L’origine des fèves de café, leur méthode de séchage, la transformation des grains de café verts sont évidemment très importantes, mais l’un des principaux facteurs déterminant le goût définitif du café est la torréfaction. Nous avons suivi le processus chez WAY Coffee Roasters et découvert le monde fascinant des ‘cafés de spécialité’.

Dok Noord est un concept à Gand, le lieu de prédilection des établissements qui veulent jouer la carte de l’artisanat et/ou de la créativité. C’est aussi ce qu’a pensé la barista Charlene De Buysere, lorsqu’elle cherchait où installer sa maison de torréfaction. Pas besoin de chercher notre destination ce matin, car l’odeur du café fraîchement torréfié nous y guide. Il est encore tôt et nous commençons la journée par un cappuccino.

Charlène : « Nous travaillons avec le café WAY depuis 2017 et nous avons commencé la torréfaction en 2020. Au début, il s’agissait donc seulement d’un coffee shop. Nous avons acheté du café auprès de nombreux torréfacteurs européens afin de découvrir les différents styles et de les faire découvrir à nos clients. J’étais vraiment fan d’une poignée de torréfacteurs et, lorsque nous avons décidé de nous lancer, je suis allée les voir pour savoir quels appareils ils utilisaient. Coïncidence ou pas, tous utilisaient la marque Diedrich, un brûleur très précis et sensible qui fonctionne à la chaleur infrarouge par des brûleurs à gaz combinés à un flux d’air solide. Combinés correctement, ces paramètres donnent un produit fini très propre dans lequel vous pouvez clairement retrouver le goût du terroir. »

Au tour de la torréfaction

Assez de théorie, nous grimpons sur la plate-forme de torréfaction où Ward nous entraîne dans un cycle de combustion et de refroidissement.

Ward : « De nombreux appareils fonctionnent avec des systèmes automatiques. Le nôtre pourrait se décrire comme véritablement artisanal, mais tout est enregistré très précisément grâce à des sondes disposées à plusieurs endroits dans le torréfacteur, ce qui me permet de suivre avec précision l’ensemble du processus. À cet égard, tant la température ambiante que la température dans le tambour et dans l’échappement, sont importantes, et j’adapte les paramètres en conséquence. Je suis aussi attentivement le comportement de la fève elle-même, par exemple sa décoloration. Les différentes courbes affichées à l’écran me donnent un aperçu du processus de torréfaction et me permettent de voir d’emblée si des ajustements sont nécessaires. Pour nous, la torréfaction est affaire de précision dans tous les domaines car la situation peut vite nous échapper. La torréfaction proprement dite dure de 10 à 14 minutes par lot, en fonction du type de café. Elle nécessite une surveillance constante, il ne faut jamais s’en éloigner !

« Les grains de café, en soi les petits noyaux durs des fèves de café, contiennent néanmoins une certaine teneur en humidité, qui s’échappe lors du processus de torréfaction. Douze kilos de grains verts nous donnent donc un peu plus de 10 kg de produit fini. Notre perte se situe entre 13 et 15 %, mais malgré l’allègement des grains, ceux-ci gonflent et doublent pratiquement de volume. Pour chaque type de grain que nous choisissons de travailler, et il y en a beaucoup, nous développons un profil spécifique, avec une procédure correspondante que nous faisons appliquer par l’appareil. Nous allons par exemple porter à 190°C les grains que nous torréfions aujourd’hui, l’humidité s’évaporant durant les premières minutes, rend les grains verts légèrement jaunâtres. À partir de là, vous passez à la phase suivante dans laquelle ces grains jaune clair deviennent bruns et commencent à ressembler de plus en plus à de ‘vrais’ grains de café. L’énergie contenue dans le grain continue d’augmenter, ce qui le fait éclater et un claquement se fait entendre – comme du pop-corn. Les graisses et les sucres se libèrent à ce moment. À partir de là, c’est une question de secondes et de pourcentages, la situation pouvant rapidement dégénérer et brûler les grains. La température finale de cette torréfaction s’élève à 219°C.

« Nous les déchargeons du tambour et les laissons refroidir, ce qui doit aller vite, mais la machine est conçue pour cela – d’où les pales qui agitent les grains – sinon ils continueraient de se torréfier. »

Ward prend quelques grains en train de refroidir, les goûte et m’en donne un.

« Croquez-le lentement et faites du café avec votre salive. »

Je suis surprise : c’est tellement bon !

« Goûter, presque tout de suite après la torréfaction, est une chose que je fais très souvent car cela vous donne un feed-back instantané sur la qualité de manière très simple. »

Filtre ou espresso

Ne dites jamais que tous les cafés se valent, car la torréfaction doit également être adaptée selon la façon dont vous voulez passer votre café. Aujourd’hui, la torréfaction est principalement destinée à l’espresso.

Ward : « En tant que torréfacteur, nous faisons le choix de distinguer le café filtre de l’espresso. Pour le café filtre, la torréfaction doit toujours être un peu plus claire, pour l’espresso, elle doit toujours être un peu plus foncée, c’est-à-dire que la torréfaction doit être plus longue. Dans le cas d’un café filtre, le temps de contact entre le café et l’eau est plus long lors de la préparation, plusieurs minutes, le café peut réagir moins rapidement car il a plus de temps. Dans l’espresso, le temps de contact est de 25 à 35 secondes et à haute pression, de sorte que la réaction du café à l’eau est beaucoup plus rapide et que les grains torréfiés plus foncés s’y expriment mieux. Tout l’art consiste donc aussi à savoir quel café nous allons utiliser pour quel usage et comment nous allons en assurer une torréfaction optimale. En tant que torréfacteur, vous devez savoir précisément avec quels grains vous allez travailler. Par exemple : les plantations de café qui poussent en altitude donnent des grains plus durs et il faut donc plus de chaleur pour les torréfier à cœur.

« Avec notre café le plus vendu, issu du projet Bota Fora du Brésil, nous essayons de jeter un pont entre une qualité maximale et une référence gustative rappelant ce que les consommateurs ont toujours connu en matière de café. De cette façon, ils se retrouvent impliqués de toute façon dans les ‘cafés de spécialité’ et une fois que vous aurez franchi ces premiers pas, vous verrez que, grâce à la traçabilité, il se cache derrière chaque paquet, chaque étiquette, une histoire d’agriculteurs engagés qui travaillent dur et méritent de voir leur produit traité avec le plus grand soin.

« Nous avons toujours assez de café fraîchement torréfié en magasin, mais nous n’en avons jamais en rayon. Après tout, le café est meilleur fraîchement torréfié !

[ Tine Bral — foto’s: ©Marc-Pieter Devos ]