Par amour pour le bois séché naturellement

La carrière de Patsy Delarue débute dans l’enseignement de la nutrition, mais très vite, elle se découvre un amour pour le bois naturellement séché et lance un projet de planches à découper et à servir faites à la main, sous le nom de ‘Petit Patsy’, qui depuis une dizaine d’années fait d’elle un fournisseur priviliégié chez de nombreux (grands) chefs de notre pays. Nous l’avons rencontrée.

« Petit Patsy makes wooden cutting boards like a painter paints a work of art. They are rustic gems that turn cutting vegetables into an absolute joy », écrivait Nick Bril, chef de The Jane à Anvers, en parlant de Patsy Delarue. Alors que tout a commencé comme un… hobby, dans un petit atelier en plein air dans son jardin à Rumbeke.

« La réalisation de planches à découper et de planches de service faites à la main a en effet commencé comme un hobby qui, petit à petit, est devenu une véritable passion », explique Patsy. « Le lien s’est fait par l’intermédiaire de mon bon ami Joe Barber, qui réalise des meubles et des clôtures en bois depuis des années. C’est avec les chutes de bois, que je me suis lancée dans un petit projet personnel. Je me suis rendu compte que créer des planches à découper me passionnait et j’ai donc rapidement abandonné les chutes de bois au profit du bois ‘de qualité’. En outre, cela me permet de laisser libre cours à ma créativité. Je fabrique également des couteaux et j’aimerais apprendre à fabriquer des assiettes et des bols en bois. Le bois que j’utilise est en tout cas exempt de pesticides. Ce qui n’est souvent pas le cas des produits que l’on achète dans le commerce. De plus, les gens ne se rendent pas toujours compte que ces pesticides peuvent aussi se retrouver dans leur nourriture. »

D’où vient le bois ?

« Nous cherchons à acheter aussi local que possible, et parfois le bois nous est offert par des gens qui nous informent qu’un arbre doit être abattu dans leur jardin. C’est ainsi que nous avons récemment pu mettre la main sur le dernier arbre d’un parc vieux de 150 ans à Izegem, où l’on construit actuellement des immeubles. Nous recevons également du bois de certains agriculteurs de Bourgogne, où Joe a sa scie à ruban et se rend chaque mois. Il y fabrique des tables avec le bois local et découpe pour moi des planches que je finis et affine. Nous continuons à faire sécher le bois à l’ancienne dans le jardin. »

En quoi votre approche diffère-t-elle de celle du commerce ?

« La plus grande différence réside dans le fait que nous ne séchons pas le bois dans un four de séchage. Au contraire, nous le laissons sécher naturellement. Notre bois provient également d’arbres qui doivent disparaître, mais qui continuent ainsi à ‘vivre’ en quelque sorte. »

Quelles variétés de bois préférez-­vous utiliser ?

« J’aime particulièrement le bois de noyer. C’est un bois magnifique. Il est reconnaissable à son odeur typique et à ses couleurs sombres. Il est vrai que c’est une variété de bois qui est de plus en plus difficile à trouver dans nos régions, ­contrairement à la Bourgogne.

Par ailleurs, je travaille avec toutes les essences de bois dur. Les arbres que nous achetons sont mis à l’écart pendant un certain temps afin qu’un champignon s’y développe. Ce champignon crée alors de magnifiques dessins ou couleurs dans le bois. C’est ce qui me différencie des planches à tapas ordinaires.

Je ne travaille également qu’avec des arbres ‘purs’, c’est-à-dire qui n’ont pas été ‘traités’. Les pommiers pulvérisés me laissent indifférente. Je dois donc être sûre à 100 % de la pureté des arbres. Je travaille également le plus possible au niveau local. Les oliviers font peut-être fureur en Belgique en ce moment, mais comme la Belgique n’est pas le pays des oliviers, je ne travaille pas non plus avec ces arbres. De plus, contrairement à ce qu’en pensent les gens, les oliviers sont parfois traités par pulvérisation. »

La saveur d’une pièce de viande ou de charcuterie ne se dénature-t-elle pas lorsqu’on la laisse (trop) longtemps sur le bois ?

