Une vie saine et responsable

Les conseils et règles nous recommandant de mener ‘un mode de vie plus sain’ se succèdent à une fréquence ininterrompue. Moins de graisses, moins de sucres, moins de viande, moins d’alcool et pas de tabac, plus de fruits, plus de céréales, plus d’exercices, et j’en passe. Toutes les grandes tendances de notre société le soulignent clairement : l’individu est de plus en plus conscient que la santé est un atout important pour une meilleure qualité de vie.

Maggie De Block, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique : « Notre population vieillit de plus en plus, ce qui signifie également de plus en plus de patients chroniques souffrant de maladies cardiovasculaires. Ces patients, et par exemple aussi les personnes atteintes de diabète, ont tout intérêt à adopter une alimentation plus saine. Et ce serait une bonne chose si plus de restaurants, de maisons de retraite, de cuisines de collectivités et d’établissements horeca en général en étaient davantage conscients. » Et bien d’autres partagent son point de vue. Un participant à Tournée Minérale 2017 l’a formulé ainsi : « Pour la première fois, je suis conscient de la place qu’occupe l’alcool dans la vie sociale… Je suis heureux de constater avec le recul que ma participation en 2017 m’a fait prendre conscience de la nocivité d’ingurgiter allègrement quelques verres l’un après l’autre. » Une autre participante : « Je ne renoncerai pas éternellement à l’alcool, j’aime boire un verre pour l’ambiance et la convivialité. » Et cela correspond très bien à la fonction sociale de l’horeca : contacts sociaux, convivialité, profiter ensemble de la compagnie des autres et du moment.

Mais qu’est-ce que tout cela signifie en fin de compte pour l’horeca ?

L’individu doit décider lui-même

Mais doit-on absolument ‘imposer’ un tel comportement ? N’est-ce pas à l’individu, sur la base des informations qu’il reçoit, de faire ses propres choix et de décider comment gérer son équilibre santé? Les recherches montrent clairement que les consommateurs sont de plus en plus conscients de l’importance de leur capital santé et recherchent eux-mêmes des équilibres pour mener une vie plus saine (et plus responsable). Une action telle que Tournée Minérale est-elle donc réellement nécessaire ? Et comment le secteur de l’horeca gère-t-il ce phénomène ? Et un mois d’alcool à 0% suffit-il ? Le secteur de l’horeca n’est-il pas déjà soumis à une pression suffisante en raison de la caisse blanche, des flexijobs, des contrôles croissants dans tous les domaines sans qu’il soit nécessaire d’ajouter le risque de perte de revenus des boissons alcoolisées ? Nous avons écouté un certain nombre de représentants du secteur.

L’année dernière, quelque 120.000 Belges ont participé à la campagne et cette année, la campagne a débuté avec quelque 97.000 participants inscrits. Selon les organisateurs de l’action, ce nombre est plus que suffisant pour consentir des efforts supplémentaires. Sven Nouten, responsable de la communication du Syndicat Neutre pour Indépendants (SNI), a formulé la vision du SNI comme suit : « L’année dernière, l’horeca n’était pas très enthousiaste à l’idée de cette action et a subi pas mal de pertes. C’est pourquoi le SNI s’est réuni autour de la table avec les organisateurs de Tournée Minérale, le centre flamand d’expertise pour l’alcool et autres drogues (VAD) et la Fondation contre le Cancer, dans le but d’étudier la meilleure manière d’aider le secteur de l’horeca durant ce mois. Parallèlement, nous avons également demandé aux brasseurs et aux grossistes en boissons de faire preuve de souplesse en ce qui concerne les volumes qu’ils sont tenus d’acheter au cours du mois de février. »

