En ces temps difficiles, plus encore qu’à l’habitude, il est nécessaire de s’informer, de décrypter les tendances qui se développent de par le monde dans notre secteur. 

Tout est mondial dorénavant, la pandémie l’aura encore montré si nécessaire, et ceci est vrai pour les tendances et modes dans le domaine de l’alimentation, même si celles-ci s’installent parfois chez nous avec un certain décalage. 

Chaque crise est un accélérateur de changements et de nombreux comportements apparus avec celle-ci ne disparaîtront pas avec elle. Nul doute que la population restera plus soucieuse de l’hygiène et de la santé en général, prêtera plus d’attention à la qualité et à l‘origine des produits. 

De même chaque épreuve, chaque crise, voit émerger son lot d’inventions techniques ou sociales. Soyons positifs, c’est poussé dans le dos qu’on avance parfois le mieux. 

Avant ce tsunami on pouvait parfaitement exercer son métier sans trop se soucier de l’évolution de la société autour de nous. Dorénavant il sera sans doute plus difficile de ne pas en tenir compte. Certains paramètres du paysage ont radicalement changé et il faudra faire face à de nouveaux comportements, voire à de nouveaux concurrents. 

Le travail à domicile, pour prendre un exemple, a rapidement changé la donne pour les commerces Horeca situés aux alentours des bureaux ou pour les cuisines de collectivité. Nul ne sait avec certitude aujourd’hui comment évoluera ce marché. Au début de la crise, certains prédisaient que dorénavant le home working serait la norme. Quelques mois plus tard on s’aperçoit qu’il ne convient pas à tout le monde ni à toutes les entreprises et surtout qu’une bonne part des employés en a maintenant marre de travailler à la maison. 

Donc tabler sur un modèle unique serait une grosse erreur. Comme toujours il faut laisser aux choses le temps de décanter, aux personnes et au marché celui de s’adapter.

Voici les principales tendances que nous avons identifiées et qui devraient largement influencer le secteur de l’Horeca durant l’année 2021 :

  1. La livraison à domicile 
  2. La vente à emporter
  3. L’évolution des emballages
  4. L’essor des dark kitchens 
  5. Publicité et communication omnicanale
  6. La digitalisation 
  7. Les paiements sans-contact
  8. Une certaine migration de l’Horeca vers le retail 
  9. Sain, local, de saison et flexitarien
  10. La restauration collective se réinvente
  11. Une certaine professionnalisation du secteur 
  12. Le plaisir avant tout 
  13. Le besoin de contacts humains 

1. La livraison à domicile 

La première tendance qui se dégage est évidemment le développement de la livraison à domicile. Certains restaurateurs s’y sont mis avec beaucoup de succès, pour d’autres les tentatives se sont soldées par de relatifs échecs car la carte d’un restaurant ne se prête pas automatiquement à l’emballage et au transport. Les grossistes sont bien conscients de ces difficultés et proposent des conseils, des recettes adaptées (ex. ‘Les 8 pièges possibles de la vente à emporter et les solutions’ par Solucious). 

A part pour les concepts (business model) centrés spécifiquement sur ce mode de fonctionnement, pour la plupart des restaurants, les ventes à emporter ne représentent que quelques % du chiffre d’affaires habituel mais lorsque les restaurants pourront ouvrir à nouveau la plupart conserveront ce chiffre d’affaires additionnel. Il y a tout intérêt donc à se roder et à se professionnaliser dans ce domaine.

Car le développement de ce mode de consommation fait naître d’autres réflexions : livraison ou vente à emporter, en dehors des questions d’emballage ou de maintien de la température des plats, il s’agit aussi d’organiser les flux. Comment gérer la flotte des livreurs ? Où doivent-ils se garer, attendre, passer avec leur gros sac pas toujours très propre sans gêner le fonctionnement du restaurant ? A part les chaînes de fast-food jusqu’à présent seuls maîtres en la matière, la plupart des restaurants ne s’étaient pas organisés en ce sens.

Nous pourrions donc bien voir apparaître prochainement une nouvelle génération de points de vente préalablement pensés pour la double fonction de restauration sur place et de vente à emporter. 

Une autre question qui se pose est celle de la qualité des plats. Attention à ne pas perdre notre savoir- faire culinaire afin de satisfaire à ces nouvelles habitudes car selon les statistiques, les plats les plus fréquemment commandés en livraison à domicile sont invariablement les pizzas, les burgers ou les sushis.

2. La vente à emporter 

De manière générale, la vente à emporter a moins séduit la clientèle que la livraison à domicile. Toutefois la crise a poussé de nombreux restaurants de qualité à se lancer dans ce domaine et vu le succès rencontré, ce mode de distribution devrait s’installer durablement. 

Une des conséquences de ce développement : le restaurant, le chef s’invitent en quelque sorte dans la cuisine des particuliers. Avec le confinement, les clients se sont davantage intéressés à la cuisine, ils sont fans de conseils, de recettes. Certains restaurateurs en ont profité pour augmenter le ticket de caisse en vendant la vinaigrette ou la sauce du chef, un vin maison, un mélange d’épices ou encore un tablier au nom du restaurant.

