Nous dirigeons-nous tous de plus en plus vers le végétal ? Les chiffres sont en tout cas à la hausse, et avec We’Re Smart World, le chef des légumes par excellence Frank Fol prône la cuisine végétale pure depuis plus de 30 ans, et avec succès. « La cuisine végétale n’est pas une mode gastronomique, ni une tendance qui va se dissiper », affirme-t-il.

Une étude menée par iVOX à la demande de ProVeg Belgique, l’asbl gantoise qui soutient les start-ups dans le monde entier, révèle que la consommation de viande en Belgique perd du terrain. Un Belge sur 3 déclare déjà manger végétarien au moins une fois par semaine, et le nombre de Belges consommant quotidiennement de la viande ou du poisson, continue également à diminuer. 68% des Belges se considèrent encore comme de véritables omnivores. Le pourcentage de (presque) végétariens et végétaliens reste faible, mais en 2 ans, il est toutefois passé de 5 à 8%. Le nombre de flexitariens aussi est en augmentation ; 28% des Belges mangent au moins 1 fois végétarien par semaine. En 2020, ils étaient 25% et en 2016 à peine 13%.

Il est frappant de constater que ce sont surtout les femmes et les jeunes qui mangent le moins de viande et veulent franchir le pas. Parmi les Belges de moins de 35 ans, seuls 58% mangent encore quotidiennement de la viande et du poisson. 4 ‘carnivores’ sur 10 souhaitent manger moins de viande à l’avenir. 8% des Belges qui se disent encore aujourd’hui ‘carnivores’ souhaitent devenir végétariens ou végétaliens à l’avenir.

Les principaux obstacles à une consommation plus fréquente de légumes sont le goût, le prix et des compétences culinaires insuffisantes. Apparemment, surtout chez les jeunes, la perception qu’une alimentation végétarienne est plus chère que la viande persiste.

Les substituts de viande et de produits laitiers gagnent en popularité. 2/3 des Belges consomment déjà occasionnellement des substituts de viande. Les substituts qui ressemblent à la viande sont actuellement les plus appréciés. Mais également le tofu, le tempeh, le seitan et surtout la pâte à tartiner sont davantage consommés qu’en 2020.

La proportion de Belges qui considèrent qu’une alimentation végétarienne et végétalienne est saine, a augmenté comparé aux années précédentes. 47% des femmes et 46% des jeunes estiment que l’alimentation végétarienne est plus saine.

Le chef qui prône l’utilisation des légumes depuis la fin des années 80 est Frank Fol, connu entre autres pour son ancien restaurant Sire Pinnock à Louvain, l’émission télévisée Mond Fol et le livre Le Chef des Légumes. Il a également occupé la fonction de Président des Mastercooks of Belgium pendant quelques années et a fait œuvre de pionnier en introduisant chez nous les Jeunes Restaurateurs d’Europe (aujourd’hui Jeunes Restaurateurs), dont il a ensuite été le président européen pendant cinq ans.

Depuis quelques décennies déjà, Frank Fol milite pour l’utilisation de produits d’origine végétale et avec We’re Smart World, une organisation marketing dont il est le président et le propriétaire à 100%, il est devenu une référence incontestable dans le monde culinaire des fruits et légumes. Le concept consiste à reconnaitre et à promouvoir des chefs, des restaurants et des organisations qui placent les fruits et les légumes au centre de l’alimentation.

Dans le guide culinaire et gastronomique We’re Smart Green Guide, lancé en 2017, figurent les meilleurs restaurants de légumes au monde, répertoriés de cinq à un radis. Les We’re Smart Awards récompensent chaque année les meilleurs restaurants et organisations de légumes et à la We’Re Smart Academy les meilleurs chefs de légumes du monde partagent leurs connaissances avec quiconque s’intéresse à une alimentation saine et écologique. L’organisation compte 1.870 membres, répartis dans une cinquantaine de pays et figurant tous dans le We’re Smart Green Guide.

