Les jambons espagnols sont incontestablement une délicatesse. Cati Gomez est l’une des rares femmes à exercer en indépendante la profession de Cortadora Profesional de jamón dans le Benelux. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la découpe du jambon et le jamón lifestyle mais n’avez jamais osé demander, vous le découvrirez dans les lignes qui suivent. Un portrait.

Cati Gomez est originaire de Huelva, elle a l’allure d’une Espagnole pure souche, vit depuis 23 ans à Papendrecht dans la périphérie de Rotterdam, et parle (très) couramment le néerlandais.

« Jamón, le jambon et sa découpe est, pour moi, une forme d’art, nous confie-t-elle. Chaque jambon et chaque tranche racontent d’ailleurs une histoire, celle de leur région d’origine. En outre, le jamón est une délicatesse pleine de saveur, authentique et, nous l’oublions parfois, saine. Chaque jambon est également différent. »

Sur le terrain, la consommation et la production du jambon espagnol ont clairement augmenté au cours des dernières décennies, et une attention particulière est accordée à la qualité du jambon et à l’utilisation de méthodes de production traditionnelles.

« Lorsque nous parlons de jambon espagnol, nous ne parlons pas d’une seule variété, selon Cati Gomez. Les variétés les plus connues sont le jambon Ibérique (Jamón Iberico) et le jambon Serrano (Jamón Serrano). Ces jambons proviennent de différentes races de porcs, respectivement du porc ibérique et du porc blanc (Large White, Duroc et Piétran). Mais encore une fois, chaque jambon est différent. »

Comment êtes-vous arrivée dans ce secteur ?

« Notre famille à Huelva (Andalousie) exploitait une finca traditionnelle avec des cochons : je raffole encore toujours de ces animaux. Pendant les vacances, je devais aider à la ferme, à nourrir les cochons, et à participer au rituel d’abattage qui durait généralement deux jours et avait lieu en décembre et en janvier. Quand j’étais petite, j’aidais à faire les saucisses comme le chorizo et le salchichón. C’était un événement et nous le fêtions à chaque fois, confortablement installés, tous ensemble, autour de la cheminée et avec de la musique en fond sonore. Ces beaux moments sont à jamais gravés dans ma mémoire. »

L’amour l’a entraînée ensuite, voici 23 ans, aux Pays-Bas, où elle a commencé à travailler comme assistante pédagogique dans une garderie.

« Mais je n’avais de cesse de faire la promotion et de parler des produits espagnols auprès de ma famille et de mes amis néerlandais. Vers 2012, l’idée m’est venue d’en savoir davantage sur le jamón, et d’apprendre à le découper pour apprendre aux autres à l’apprécier et à le respecter autant que moi. À l’époque, les mots ‘cortador’ ou ‘cortadora’ n’étaient guère connus au Benelux.

Finalement, je me suis rendue en Espagne en 2013 et j’ai suivi une formation de ‘découpeuse’ à la International Jamón School, pour ensuite créer ma propre entreprise. J’ai commencé à découper sur le jamonero (support à jambon) de mes parents et à l’aide de quelques couteaux que j’avais achetés. À l’époque, je pensais qu’il était important d’avoir un diplôme. Aujourd’hui, je sais que ce n’est qu’un bout de papier pour commencer à apprendre et à se développer en tant que professionnel. Au cours de ma carrière, j’ai continué à étudier le jambon et j’ai suivi de nombreux cours. J’aime apprendre afin d’enseigner. »

Cati Gomez est l’une des rares femmes actives dans la découpe du jambon.

« Je n’en suis pas peu fière, sachant que la découpe du jambon est avant tout une affaire d’hommes. Parallèlement, je suis membre depuis 6 ans et vice-présidente depuis 2 ans de l’association nationale espagnole des cortadores (ANCJ), et je fais partie de la direction d’une organisation à but non lucratif (AGACUJ) qui veille à la protection et à la promotion de toutes sortes de jambons.

Il faut savoir qu’en Espagne, les femmes ne sont autorisées à apprendre le métier de cortadora que depuis une quinzaine d’années. J’étais d’ailleurs l’une des premières femmes à accéder au métier de cartadora de jamón, et en 2024, il y a toujours moins de femmes que d’hommes dans ce métier. Par ailleurs, en Espagne, on ne peut se proclamer Maestro cortador qu’après avoir remporté le concours national des cortadores de jamón.