Quant aux menus et à la carte, on remarque de manière générale qu’ils sont :

  • de plus en plus courts
  • avec une ascension des spécialistes (plus rassurant qu’un généraliste avec une carte longue et dont on doute de la fraîcheur des aliments)
  • de plus en plus en rotation rapide (un changement de plats tous les mois, toutes les semaines voire tous les jours),
  • de plus en plus saisonniers
  • de plus en plus engagés (vegan, local, social, éthique etc.) 

(enquête menée par les bureaux d’étude Kantar, ProtéinesXTC et Gira pour le compte du SIAL) (étude Sial Insight.)

3. L’évolution des emballages

De ces nouvelles habitudes découle inévitablement l’importance de l’emballage. En raison du confinement, tout le monde s’est fait livrer de tout à domicile, pas seulement la nourriture, et malgré les dérives et le gaspillage qu’elle entraîne, cette habitude n’est pas prête à disparaître. L’amoncellement des emballages a toutefois fait prendre conscience de leur importance. 

L’explosion du service à emporter s’est d’abord inévitablement traduite par un amoncellement de déchets plastiques. 

Heureusement, les matériaux de remplacement sont de plus en plus nombreux. Les contenants se doivent dorénavant de plus en plus d’être biodégradables et innovants. Les clients y sont attentifs mais attention, ce n’est toutefois pas leur priorité. Rapidité, facilité et plaisir passent encore avant tout ! 

Notons que certains restaurateurs ont tourné cela à leur avantage : puisque les emballages sont omniprésents, pourquoi ne pas les utiliser pour communiquer ? Un mot de réconfort, une blague, le cocktail du mois : même de manière artisanale, tout ce qui permet de communiquer crée du lien et fidélise les clients.

4. L’essor des dark kitchens 

Ces cuisines ‘fantômes’ dédiées uniquement à la livraison, sans espace pour accueillir les clients, existaient déjà auparavant. Elles avaient commencé à éclore bien avant la crise mais elles ont pris d’autant plus d’essor avec la fermeture des restaurants, le développement des livraisons à domicile et la digitalisation des commandes. 

Ce concept va évidemment essaimer car il permet de rationaliser les coûts tout en desservant un nombre plus important de points de vente … De l’efficace en somme.

Sont-elles pour autant un dangereux concurrent pour les restaurants traditionnels ? A priori non car elles remplissent un autre rôle, répondent à une autre attente. Comme nous venons de le voir les commandes à distance concernent surtout des plats très simples et les métiers de l’Horeca consistent à apporter une palette de services bien plus large que simplement nourriture et boissons. 

Si l’on compare avec les pays voisins comme l’Angleterre ou l’Espagne, la nourriture out of home doit encore énormément se développer en Belgique. Il y aurait donc largement de la place pour les deux concepts.

5. Publicité et communication multicanale

Découlant logiquement des deux premiers points, la communication sous toutes ses formes est devenue capitale. Difficile pour un établissement de passer à côté de la digitalisation. Chacun y va de son site web, compte Facebook ou Instagram. 

Dorénavant une grande partie des clients consulte le menu, l’ambiance du bar ou la décoration du restaurant avant de réserver. Les clients surfant sur différents supports comme le poste fixe, la tablette ou très souvent le smartphone, il devient indispensable d’avoir un site lisible sur tous ces supports ainsi que d’être présent de manière récurrente sur tous les réseaux sociaux. 

Certains distributeurs en ont bien compris l’importance et proposent comme Metro d’assister gratuitement ses clients à la création d’un site internet, de même que les plateformes de livraison vous envoient un photographe pour mieux mettre en avant vos plats.

6. La digitalisation

Pour lire le menu ou pour identifier les clients dans le cadre des mesures anti Covid : le QR code, application rarement maniée par les restaurants avant la crise, est maintenant fréquemment utilisé. 

Les QR codes n’ont d’ailleurs pas encore montré leurs limites. Nous ne serions pas étonnés sous peu de les voir servir à permettre aux clients, pendant qu’ils attendent leur plat, d’accéder à une série d’informations comme la provenance des produits, vérifier la traçabilité d’une viande ou d‘un produit de la ferme ou encore visionner une courte interview du chef …

Les applications digitales se sont largement développées partout dans le domaine de la restauration autant du côté des clients (pour consulter, choisir, réserver, noter) que pour les professionnels (pour commander les produits, gérer les stocks, les livraisons, et même gérer les déchets comme via l’application TooGoodToGo). 

Quant à la robotique, si elle a largement envahi la technique au sein des appareillages, elle n’a pas encore trouvé sa place dans les restaurants où les tentatives de restaurants entièrement robotisés (Japon, Etats-Unis) n’ont pas rencontré le succès escompté. 