« Ce n’est absolument pas le cas, même si la viande est laissée sur la planche de service pendant 2 ou 3 heures. Comparez cela à un boucher ‘à l’ancienne’ qui nettoyait sa planche à découper le soir avec du gros sel ; il n’y avait rien de mal à cela pour ce qui était du goût. Malheureusement, nous avons connu une époque où le bois n’était plus ‘OK’, principalement en raison du travail de lobbying de ce que j’appellerais l’industrie du plastique. Le plastique, c’était la panacée à l’époque. Mais travailler avec une planche à découper en plastique présente des dangers : votre couteau s’émousse, vous faites des entailles et les particules de plastique libérées se retrouvent dans les aliments. Il est vrai que couper dans le bois entraîne aussi des rayures, mais le couteau reste aiguisé plus longtemps. Couper sur le verre et le marbre n’est pas non plus très agréable. Ma devise est et restera toujours : tout ce que la nature nous offre est bon. »

Plusieurs (grands) chefs travaillent avec les planches à découper et à servir en bois de Petit Patsy. Parmi les références, citons ­Willem Hiele, The Jane, Carcasse, Hotel August, Mr. Georges (AD Delhaize), Lot 56, One2Seven (hôtel au Portugal), Komtuveu, Sans Cravate, Gastro Henri ainsi que le réalisateur de programmes Wim Lybaert, qui, voici quelques années, a créé ‘Het goeie leven’ pour la VRT. De nombreux bouchers, traiteurs, bars à tapas et autres restaurants travaillent également avec ses planches.

« Nous nous ‘retrouvons’ dans la volonté de nous différencier de nos concurrents dans le travail que nous effectuons. Je veux me démarquer d’un Ikea, par exemple, en fabriquant tout à la main. Je ne fabrique jamais deux fois la même planche, ce sont, pour ainsi dire, des ‘pièces uniques’.

Je suis également la forme de la planche sciée. Et donc, la poignée se trouve parfois à droite, puis à gauche sur la planche suivante. Il va de soi que je peux également travailler en fonction de formats demandés par le client. Je n’utilise pas non plus de colle, car une planche collée doit être renouvelée après dix-huit mois. Il est également possible de graver un logo, ce qui donne un cachet supplémentaire à la planche. »

Quel est le temps de travail moyen pour réaliser une planche ?

« Lorsque je travaille sur commande, le temps de travail est plus long que lorsque je travaille en free styling. Quand il s’agit d’une commande, il me faut respecter les dimensions en largeur. Cela me fait perdre un peu plus de temps car je dois trouver la bonne planche de base. Le temps de travail moyen se situe entre 1 et 2 heures.

Ce qui est sûr, en revanche, c’est que vous pouvez ‘marquer des points’ en servant sur des planches de service faites à la main dans votre établissement Horeca. Une planche à tapas joliment servie rend la table encore plus accueillante. Vous pouvez utiliser une planche à tapas pour le fromage, la viande, la charcuterie, mais aussi pour les desserts, comme ils le font dans l’établissement gantois Tartelette. »

Que faut-il savoir sur l’entretien et le nettoyage ?

« Généralement, une lavette humide suffit. Je ne mettrais certainement pas ma planche dans le lave-vaisselle. Mon conseil : mouillez les deux faces de la planche afin que le taux d’humidité soit toujours en équilibre. Essuyez bien la planche et rangez-la verticalement pour qu’elle sèche davantage. Badigeonnez-la ensuite d’huile de colza (bio), elle restera belle plus longtemps. Vous pouvez garder ce genre de planche pendant des années, je dirais même qu’elles embellissent avec les années. Les chefs sont également conscients qu’il s’agit d’un produit durable. »

Quel est le prix à payer ?

« Il est logique que les planches à découper et à servir faites à la main coûtent un peu plus cher qu’une planche ordinaire, mais celui qui exploite un bel établissement Horeca se doit également de prêter attention aux détails, non ?

Un chef sera et devrait toujours être critique en matière de nourriture, mais il doit l’être tout autant pour le reste. Je remarque souvent que les gens ne connaissent même pas l’origine des types de bois utilisés. Je l’ai vu de mes propres yeux dans des ateliers de menuiserie à Bali. On y traite des planches de service et des planches à découper avec de nombreux produits toxiques. Elles sont ensuite envoyées en Europe dans des conteneurs. Ces conteneurs sont à leur tour fumigés avec des pesticides afin qu’aucun insecte ne soit transporté. L’Agence alimentaire se contente d’approuver… incompréhensible. »

www.petitpatsy.be

[ Danny Verheyden – photos : © Studio Tack ]