Thierry Neyens (Président de ‘Horeca Wallonie’ et propriétaire du restaurant Peiffeschof à Arlon) : « Nous ne voulons certainement pas nous mettre les organisateurs à dos et sommes conscients des effets négatifs possibles d’une consommation excessive d’alcool, mais doit-on utiliser un objectif social et sociétal pour y remédier ? Nous ne faisons que déranger les clients déjà submergés par les slogans. Le secteur de l’horeca est en pleine évolution et en totale mutation et toutes sortes de facteurs externes viennent perturber cet équilibre déjà fragile. Il appartient à l’individu de décider pour lui-même et au secteur d’offrir des alternatives valables. Et il en existe déjà suffisamment et elles sont généralement proposées sur la carte. Pensez à la bonne combinaison de l’eau avec les plats, aux boissons gazeuses aux saveurs saines, à la bière sans alcool, aux cocktails sans alcool. Est-ce vraiment nécessaire d’y consacrer un mois d’action et de sensibilisation ? Après tout, c’est le client qui décide. »

Guy Barbiaux, propriétaire du Bistro Belgo Belge à Namur : « Il faut suivre les tendances et l’une d’entre elles est évidente : le consommateur est plus attentif à sa consommation d’alcool et le 0% et les contrôles d’alcoolémie y sont certainement pour quelque chose. Nous allons à présent ajouter une bière à 0 % d’alcool à notre menu, mais ceci est totalement indépendant de la campagne Tournée Minérale et répond simplement à une tendance. Ce n’est pas une raison pour déstabiliser un secteur qui se trouve déjà dans une situation économique difficile. L’individu est suffisamment mâture pour suivre sa propre voie sans se voir imposer toutes sortes de restrictions. »

The Bistro à Anvers ne voit pas non plus de raison immédiate de faire quoi que ce soit de spécial : « Nous avons déjà 2 mocktails, une bière sans alcool et un large choix de boissons non alcoolisées alternatives. Il y a suffisamment de choix et c’est au client de décider pour lui-même. »

A la Brasserie François de Namur, Madame Crets-Delpire réagit dans le même sens : « On n’y a pas pensé spécialement, nous avons déjà une bière sans alcool, le barman prépare des cocktails sans alcool, il y a des limonades spéciales et ce, tout au long de l’année. Je pense que les contrôles d’alcoolémie sont plus efficaces qu’un mois de Tournée Minérale. »

Geert De Bishop, président du comité sectoriel ‘Frituren Horeca Vlaanderen’, propriétaire de Het Friethuis à Roosdaal, le formule de manière un peu plus nuancée : « Il y a en effet beaucoup d’initiatives d’entrepreneurs pour absorber une perte possible et elles sont souvent présentées de manière assez sympathique. Mais cela peut en effet signifier une perte de revenus. Heureusement, l’action ne dure qu’un mois et février est un mois plus court. L’action est bonne en soi, mais les conséquences économiques pour un secteur sous pression ne doivent pas être négligées. »

Cette action peut en effet entraîner une baisse du chiffre d’affaires. Au cours de la campagne de 2017, quatre établissements horeca sur dix ont vu leur chiffre d’affaires baisser de 10 % en moyenne. Cela doit inciter l’exploitant horeca à réagir en 2018. Une conclusion est claire : les consommateurs ont le dernier mot et le glissement vers une vie plus responsable est largement connu du secteur. Mais il y a là aussi un défi à relever pour l’horeca : suivez, ou mieux encore, anticipez les tendances et proposez une carte avec des alternatives claires et suffisantes. Et elles existent : une limonade maison assure une plus grande marge bénéficiaire qu’un verre de soda ; un mocktail spécial peut attirer l’attention sur l’image de l’établissement ; des créations de thés dans des verres à vin et adaptées aux plats ; un distributeur d’eau aux saveurs de fruit pour ceux qui attendent leur tour dans la friterie ; une tournée sans alcool ; un verre (d’eau) gratuit, et bien plus encore. Par ailleurs, Horeca Vlaanderen publie une brochure dispensant des conseils pour rendre les alternatives sans alcool plus visibles. Placez ces groupes de produits sous les feux de la rampe, par exemple sur un tableau de suggestions. Une carte bien pensée proposant suffisamment d’alternatives et de suggestions peut probablement vous éviter une gueule de bois financière…