7. Les paiements sans contact

Crise sanitaire oblige, les paiements bancaires sans contact se sont largement répandus. Cette technique développée avant la pandémie grâce au développement de la technologie NFC (Near Field Communication ou Technologie de Communication de Proximité -quelques centimètres) a dû rapidement s’adapter : le plafond pour les paiements par carte sans contact a été porté de 25 à 50 € par opération en 2020. 

Selon une enquête de l’application Payconiq de Bancontact, 72% des Belges ont payé sans contact au moins une fois depuis la crise, soit une hausse de 123 % par rapport à l’année précédente.

8. Une certaine migration de l’HoReCa vers le retail 

Puisque les magasins de première nécessité pouvaient ouvrir tandis que l’Horeca restait désespérément fermé, certains ont très logiquement eu la bonne idée de transformer leur espace restauration en espace hybride (comme Fabrizzio Chirico et son Comptoir de la Table). Bien sûr, ce genre de business model existait déjà mais ils ont pris un nouvel essor avec la crise, de même que les concepts hybrides créatifs comme les WASBAR (laundry et restauration). 

Dans les mois qui viennent, nul doute que nous allons voir apparaître une série de points de vente amusants et innovants situés entre le bar, le restaurant, le magasin et bien d’autres concepts créatifs. 

9. Sain, local, de saison et flexitarien

Des menus santé, des offres végétariennes, des substituts de viande, des insectes, des légumes oubliés, des algues… ces nouvelles tendances s’étendront à l’Horeca. 

Avec la consommation occasionnelle de viande et de poisson, le régime flexitarien fait de plus en plus d’adeptes. Tant qu’à manger moins de viande, les adeptes cherchent à consommer des produits de meilleure qualité, ils s’intéressent donc à l’origine et aux modes de conservation et de cuisson.

La pandémie a montré les dangers de la mondialisation tandis que les études ne cessent de montrer les dérives d’une alimentation trop riche et transformée. Dans le privé, les consommateurs s’intéressent au local, plus rassurant, aux légumes de saison et aux aliments moins transformés. Cette tendance s’étendra également à l’Horeca. 

Selon l’enquête Sial Insight, 73% des consommateurs ont changé leur comportement alimentaire au cours des 2 dernières années, en grande majorité pour opter pour une alimentation plus saine (70%), mais aussi pour privilégier du local et de saison (53%), des ingrédients plus sûrs ou plus sains (44%), et enfin pour l’environnement (37%). Bref : on veut du mieux, du mieux produit, du mieux pour ‘moi’. 

Le bio quant à lui ne fait pas tellement recette dans l’Horeca car pour les puristes, l’origine véritablement bio est difficile à vérifier.

10. La restauration collective se réinvente

Obligées de se réinventer à cause du confinement et anticipant une généralisation du home working, les cuisines de collectivité cherchent de nouvelles sources de profit. 

Moins de monde en présentiel au bureau et donc, comment augmenter la consommation des plus rares personnes présentes ? Offrir de substantiels breakfast, des snacks sains et énergétiques, des paniers repas à emporter pour le soir ? Afin d’inciter à consommer plus et à d’autres moments de la journée, les frigos connectés font leur apparition.

11. Une certaine professionnalisation du secteur 

Comme ce fut le cas dans d’autres domaines, il est inévitable que certains points de vente se fassent racheter par de plus grosses structures. L’avenir nous en donnera des détails.

12. Le plaisir avant tout 

Désireux de se rattraper, plus encore qu’avant la crise, les clients chercheront à vivre une expérience, quelque chose de différent, de spectaculaire, d’instagrammable si possible, et ils seront prêts à en payer le prix.

Une contradiction apparente mais une tendance concomitante à l’engouement pour les plats bon marché en raison du développement du fast food et du take away (le ticket moyen d’une commande à domicile s’est élevé l’année dernière entre 6 et 10 €) ainsi que de la crise financière qui s’annonce. 

Le plaisir c’est aussi le goût. Si les consommateurs recherchent de plus en plus une alimentation saine ou rapide, elle ne doit pas en être moins goûtue. Le plaisir passe par le goût et le plaisir immédiat avant tout.

Et nul doute que le ‘revenge spending’, cette envie irrépressible de dépenser pour se venger des frustrations de cette année pourrie, fera de nombreux adeptes !

13. Le besoin de contacts humains 

L’isolement a mis en avant l’importance des contacts sociaux.

Personne ne doute que l’Horeca répond parfaitement à ce besoin vital et que dès la réouverture, nombreux sont ceux qui se précipiteront dans les établissements. Au début de la crise, certains oiseaux de mauvais augure craignaient que les clients perdent l’habitude de sortir mais heureusement les enquêtes montrent l’inverse ! 

De la diversification, de la digitalisation, une certaine professionnalisation, mais aussi de l‘engouement, de la créativité … une clientèle prête à revenir vite et même à payer plus pour un service de qualité, que demander de plus ? Un véritable message d’espoir pour le secteur, à condition qu’il puisse ouvrir le plus vite possible bien entendu !

Texte : PVW