En Espagne, la profession de cortador n’est officiellement reconnue et protégée que depuis le 21 avril dernier. Nous allons donc la promouvoir en tant que profession, au même titre que celle de sommelier. »

Que pensez-vous du produit jambon ?

« Il s’agit de (bien) plus que de la seule découpe du jambon. Pour moi, il s’agit aussi de transmettre à mon public mes connaissances du jambon, et toutes les facettes de sa maturation. Ce n’est pas non plus une question de force, de longueur ou de sexe, mais de technique, de connaissances théoriques et pratiques, de professionnalisme et de sérieux sur le lieu de travail. Et last but not least : vous devez avoir beaucoup d’amour et de respect pour le produit jambon.

De nombreux processus naturels et particuliers ont de même lieu dans les jambons. C’est ainsi que le nombre de jours pendant lesquels un jambon est mis au sel dépend également de son poids. En tout cas, les jambons ibériques de qualité bellota doivent mûrir pendant au moins trois ans.

Au cours des 11 dernières années, je n’ai consacré du temps qu’à l’apprentissage du jambon et ma mission est de transmettre mes connaissances à tous ceux qui s’y intéressent. Compte tenu de mon statut d’indépendante, je ne vends pas de jambons moi-même, mais j’aide les importateurs de jambons du Benelux à mieux vendre leurs produits, en me rendant sur place lors d’ateliers, d’événements gastronomiques, de foires aux vins, de festivals, etc. Pour la découpe, j’utilise trois couteaux : un couteau pointu, un couteau de boucher pour parer le jambon et un jamonero, un long couteau traditionnel pointu que j’aiguise moi-même. Une fois par an, j’emmène les couteaux chez un aiguiseur professionnel en Espagne, qui est également cortador, et à qui je peux expliquer comment je veux qu’il creuse les alvéoles et aiguise les couteaux. »

D’où proviennent les meilleurs jambons espagnols ?

« Il existe de nombreuses zones où l’on produit de bons jambons. L’une est celle de la production, l’autre celle de l’affinage ou du séchage. Parfois, tout se passe dans la même zone, parfois non. Un jambon ibérique peut être produit dans différentes zones. Pour l’ibérique, il existe quatre zones qui sont également des zones AOP : en Andalousie, nous avons Jabugo dans la province de Huelva, et Valle de los Pedroches dans la province de Cordoue. Les régions d’Estrémadure et de Guijuelo, dans la province de Salamanque, sont également importantes. On produit également un excellent jambon ibérique dans les montagnes de Séville et dans celles de Malaga. Mais d’autres provinces produisent aussi des ibériques, comme par exemple le jambon Teruel DOP de la province de Teruel, et le jambon Trevélez IGP de la région de Trevélez et de ses environs. »

Quels vins recommanderiez-vous pour accompagner la dégustation du jambon ?

« Les goûts ne se discutent pas, mais je déconseille les vins rouges lourds contenant beaucoup de tannins. Le sauvignon blanc et le chardonnay me semblent également moins adaptés, contrairement aux vins blancs plus secs, qui peuvent parfois présenter des notes acides et fraîches. Les sherrys secs tels que le fino, le manzanilla et le palo cortado conviennent également, et un cava ou un champagne bruts font toujours l’affaire.

Une fois tranché, combien de temps le jambon peut-il être conservé ?

« Une fois tranché, je le consommerais dans l’heure, sachant que l’oxygène rend le jambon plus sec. Un bellota peut être conservé un peu plus longtemps, parce qu’il contient proportionnellement plus de graisse. Une fois tranché, je conserve le jambon à l’abri de la lumière et du soleil et je le place dans un endroit frais. Avec une feuille d’aluminium autour de l’assiette, le jambon atteindra la bonne température, et vous pourrez également le conserver parfaitement dans le réfrigérateur. Cependant, ne conservez pas le jambon trop longtemps, mais mangez et appréciez le jambon fraîchement tranché et partagez-le avec vos proches », conclut-elle, con pasión.

Pour plus d’infos, consultez www.catigomez.nl

[ Danny Verheyden ]