L’automne est la saison des plaisirs culinaires par excellence. C’est alors que les cuisines exhalent ces puissants parfums de gibier, de champignons et de légumes automnaux.

Jusqu’à il y a quelques décennies, le gibier était présenté sur table avec force décorum. Je me souviens des dîners de gala, des banquets de chasse en octobre et novembre. La salle gothique était alors magnifiquement décorée de bouquets automnaux et ornements de chasse.

La selle de chevreuil Grand Veneur était annoncée à haute voix, puis amenée par les serveurs sur un grand plateau ovale et cela va de soi, généreusement argenté, alors que les cors de chasse veillaient à l’encadrement. Nous appelions cela le ‘Service à la Russe’.

Ensuite le maître d’hôtel s’avançait majestueusement vers cette table de service, séparait la viande de la carcasse et la découpait habilement. Elle était ensuite découpée en portions sous l’œil des convives dans la salle à manger et disposée sur les assiettes. Les préparations à l’Escoffier étaient peut-être moins raffinées que celles d’aujourd’hui, mais c’était une expérience en soi et je m’estime encore toujours chanceux d’avoir pu y assister souvent.

Une viande naturelle

Chevreuil, lièvre, sanglier, perdrix… il n’y a pas de viande plus naturelle. Elle s’inscrit parfaitement dans l’adage du ‘moins mais meilleur’. Il s’agit d’une viande provenant d’animaux qui ont vécu dans la nature, qui n’ont pas été engraissés avec des aliments industriels, qui n’ont reçu ni hormones, ni antibiotiques. Cependant, en raison de leur vie dans la nature, ces animaux sont parfois porteurs de parasites. N’achetez donc votre gibier qu’auprès de négociants connus et de confiance, vous aurez alors la certitude qu’il est légalement approuvé.

Alors qu’auparavant, la demande portait surtout sur les morceaux nobles du gibier comme le filet, les chefs ont découvert que, moyennant une bonne technique de préparation, ils ont certainement autant d’honneur à tirer avec des parties moins chères du gibier, comme l’épaule. Elles ont souvent une teneur en graisse plus élevée et ne se dessèchent pas, même après une longue cuisson. Enfin, à ne pas négliger, le foodcost est beaucoup moins élevé.

D’où provient notre gibier ?

Nous avons posé la question à Olivier Dachelet. Il est Product manager chez Rob et connait parfaitement le marché.

Dachelet : « Les Belges sont de grands amateurs de gibier, plus encore que les Français, avec comme conséquence que la demande dépasse l’offre. Nous achetons belge tant que faire se peut, et en tout cas de préférence européen. Le cerf, la biche et le lièvre proviennent principalement de l’Europe de l’est, d’Ecosse nous vient le faisan, et ces dernières années également le coq de bruyère. »

La notion de ‘régional’ est relative, le gibier ne connait pas de frontière. D’autres contacts chez des fournisseurs nous ont également appris que la majeure partie du gros gibier arrivait d’Allemagne, et les perdrix d’Espagne. Les sangliers, les biches et les chevreuils sont, quant à eux, très nombreux dans nos Ardennes et au Limbourg.

Pour les canards sauvages, les Pays-Bas, riches en eau, sont un fournisseur important.

Nouvelles inspirations pour votre carte de gibier

Aujourd’hui, le gibier est devenu monnaie courante dans nos cuisines. Presque tous les restaurants en servent en saison, car le gibier est polyvalent et aromatique. Les recettes traditionnelles sont consistantes, recouvrent une large palette de goûts et se sont perfectionnées au fil des décennies. Mais la jeune génération de cuisiniers a souvent une approche différente, plus audacieuse et plus aventureuse pour la création de leurs plats de gibier. Ils s’inspirent souvent de grands classiques, qu’ils revisitent à leur guise. Hamburger garni de pulled pork de sanglier, ossobuco de faon ou carbonade d’épaule braisée à la bière d’abbaye ne sont que quelques exemples parmi d’autres.

