Période de fêtes oblige, toute table digne de ce nom se doit d’avoir quelques champagnes à sa carte. Mais comment les choisir ?

Vous pouvez bien sûr demander conseil à votre caviste favori, ou même vous rendre directement sur place, mais il y a tant de producteurs qu’il vaut mieux faire une présélection. On dénombre en effet plus de 16.000 Vignerons, 125 Coopératives et 390 Maisons. Voici quelques fondamentaux pour guider votre choix…

Une appellation surprotégée

Tout d’abord, rappelons qu’il n’y a de champagne qu’en Champagne. Cela signifie qu’un vin mousseux élaboré dans une autre région, qu’elle soit française ou non, ne peut porter le nom de champagne ou y faire allusion. Cinq ans après la reconnaissance de l’appellation d’origine contrôlée champagne, le Comité interprofessionnel du vin de Champagne voit le jour. Son rôle principal est de lutter contre l’utilisation abusive du nom, dans tous les domaines, il s’assure également du respect du procédé d’élaboration de la célèbre boisson.

Vignerons et maisons

Chaque année, les vignerons et coopératives de Champagne produisent ± 82,3 millions de bouteilles, tandis que les Maisons de Champagne en commercialisent plus de 216 millions : 42,6% de ces bouteilles ne quittent pas la France et les Maisons de Champagne assurent 90% des exportations : cela explique qu’il est parfois difficile pour un petit producteur de se faire une place sur nos marchés. Ces Maisons possèdent souvent des vignes en propre, mais elles élaborent surtout leur champagne à partir de raisins achetés aux vignerons, en complément de leur production personnelle. Leurs noms sont mondialement connus : Moët & Chandon, ­Bollinger, Krug, Laurent-Perrier, Lanson, Roederer, Ruinart, Pommery,… la liste est longue et connue.

Une méthode originale

Appelée également ‘méthode traditionnelle’ hors de Champagne, la méthode champenoise est celle de la double fermentation : première fermentation alcoolique en cuve (ou en barrique), ajout de la liqueur de tirage, assemblage des vins clairs, fermeture provisoire de la bouteille avec une capsule (le ‘bidule’ pour la seconde fermentation alcoolique, vieillissement sur lies (15 mois pour un brut sans année et 3 ans au moins pour un millésimé), remuage pour faire descendre les levures mortes vers le goulot, dégorgement avec congélation et expulsion des lies, ajout de la liqueur d’expédition (le dosage de sucre) et… dégustation.

La méthode aurait été inventée en 1668 par le moine dom Pierre ­Pérignon, mais les vins mousseux existaient déjà en Angleterre 20 à 30 ans avant cela. Par contre, dom Pérignon inventa un peu plus tard l’art de l’assemblage à partir de variétés différentes afin d’obtenir un produit supérieur à chacune de ses composantes.

Les cépages

Au niveau de l’assemblage, sept cépages sont autorisés, dont trois principaux représentent 99% des surfaces : un blanc – le chardonnay, et deux rouges – le pinot noir (le plus planté – 38% du vignoble) et le pinot meunier. Viennent en complément de l’arbane, du petit meslier, du pinot blanc (ou blanc vrai) et du pinot gris. Des nouveaux cépages résistants font aussi leur apparition, comme le floréal ou le voltis en blanc, artaban et vidoc en rouge, mais ils ne sont autorisés qu’en faible quantité dans l’assemblage.

Un champagne blanc de blancs est issu de raisins exclusivement blancs (généralement le seul chardonnay), sa zone de prédilection est la Côte des Blancs, et un blanc de noirs est à base unique de raisins noirs (pinot noir ou meunier). Son terroir essentiel est la Côte des Bar (voir plus loin), ce sont les champagnes les plus appréciés dans la gastronomie. Enfin, le champagne rosé est élaboré en mélangeant des moûts de raisins blancs et de raisins noirs, avec 5 à 15% max de vin rouge. C’est la seule appellation française où ce type d’assemblage est autorisé, il est en effet interdit en Europe par la Commission européenne depuis 2009 et la Champagne est la seule exception.

