Edward Martin, représentant de la quatrième génération d’une famille d’entrepreneurs, est avant tout brasseur, même si son rêve de devenir distillateur s’est concrétisé en 2017. Son histoire est intimement liée à celle de sa famille, dont l’aventure a commencé en 1909 lorsque son arrière-grand-père débarqua au port d’Anvers. Une véritable success story transmise de génération en génération.
En 1909, John Martin, l’arrière-grand-père d’Edward Martin, arrive à Anvers et commence à travailler comme ship-chandler, chargeant et déchargeant les bateaux. Il importe notamment des alcools, qu’il distribue à travers l’Europe. Rapidement, il se rend compte que la Belgique, comme l’Angleterre, son pays natal, est une terre de bière, bien que les styles diffèrent. C’est ainsi qu’il commence à importer des bières spéciales telles que la Guinness, avant de lancer ses propres marques, Gordon Scotch Ale et Martin’s Pale Ale, qui deviennent des classiques anglo-belges brassés en Belgique et inspirent même d’autres brasseurs…
De la brasserie à la distillerie
La ferme moyenâgeuse de Mont-Saint-Jean, située en plein cœur du champ de bataille de Waterloo, a été reprise il y a 10 ans par Anthony Martin, et sauvée in extremis. Elle est aujourd’hui transformée en pôle attractif dédié au patrimoine brassicole de la famille Martin. « Mon père, Anthony Martin, a relancé l’activité de brasserie dans le bâtiment historique, ce qui était essentiel pour maintenir l’authenticité », explique Edward Martin, quatrième génération. Ce jeune passionné a poursuivi ses études de marketing à l’EPHEC, les terminant en 2014. C’est cette même année qu’il rejoint la brasserie Waterloo et qu’il a appris les ficelles du métier, découvert ses difficultés. « Physiquement, le plus éprouvant dans le métier de brasseur a été de travailler près de 12 heures par jour sans m’arrêter: j’enchaînais deux brassins par jour. C’est très physique, et j’en garde des séquelles au dos, mais cela m’a appris la rigueur », se souvient-il. Cette opportunité s’est présentée à lui juste avant le Bicentenaire de la bataille de Waterloo en 2015, pour lequel il a brassé une grande quantité de bière Waterloo. Edward s’est ensuite lancé dans une nouvelle aventure en 2016 auprès du maître brasseur de la Brasserie Bourgogne des Flandres à Bruges.
Cependant, son véritable rêve était de se lancer dans la distillation. Bien que son père fût d’abord surpris, voyant cela comme son propre projet de retraite, il finit par encourager et soutenir Edward dans cette entreprise.
La passion pour la distillation
En 2017, Edward lance officiellement la nano-distillerie dans la ferme millénaire de Waterloo. Tout en brassant, il se consacre à la distillation, partageant son temps entre les deux activités. En 2018, il relève un nouveau défi. Il part à Édimbourg pour obtenir un Master en distillation à la prestigieuse Heriot-Watt University. « C’était un challenge énorme, entouré de chimistes et physiciens, alors que je possédais une formation en marketing. Mais j’avais eu la chance d’apprendre sur le terrain, à l’ancienne. J’avais déjà brassé et mon expérience pratique en brasserie m’a donné un avantage certain. », se rappelle-t-il.
Edward met un point d’honneur à privilégier l’authenticité et les matières premières locales. Des tests de houblon sont également effectués sur les terrains de la ferme Mont-Saint-Jean. « Je suis pro-local », affirme-t-il, soulignant l’importance de collaborer avec les agriculteurs de proximité notamment pour le froment et l’orge. « Ce qui est amusant, c’est que je ne me nomme pas distillateur mais brasseur. Il faut d’abord être l’un pour pouvoir devenir l’autre. L’élaboration de l’alcool se fait en fermentation avec la levure. La distillation ne fait que séparer les molécules d’alcool. Mais la création, c’est ici, en brasserie. Le métier d’assembleur demande beaucoup de rigueur et il est très complexe. Je présente mes assemblages à notre maître brasseur Thomas, puis à mon père, qui reste le décideur final. Mais pour la bière, ce n’est pas le même défi. Il faut rester fidèle le plus possible à une recette. »
Sa philosophie se reflète dans ses produits, notamment ses whiskies, où il réussit à préserver les arômes de poire et de pomme rouge grâce à sa levure de brasserie. « C’est ma signature et je suis fier de pouvoir la conserver après la distillation et même le vieillissement en fûts. »
Aujourd’hui, Edward est responsable du marketing, ainsi que de la production et de la distribution de ses whiskies et gins, tout en continuant à brasser de la bière. Sa double casquette de brasseur et de distillateur, maître blender, lui permet de créer des produits uniques et de grande qualité. « Chaque fût réagit différemment, ce qui rend chaque lot de whisky unique. Une fois les 3500 bouteilles vendues, ce whisky n’existera plus jamais sous cette forme. C’est ce qui attire les aficionados : la rareté et la qualité. »
L’histoire d’Edward Martin est celle d’une passion familiale transmise de génération en génération, enrichie par une quête personnelle de perfection et d’innovation. Son engagement envers la qualité et l’authenticité continue de faire de ses bières, gins et whiskies, de véritables références.
[ Muriel Lombaerts – photos : © Michel Verpoorten ]