lorraine. » Mais « l’appétit vient en mangeant » et j’ai pu saisir de bonnes opportunités d’investissement (La Villa in the Sky, Da Mimmo, Lola, La Villa Emily, Odette en ville, Sea Grill, …). Bien sûr, j’ai dû en décliner de nombreuses car une fois que vous êtes connu pour investir dans le secteur, bon nombre de candidats ‘revendeurs’ vous contactent. Je ne peux pas tout racheter et toutes les enseignes ne rencontrent pas mon intérêt. Il faut des coups de cœur, du potentiel et surtout des chefs compétents prêts à se lancer dans l’aventure avec moi. Ce n’est plus simple aujourd’hui d’investir dans ce secteur qui a été très fort touché par la crise et qui est en manque cruel de personnel compétent et professionnel, comme vous le savez.

Lifting tous azimuts pour La Villa Lorraine

2020 : le Coronavirus arrive impactant tout le secteur de l’Horeca. Mais l’investisseur ne se laisse pas démonter pour autant et profite des fermetures et confinements pour terminer les travaux de transformation de La Villa Lorraine. Et ce, à grands renforts de nouveaux investissements tant côté déco des lieux que côté poursuite de collaboration avec le chef doublement étoilé, Yves Mattagne. Chef auquel Serge Litvine s’était déjà associé à l’époque du Sea Grill puis à celle de Art Club, restaurant éphémère créé dans les Musées Royaux des Beaux-Arts pendant la transition de Mattagne et de son équipe du Sea Grill à La Villa Lorraine.

Après cette rénovation impressionnante, La Villa Lorraine reprend son souffle. Dans un tout autre aménagement, lumineux et serein, aux teintes poudrées et à l’ameublement contemporain, ses deux espaces de restauration contigus – l’un gastronomique, l’autre bistro-fusion – sont à nouveau en pleine activité. Tout le monde à bord s’en réjouit ! 

Un investisseur sans langue de bois

« Malgré l’incapacité des politiques à gérer correctement la crise sanitaire pour le secteur de l’Horeca, poursuit Serge Litvine, nous avons réussi à passer au travers, seuls et sans subsides pour la Villa, grâce à nos boutiques Traiteurs Villa Lorraine qui ont cartonné pendant la crise, ce qui n’a pas été le cas pour tous nos restaurants. Heureusement que cela a bien marché pour les traiteurs car il ne fallait pas compter sur les aides apportées au secteur qui, vous le savez aussi, ont été tellement déséquilibrées et même injustes. Ceci dit, la baisse de la TVA a été une bonne chose qui a permis de régénérer la trésorerie de ceux qui fonctionnaient encore. »

Les constats du secteur et de la Villa aujourd’hui

« En tant qu’investisseur, qu’homme d’affaires que je suis devenu par la force des choses et par volonté d’y arriver quels que soient les aléas de la vie, je pense qu’il faut toujours connaître ses limites de compétences. J’ai tout appris sur le tas et alors que deux de mes enfants m’ont rejoint dans l’entreprise, je constate que beaucoup, notamment au sein du personnel de l’Horeca, sont démotivés.

La crise a transformé le secteur à plus d’un niveau. Celui du personnel d’abord. Les gens ont eu l’occasion de goûter à une autre vie. Certains sont rentrés dans leur pays, ont changé de secteur. Nous avons gardé une grande partie de notre personnel, une fois encore grâce aux traiteurs. Un autre changement est l’inflation des salaires. Mais cela n’est pas un mal car ce sont des métiers à grandes difficultés (horaires, physiques, …) qui méritent d’être bien payés. Ensuite, il a aussi fallu s’adapter à l’inflation des matières premières. Notre chef a aussi dû s’adapter à cela pour ne pas impacter les clients par des augmentations irraisonnables. Enfin, toujours en ce qui concerne la Villa, nous sommes impactés par les difficultés de mobilité locale. Le bois étant souvent fermé, la circulation abondante et complexe crée des embouteillages et il est donc parfois difficile d’arriver jusqu’ici. Mais cela n’est pas dû à la crise mais plutôt à une mauvaise gestion de la mobilité bruxelloise. »

Projets jubilatoires et état d’esprit au zénith

« Je suis un passionné et j’ai toujours envie de continuer, poursuit Serge Litvine. Aux quatre traiteurs existants, nous allons ajouter deux nouvelles boutiques-traiteurs. L’une à Overijse l’été prochain et l’autre à Waterloo à la rentrée. 

Mon état d’esprit est donc toujours positif et je conseillerais à tous de tout faire pour continuer à vivre de sa passion mais tout en (re)connaissant ses limites et en étant réaliste. 

Enfin, j’espère que de leur côté, les politiques écouteront davantage le secteur à l’avenir, qu’ils poseront des actes, qu’ils prendront des décisions qui attireront à nouveau des gens vers la profession.

Et puis, vous savez …, après la pluie vient toujours le beau temps ! »

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Je suis un passionné et j’ai toujours envie de continuer.

Texte : Joëlle Rochette