Une superposition de crises plombe le secteur alimentaire

Le gros de la crise sanitaire semblant passé, 2021 laissait entrevoir la perspective d’une belle reprise économique. Puis fin de l’année dernière, la hausse des prix de l’énergie et la pénurie des matières premières ont commencé à plomber la situation, la guerre en Ukraine ne faisant qu’aggraver les choses.

Pour prendre quelques exemples :

Délais : L’huile de tournesol, le blé, le maïs vont prochainement poser de gros problèmes d’approvisionnement. Les délais de livraison de certains emballages sont passés de quelques semaines à 3 voire 6 mois.

Prix : La viande de volaille a augmenté de 50% en février et on s’attend à de nouvelles hausses de prix prochainement … sans aborder celles des prix de l’énergie que chacun connaît.

Une crise qui va s’installer dans la durée

Selon Damien Ernst, professeur à l’Université de Liège, la crise de l’énergie va s’installer dans la durée.  Selon ses estimations, il faudrait 150.000 éoliennes ou 200 réacteurs nucléaires en plus en Europe pour générer une quantité d’énergie équivalente à celle importée de Russie sous forme de gaz …

En attendant, que la guerre en Ukraine s’éternise ou se termine dans les mois qui viennent :

Augmentation du prix des matières premières + augmentation du prix de l’énergie + augmentation des prix de l’emballage et du transport … les hausses s’additionnent.

Selon Anthony Botelberge, président de la Fevia : « Même si la guerre se termine prochainement, et rien n’est moins sûr, la crise dans laquelle elle nous plonge va durer. On peut s’attendre à ce que les céréales comme le blé et le maïs soient de 10 à 25% plus chers jusqu’en 2026 ! »

Sonnette d’alarme

Porte-parole du secteur de l’industrie alimentaire belge, la Fevia (*) tire la sonnette d’alarme. Selon une enquête menée auprès des 700 membres de la Fédération, 4 entreprises sur 10 vont devoir réduire, voire même arrêter leur production. 70% d’entre elles doivent déjà ou devront prochainement adapter la composition de leurs produits.

Si fin 2021, 19% des entreprises jugeaient leur situation financière mauvaise, aujourd’hui elles sont 26% à la juger mauvaise et 10 % très mauvaise. Pas étonnant lorsqu’on apprend que la moitié des entreprises a vu doubler sa facture d’électricité en un an tandis que 37% des entreprises ont vu leur facture de gaz tripler !

Une lasagne de taxes qui creuse les inégalités

Difficile à avaler en période de crise : les taxes sur l’énergie en Belgique sont 7 fois plus élevées que dans les 3 pays voisins (Pays Bas, France, Allemagne).  Résultat : notre facture d’électricité s’en trouve au moins 30% plus chère !

Peut-on croire également que les taxes soient régionalisées et largement inégales dans notre pays selon les régions ? la Wallonie et Bruxelles payant largement plus que la Flandre …

Nous avions déjà assisté au même phénomène pour les aides Covid… Les entreprises sont pourtant toutes logées à la même enseigne lorsqu’il s‘agit de payer l’impôt des sociétés !

La Fevia en appelle aux décideurs politiques afin de soutenir le secteur en :

  • réduisant les handicaps concurrentiels (coûts salariaux, énergie, fiscalité)
  • résolvant, améliorant le problème de la pénurie et de l’inadéquation de la main-d’œuvre
  • en évitant d’ajouter de nouvelles charges ou taxes dans cette situation difficile

Répercussions sur l’Horeca

Cette situation a bien évidemment des répercussions sur le secteur Horeca. Comment absorber ces hausses sans mettre en danger son activité ? Plus que jamais il sera nécessaire pour l’entrepreneur d’analyser les coûts, de réorganiser, d’anticiper.

Question cruciale : faut-il absorber ou répercuter la hausse des coûts sur la note du client ? C’est une arme à double tranchant car la crise allégeant le portemonnaie des clients également, il ne faudrait pas les dissuader de revenir.

Quelques options suggérées par les professionnels que nous avons interviewés :

  • Revoir les recettes en remplaçant certains produits coûteux
  • Simplifier l’offre (offrir un seul menu par exemple)
  • Ouvrir moins de jours par semaines, de manière à concentrer le flux des clients
  • Diminuer les portions
  • Cuisiner plus local et de saison
  • S’unir pour acheter en commun
  • Jeter moins, améliorer sa gestion de stock

La bonne nouvelle c’est que quand on analyse les options proposées, toutes ces mesures sont bonnes pour le climat et vont dans le sens d’une gestion plus raisonnée, plus durable.

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(*) Fédération de l’industrie alimentaire belge. www.fevia.be  – www.food.be

Texte : PVW