Qu’il s’agisse de fingerfood, de streetfood ou de plats de haute gastronomie, le gibier se prête à tout. N’hésitez pas à proposer la ‘semaine du gibier’ sur votre carte de menu. Un potage de gibier aux châtaignes, ou une lasagne au chevreuil, mais également des raviolis au gibier ne manqueront pas de plaire. Avec les appareils de cuisine d’aujourd’hui, rien n’est plus simple que de préparer sa propre viande hachée à partir des parties moins chères du gibier.

La préparation

Le gibier n’est pas une viande comme les autres. Elle contient peu de graisse et exige une méthode de préparation adaptée.

Les parties qui contiennent beaucoup de tissu conjonctif, comme l’épaule et le cou, nécessitent une cuisson lente à basse température. Ici, la cuisson sous vide, souvent utilisée à tort et à travers pour d’autres préparations, est très appropriée. Les viandes à fibres courtes, comme les filets contenant peu de tissu conjonctif, gagnent en saveur lorsqu’elles sont cuites brièvement sur un gril ou dans une poêle très chaude. Sous l’effet de la chaleur, les sucres sanguins caramélisent, ce qui confère à la viande de légères notes caramélisées, communément appelé la réaction de Maillard.

Les grills à charbon de bois perfectionnés, en particulier, offrent d’énormes possibilités avec le gibier : grils en céramique, fumoirs, beefers, Jospers ou Mibrasas, on les trouve dans la plupart des cuisines actuelles et ils permettent à vos convives de découvrir le gibier d’une manière sans précédent. Griller dans un four à charbon de bois ou sur un grill est probablement l’expérience gibier la plus proche d’un ‘retour aux sources’. Une épaule ou des spareribs de marcassin cuits lentement et légèrement fumés dans un tel four… tout simplement divin !

Complices aromatiques

Le gibier exige un accompagnement puissant et savoureux, de préférence du propre terroir. Heureusement, les variétés de choux d’automne, les tubercules, toutes sortes de citrouilles, les chicons, les champignons et les fruits d’automne comme les poires et les airelles sont disponibles en abondance. Vous pouvez même trouver des nèfles à certains endroits, mais elles ne seront bonnes qu’après une période de gel. Toutes sortes de noix et de châtaignes conviennent également à vos plats de gibier. Pour l’assaisonnement, préférez les épices ‘chaudes’ : noix de muscade, baies de genévrier, anis étoilé, cumin… ne sont que quelques-uns des accents qui rehausseront la saveur de vos préparations.

Vous pouvez bien sûr aussi jouer la carte exotique : tout dépend de la signature de votre établissement. En Chine, au Japon, à Hawaï ou au Vietnam aussi, on chasse et on se délecte de gibier. Le curry et la cannelle se marient admirablement au sanglier, les shiitakes peuvent parfaitement remplacer les classiques cèpes.

Jouez avec les textures

La plupart des fruits et légumes d’automne sont parfaitement adaptés à la préparation de gelées, crèmes ou poudres qui rehausseront visuellement votre art culinaire en matière de gibier : a fortiori les différentes sortes de potirons, mais aussi les coings et les noix. À partir de la betterave, du panais et d’autres légumes-racines, vous confectionnerez des frites surprenantes, et en séchant et en assaisonnant les feuilles de chou, en particulier le chou vert, vous obtiendrez des chips originales.

Et la sauce ?

Le gibier exige une sauce riche en goût. Mais d’une part, nos cuisines modernes n’ont pas le temps de consacrer des heures à la préparation d’une sauce poivrade classique, et d’autre part, nous achetons rarement du gibier sur carcasse, donc nous ne disposons pas des parures et des os pour ce faire. Il est bien sûr toujours possible de résoudre ce problème en utilisant les carcasses de petit gibier comme le lièvre, le pigeon ou le faisan.