La Côte des Blancs

D’Épernay à Vertus, la Côte des Blancs n’est longue que de 20 kilomètres, elle est ponctuée par les villages de Chouilly, Cramant, Avize, Oger et Mesnil-sur-Oger (classés ‘Grand Cru’) et aussi par Cuis et Vertus (‘Premier Cru’). Cette distinction serait héritée d’une époque où les récoltes étaient amenées en tracteur vers les pressoirs principaux d’Epernay. Plus les vignobles étaient proches de cette ville, en meilleur état arrivaient les raisins qui étaient alors classés selon leur qualité. Aujourd’hui, divers éléments sont pris en ligne de compte pour établir cette notion de ‘Cru’ : la géologie, le microclimat, l’exposition, l’altitude et même les vents dominants.

Les grandes maisons de champagne sont présentes sur la Côte des Blancs et réservent ces parcelles à l’élaboration de leurs cuvées millésimées et haut de gamme. Citons, par exemple, Cristal de Roederer, La Grande Année de Bollinger, Amour de Deutz, Clos du Mesnil de Krug ou le célèbre ‘S’ de la maison Salon.

Quelques producteurs à recommander : le Champagne Pierre Gimonnet & Fils à Cuis, qui utilise beaucoup de vins de réserve, la Maison Bonnaire à Cramant, bien connue de nos concitoyens de passage, le Champagne Franck ­Bonville (repris par le fils Olivier en 1996) qui réalise d’étonnantes cuvées parcellaires (Pur Avize, Pur Oger et Pur Mesnil), la coopérative de l’Union Champagne dont le champagne St-Gall est d’une grande qualité et à un prix abordable, le Champagne Rocourt au Mesnil, un vigneron indépendant de choix (Le Comptoir des vins), et le domaine Veuve ­Fourny & Fils à Vertus (Velu Vins).

On trouve aussi à Avize des vignobles appartenant à Perrier-Jouët, Louis Roederer ou Veuve Clicquot Ponsardin. D’autres grands noms y sont également établis, comme les champagnes ­Selosse, Agrapart, Waris-Larmandier ou De Sousa & Fils.

La Côte des Bar

Située dans l’extrême sud de l’appellation entre Bar-sur-Seine et Bar-sur-Aube, la Côte des Bar est LE terroir du pinot noir. Avec 8000 ha de vignes sur 80 kilomètres de long, elle représente le quart de la production champenoise. Ici, au moment du pressage, les jus ne restent pas en contact avec les peaux des grains de raisins noirs et c’est donc bien un blanc de noirs.

Grâce au climat plus chaud qu’à Epernay, le pinot noir donne ici des vins originaux, mûrs, structurés, minéraux et vineux à la fois, appelant le plus souvent à la gastronomie. Cette maturité et cette richesse ont permis l’émergence de champagnes ‘brut nature’, c’est-à-dire sans ajout de sucre. Chaque producteur en élabore, avec ou sans soufre, blanc ou rosé, les propositions ne manquent pas.

Parmi les bonnes adresses, on retiendra bien sûr Michel Drappier, présent en Belgique depuis longtemps, le domaine Ruppert-­Leroy en biodynamie à deux pas d’Essoyes, village où a vécu Renoir, la coopérative de l’Union auboise qui produit Veuve Devaux, le champagne Rémy-Massin, le champagne Boulachin-Chaput à Arrentières qui est l’un des rares à produire du pinot meunier ou le champagne Albert Beerens créé en 1862, aujourd’hui géré par Anne-Laure Beerens, dont la grand-mère maternelle était Belge. Son pinot meunier se retrouve dans quasiment tous ses vins (10 à 30%).

[ Marc Vanel ]