Monsieur Nyst, vous êtes dans l’épicentre de la crise, en contact direct avec une série d’indépendants ou de petites entreprises affaiblies ou carrément mises en péril par celle-ci. Comment réagissent vos abonnés ?

P-F N. : Ils sont inquiets, largement angoissés pour certains. Nous recevons plus de 2.000 coups de fil par jour. Nous les soutenons autant que faire se peut. Nous avons déjà payé plus de 99 millions de droits ‘passerelle’ depuis mars, maintenant nous recevons surtout des appels au secours de ceux qui galèrent pour obtenir la prime Covid -19 …

Le secteur de l’HORECA est l’un des plus durement touchés. Notre Première ministre, Sophie Wilmès a reconnu que les entrepreneurs de l’HORECA payaient un très lourd tribut mais que l’Etat ‘resterait à leur côté’. Cela veut dire que nous pourrons compter sous peu sur une aide concrète plus importante ?

P-F N. : Nous faisons du lobbying dans ce sens. Pour faire face à l’urgence, nous avons d’abord obtenu les premières mesures de report de paiement de la TVA, de l’impôt des personnes physiques, de l’ONSS et autres cotisations sociales. Une aide utile mais qui est aussi évidemment un piège. Les paiements peuvent être reportés au 1er trimestre 2021 mais à ce moment-là le paiement sera double ! Nous conseillons donc aux indépendants qui le peuvent de payer déjà tout ce qu’ils peuvent, pour ne pas se retrouver dans une situation catastrophique l’année prochaine.

Par ailleurs nous leur disons aussi, s’ils doivent faire un choix, de payer d’abord en B2B plutôt que l’Etat, pour ne pas mettre d’autres entrepreneurs en difficultés.

De même pour le moratoire sur les faillites, le délai est beaucoup trop court, surtout pour l’HORECA qui ne reprendra (si tout va bien et seulement pour les restaurants) au mieux que le 8/6. Nous demandons à le reporter au 31/12/2020.

Des prêts ‘coup de pouce’

Nous essayons aussi d’être créatifs, nous réfléchissons à d’autres solutions.

Pour le fédéral la charge est déjà extrêmement lourde alors nous cherchons à ce que le privé puisse également apporter son aide aux indépendants en difficulté temporaire.

En région wallonne nous avons mis en place ce que nous appelons le ‘prêt coup de pouce’ afin de mobiliser l’épargne des particuliers. Un proche ou un parent d’un indépendant en difficulté peut l’aider par un prêt personnel, tout en bénéficiant d’un crédit d’impôt.  C’est à la fois une aide appréciable pour l’indépendant et un avantage fiscal pour le prêteur.

Ce dispositif est déjà fonctionnel en région wallonne et Bruxelles vient de créer son propre ‘prêt Proxi’ dans une version un peu améliorée.  C’est important car évidemment si les relations avec les banquiers étaient déjà difficiles, c’est encore plus le cas aujourd’hui.

Un conseil à donner aux entrepreneurs en difficulté ?

Demander conseil, se faire aider, ne pas hésiter à faire appel à des professionnels. Rester la tête froide autant que faire se peut. On traverse une tempête mais il ne faut pas baisser les bras. Essayer d’en profiter pour repenser le modèle, penser à réouvrir en take away, écarter les tables… ? Faire de la résilience économique autant que possible le temps que dure la crise.

« J’ai été touché moi-même par le Covid-19 et j’en suis remis, la crise est passée, mais les médecins estiment qu’il me faudra plusieurs mois pour retrouver ma capacité pulmonaire. Je pense que ce sera un peu la même chose dans les autres domaines ! »
Texte : Pascale Van Weert