Il faut cependant reconnaître que la saveur des fonds de gibier et des sauces dits ‘de commodité’ s’améliore chaque année. La plupart des marques proposent un assortiment pour la cuisine haut de gamme. J’ai eu l’opportunité de visiter la production de ce genre de produits en Finlande, et franchement, ils opèrent exactement de la même manière que dans nos cuisines. Mais bien dans des chaudrons de 5.000 litres. Ces produits ne sont généralement pas utilisés purs, mais peuvent agréablement renforcer le goût d’un fond de gibier fait maison.

Le vin est généralement utilisé pour la préparation de marinades et de sauces pour le gibier. La règle ici est la suivante : avec un vin de qualité inférieure, vous n’obtiendrez jamais une bonne sauce. Utilisez plutôt un vin rouge doux, contenant peu de tanins, car les substances amères des vins riches en tanins se concentrent lorsqu’ils sont bouillis. Choisissez donc plutôt des vins doux et jeunes.

Vins sauvages

Pour accompagner le gibier, rien de tel que le vin. Nous avons demandé conseil à Leon Cambier de VASCO.

« Pour accompagner les préparations traditionnelles de gibier, je continue de recommander les classiques, même s’il faut en payer le prix. Les bons Bourgognes, la référence du Pinot Noir, continuent de faire très bon ménage avec le gibier. Mais il faut dire que la Nouvelle-Zélande et les États-Unis produisent également de bonnes bouteilles à partir de ce cépage. Cependant, là non plus l’excellence n’est pas bon marché. Je mets également en avant certains vins de Corbières, qui offrent des chefs-d’œuvre pour le moins surprenants. Vous trouverez également de beaux vins pour accompagner le gibier dans la Ribera del Duero espagnole, dans la vallée du Douro, dans le Piémont, ainsi qu’en Argentine et au Chili ». Un guide relatif à l’harmonie des vins et des plats est disponible sur www.e-wines.be

Bert Van Dyck, Key Account Manager chez Hasselt Millésime, voit lui aussi l’intérêt évoluer dans le même sens : « Une croissance substantielle dans la Ribera del Duero et au Portugal. Les bons restaurants italiens servent également beaucoup de gibier et là, c’est le Piémont qui gagne en popularité. Nos ventes de vins californiens augmentent également à mesure que la saison du gibier s’intensifie. Le Bordeaux, en revanche, perd très rapidement du terrain, ils ont du mal à suivre. »

La tendance est à l’Allemagne et l’Autriche

Par ailleurs, et ce surtout dans le nord du pays, l’intérêt pour les vins allemands et autrichiens est croissant. Dans le Palatinat allemand, le Pinot Noir ou Blauburgunder fait figure d’excellence, bien qu’il y ait maintenant aussi toute une zone de merlot, cabernet sauvignon et même tempranillo. Les vins du Blauburgunder sont équivalents aux Bourgognes en raison du réchauffement climatique qui fait que le climat du Palatinat est aujourd’hui le même qu’en Bourgogne il y a 100 ans. D’Autriche nous viennent les vins du raisin Blaufrankisch qui suscitent également de plus en plus d’intérêt de la part des sommeliers des restaurants de haut vol.

En ce qui concerne l’harmonie entre vin et gibier, la garniture est au moins aussi importante que la viande, qu’il s’agisse de chevreuil, de lièvre ou de faon. Une préparation puissante nécessite un vin puissant pour lui donner la réplique. Partez du goût du vin et oubliez la couleur. Cela peut conduire à des résultats surprenants. Pour accompagner le faisan à la choucroute, par exemple, un vin blanc du Rioja vieilli en fûts de bois ou un Riesling Auslese allemand seront du meilleur effet. Un vin contenant une belle quantité de tanins fera quant à lui la part belle aux pièces de gibier grillé ou rôti aux champignons. Les préparations de gibier à cuisson lente ou en pot-au-feu préfèreront plutôt la compagnie d’un vin doux et rond comme un Pinot Noir mûr.

Et, soit dit entre nous, de nombreuses préparations de gibier s’accordent également parfaitement avec une bonne bière d’abbaye de chez nous !

Texte : HW

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