Au petit Royaume de Belgique, la frite reste la reine, compagne en titre, du souverain de nos belles forêts qu’est le gibier. La croquette en est, invariablement, la dauphine.

Et si le Belge préfère toujours une ‘bonne frite’ à tout autre accompagnement d’une volaille (du dimanche) ou d’un gibier (de saison), la croquette de pomme de terre, en effet, garde une place d’honneur. Ce qui n’enlève aucun titre de noblesse à la pomme dauphine qui pourra, elle aussi, tenir le rôle, justement, de seconde dauphine !

Du fritkot au Micro-Musée de la frite, un peu d’histoire

Aujourd’hui, outre au fritkot du coin ou encore au foodtruck ambulant, la frite a sa place au musée. A Bruxelles, depuis vingt ans, un singulier micro-musée, Home Frit’Home, lui a été consacré aux abords du Parc Dudden à Forest. Un musée riche de quantité d’infos, ustensiles, œuvres d’arts et illustrations en tous genres. Particulièrement original, ce micro-musée de la frite double sa fonction muséale d’un singulier B&B avec d’amusantes chambres, elles aussi dédiées à la frite ! A Bruges, un autre musée de la frite, le Frietmuseum, plus grand et doté d’une friterie en fonction tel un vrai fritkot, fait lui aussi recette depuis quelques années. Deux destinations pour nourrir, ou mettre à jour, neurones et papilles.

La frite de chez nous 

Aucun lecteur ne l’ignore, les meilleures frites sont réalisées avec la bintje et cuites, par deux fois, dans du blanc de bœuf, cela va de soi depuis la nuit des temps ! Enfin, depuis que la frite existe et à tout le moins, en Belgique ! En France ou ailleurs, c’est une autre histoire. Nous avons tous vu des frites cuites à la n’importe nawak, comme disent les enfants, et dans n’importe quelle huile de friture. Du vrai n’importe quoi effectivement, surtout lorsque l’on entend les Américains appeler notre frite nationale : la ‘french fries’.

Par contre, ce que beaucoup ignorent, c’est l’appellation de Pomme Pont-Neuf que nos voisins de l’Hexagone ont donné à la frite après la Révolution française. L’histoire raconte que des marchands ambulants, installés sous le Pont-Neuf, vendaient des fritures de marrons chauds et de pommes de terre frites d’où l’appellation de Pomme Pont-Neuf. Quant à la paternité de la frite, entre Belges et Français, cela c’est une autre histoire que je me garderai bien d’aborder ici. Même si la frite, achetée au fritkot, placée dans un cornet de carton et mangée avec les doigts dans la rue est et reste incontestablement une vraie tradition, une exclusivité bien de chez nous !

La croquette, tradition et variétés 

La croquette de pomme de terre, la pomme dauphine ou la croquette noisette (format boule de la croquette) sont elles aussi à la hauteur pour accompagner le gibier. Préparées nature ou, par exemple, avec des éclats de truffe, elles conviennent à tous types de gibiers. Demandant une préparation plus longue que la frite, si elles ne sont pas surgelées, elles valorisent chaque plat et apportent une texture et un aspect différents en fonction de la panure de chacune. Seule l’imagination a ses limites pour confectionner ces délices dont la cuisson est similaire à celle de la frite. Bien entendu, l’idéal étant d’utiliser des bacs de cuisson différents en fonction de la composition de la croquette. Evitez de cuire les croquettes de crevettes ou fromage, dans la même friture que les croquettes de pomme de terre et frites.

La pomme dauphine, composée d’un appareil de pomme de terre et pâte à choux, est un autre régal digne des plus beaux gibiers de saison. Attention, ici aussi au temps de préparation, à la température et au type d’huile utilisé.

Techniques de friture, huiles et autres astuces

Les graisses de friture sont sous forme d’huile, de graisse liquide ou compacte (graisse animale (bœuf) ou végétale solidifiée (palme, coco). La graisse de bœuf est incontournable pour la frite. Celle-ci doit être plongée lavée, épluchée (sauf la country potatoes), et séchée dans la friteuse. Les autres produits peuvent être cuits dans d’autres graisses végétales (huile d’olive, tournesol, pépins de raisin, arachide) qui ne rancissent pas et supportent de fortes températures. Une fois l’huile utilisée et refroidie, il faut la décanter et la filtrer. Il est déconseillé d’y ajouter de l’huile fraîche. Mieux vaut la jeter (au recyclage) lorsqu’elle arrive à saturation (teinte foncée, excédent de résidus, odeur plus forte). 

Pour la cuisson, toujours respecter la proportion d’un volume d’aliment pour trois volumes de graisse de friture. Une fois le degré de cuisson atteint, la température doit rester constante. Et ne jamais laisser la graisse fumer ou brûler car une fois les 220°C dépassés elle devient toxique. La filtrer régulièrement lui apportera une durée d’utilisation plus longue.

Tendances et variantes aux frites et croquettes

Depuis quelques années, les frites de patate douce, dites sweet potatoes, sont les plus actuelles des alternatives à la frite de pomme de terre. On peut y ajouter, pour plus de piquant, des épices telles que du paprika ou, en plus fort, du piment de cayenne. Les frites de panais (cuites dans l’huile d’olive), sont aussi une belle alternative.

On aimera aussi avec un gibier à plumes, des pommes soufflées, des pommes galettes (en paillasson) ou encore des pommes de terre tourbillon qui comme la pomme dauphine sont composées de purée de pomme de terre et pâte à chou. Seule ici diffère la forme (en spirale).

Venues des Etats-Unis, les country potatoes, dites frites rustiques, gardant leur pelure et coupées plus épaisses conviendront aussi au gros gibier, lui aussi plus rustique et plus fort en goût. Et en plus exotique, on s’inspirera de l’Inde, pour réaliser des samoussas farcis aux pommes de terre qui seront parfaits et des plus singuliers avec un ragoût de gibier.

En conclusion, toutes les variantes de friture à partir d’une pomme de terre de qualité – ou d’un bon légume d’hiver – sont possibles avec le gibier. Seules limites, l’imagination de celui qui souhaite surprendre avec de nouvelles idées de fritures et, bien entendu, le temps dont on dispose pour ce faire. A noter cependant, de plus en plus de produits surgelés, aussi pratiques que qualitatifs, apparaissent sur le marché. Autant en profiter ! 

Joëlle Rochette