« Je suis un missionnaire de la cuisine végétalienne depuis plus de 30 ans, explique-t-il. Je n’ai jamais été contre la viande ou le poisson, mais je souhaitais simplement inverser les rôles, et hisser les légumes à un niveau gastronomique. Les légumes méritent plus que le rôle secondaire qu’ils ont très longtemps occupé dans les cuisines traditionnelles flamande et française. Au début, j’étais affreusement seul à avoir cette vision, mais au fil du temps, d’autres chefs m’ont rejoint, et ces dernières années, la cuisine végétale a pris de l’ampleur, notamment parce que la crise climatique a stimulé la demande de plats savoureux et inventifs dans lesquels les produits végétaux occupent une place centrale. La cuisine purement végétale est donc de plus en plus considérée comme une cuisine à part entière, même par Michelin.

En tant que chef, vous pouvez faire preuve d’une créativité infinie avec les ingrédients végétaux. Pensez à saumurer, acidifier, lyophiliser, souffler, injecter, fermenter, etc. Sur notre site web, nous avons rassemblé 65 techniques culinaires pour préparer les fruits et légumes, ce qui ne représente qu’une fraction de toutes les techniques utilisées dans le monde. Mais les chefs n’apprennent pas suffisamment ces techniques lors de leur formation. »

Est-ce un plaidoyer en faveur d’un changement de mentalité dans les écoles hôtelières ?

« Nous avons des écoles hôtelières fantastiques, mais nous constatons que les cours peinent à suivre le rythme des innovations sur le terrain. Dans les écoles hôtelières, la cuisine classique reste reine ; on continue à ne jurer que par la viande et le poisson. Il n’y a rien de mal à cela, mais là où de plus en plus de chefs réussissent à concilier tradition et innovation, les écoles hôtelières restent à la traîne. Initier une nouvelle génération à la cuisine végétale ne doit bien sûr pas se faire au détriment de nos traditions culinaires. Au contraire, elles peuvent aller de pair. Aux Pays-Bas, une école hôtelière propose déjà une formation en cuisine végétale. En fait, cet honneur aurait dû être réservé à notre pays. »

Comment la tendance du végétal va-t-elle se poursuivre à l’avenir ?

« La cuisine végétale n’est certainement pas une mode gastronomique, une tendance qui va disparaître. Dans la gastronomie de 2024, vous devez être capable de convaincre les consommateurs avec des saveurs, et les légumes sont l’ingrédient idéal pour cela. Chez Vrijmoed** à Gand, par exemple, 50 % des clients en moyenne mangent végétal à 100 %, et on voit aussi de plus en plus de chefs ‘traditionnels’ passer aux légumes. Je suis également contacté quotidiennement par de nouveaux membres potentiels ; surtout aux Pays-Bas, la demande ‘explose’. Les consommateurs sont donc tout à fait prêts. Il y a deux ans, 8 % des consommateurs mangeaient moins de viande, et ce chiffre va encore augmenter.

Où se situe notre pays en matière de cuisine végétalienne ?

« Notre pays compte proportionnellement le plus grand nombre de restaurants affichant 5 radis, et se situe donc à la première place. Au total, nous avons 166 membres en Flandre, 40 à Bruxelles et 35 en Wallonie. Au niveau européen, nous tournons déjà à plein régime, tandis que des destinations lointaines comme le Japon, le Pérou, Singapour, etc. suscitent de plus en plus d’intérêt. D’ailleurs, la meilleure cheffe de légumes du monde vient du Japon. »

Comment voyez-vous l’avenir du véganisme et a-t-il sa place dans la (haute) gastronomie ?

« Le véganisme représente actuellement une ‘part de marché’ de 3 % en Belgique, et cette part va continuer d’augmenter, tout comme celle des flexitariens. Je préfère parler de ‘pur végétal’ plutôt que de véganisme, parce que cela décrit mieux de quoi il s’agit. Par rapport aux générations précédentes, les jeunes d’aujourd’hui sont nettement plus ouverts. Je tiens toutefois à mettre en garde contre les contrefaçons disponibles sur le marché. Mais, et tous les observateurs de tendances sont d’accord sur ce point, la demande d’alternatives saines va de toute façon augmenter, selon Frank Fol, dont les plats peuvent également être dégustés à bord des trains Eurostar, si vous voyagez en classe Premium.

Pour plus d’info, surfez sur  www.weresmartworld.com et www.proveg.com

[ Danny Verheyden ]