Après avoir débuté comme étudiant à l’hôtel Excelsior à Middelkerke, Xavier Vercaemst est aujourd’hui propriétaire du Flow Hospitality Group, qui exploite, sous les marques C-Hotels, Upstairs, Rosa et Westbay, 10 hôtels côtiers et quelque 650 chambres d’hôtel, devenant ainsi l’un des hôteliers ‘leaders’ de la côte belge. Un portrait.

La question évidente est la suivante : qu’est-ce qui fait un bon hôtelier ?

« En tant qu’hôtelier, vous devez être bien conscient que vous travaillez dans le secteur des services, explique Xavier Vercaemst. En effet : It’s all about hospitality… En réalité, nous ne vendons pas un produit, nous vendons une expérience, du check-in au paiement de la note, en passant par le check-out. Notre hôte en a-t-il eu pour son argent ? Vous devez constamment vous poser cette question.

Autrefois, l’hôtellerie (côtière) avait essentiellement une valeur fonctionnelle (élevée) : manger, boire et dormir, et cela s’arrêtait souvent là. En 2024, le client a cependant des attentes totalement différentes et il vient à la côte pour vivre une expérience. Nous nous distinguons sur le marché en misant sur des hôtels concept. Nous ne fonctionnons pas sur la base de scénarios élaborés dans lesquels la standardisation est la norme, mais nous nous appuyons sur le ressenti (hôtelier) que nous voulons donner à nos clients. C’est ainsi qu’est né notre dernier projet, le destination hotel SILT sur la plage de Middelkerke. J’ose dire que le SILT, où chaque chambre dispose d’un balcon, possède la situation la plus unique de Belgique. Vous êtes littéralement les pieds dans l’eau et la vue vous procure un sentiment de ‘Dubai light’.

Aviez-vous l’ambition à l’époque de vous lancer dans l’hôtellerie ?

« En réalité, non, parce qu’après mes études secondaires à Melle, je me suis inscrit à la Hogeschool de Leuven, en gestion d’entreprise, avec option marketing. L’hôtel Burlington à Ostende était notre maison de famille et, lorsque l’un des membres du personnel est tombé malade et a dû être remplacé, j’ai rejoint l’aventure à la demande de ma mère. Au début, je ne voulais pas travailler dans l’Horeca parce qu’on n’a pas beaucoup de temps libre et qu’il faut aussi travailler le week-end, mais j’ai vite compris que cela ne posait pas de problème si l’on s’entoure des bonnes personnes. Et si, comme j’ai pu en faire l’expérience par la suite en tant qu’exploitant, vous faites en sorte que votre hôtel offre un bon rapport qualité-prix, les clients répondront présents de toute façon. Aujourd’hui, je considère l’hôtellerie comme un secteur très plaisant. »

Que pensez-vous des problèmes actuels de personnel ?

« Dans l’ensemble, cela ne va pas si mal, probablement parce que nous avons toujours opté pour une approche familiale que les travailleurs apprécient. En raison de la forte croissance, de 50 % les deux dernières années, nous avons dû étendre plusieurs départements, notamment les départements HR, sales & marketing, etc., si bien que nous employons actuellement quelque 130 personnes. En tant qu’employeur, vous pouvez également miser sur des formes d’emploi plus flexibles, et la région compte aussi plusieurs bonnes écoles hôtelières (Spermalie à Bruges, Coxyde) avec lesquelles nous collaborons pour recruter des stagiaires, surtout pour l’hôtel Andromeda, le restaurant HAUT et la brasserie de l’hôtel Burlington à Ostende.

En fait, vous devez proposer un travail adapté au travailleur et comprendre qu’en dehors du travail, ce dernier a aussi une vie sociale. Si vous pouvez créer ces conditions en tant qu’employeur, votre personnel sera satisfait. Nous ne sommes donc pas l’une des ces légendaires ‘boîtes antisociales’. Nous voulons éviter à tout prix que nos travailleurs aient l’impression de n’être rien de plus qu’un numéro. »

Quels sont les défis auxquels l’hôtellerie côtière peut s’attendre ?

« Nous avons la chance d’avoir trouvé les bons investisseurs assez rapidement, il y a maintenant une vingtaine d’années. De ce fait, nous avons connu une croissance rapide et nous continuons à travailler avec les mêmes personnes. L’art consiste également à développer une vision à très long terme (sur au moins 15 ans) et à se rendre compte que l’on ne peut pas ‘faire fortune rapidement’ dans l’hôtellerie ; du reste, l’hôtellerie, en elle-même, occupe relativement peu de personnes. Nous nous focaliserons quoi qu’il en soit toujours sur ce secteur, même si nous avons quelques ‘distractions’ comme notre magasin de truffes Signorini Tartufi à côté de l’hôtel Andromeda ».

La concurrence déloyale ne constitue-t-elle pas le plus grand problème en 2024 ?

« C’est le moins que l’on puisse dire… Alors qu’autrefois les agences immobilières traditionnelles régnaient en maître avec des locations à la semaine ou au mois, le marché est aujourd’hui inondé de diverses plateformes de location qui copient le service hôtelier, notamment en proposant des suppléments tels que des box petit-déjeuner, des massages, etc. mais n’assument guère de responsabilité sur le plan des permis, des normes de sécurité ou des impôts.

Les investisseurs achètent parfois des blocs d’appartements complets et se lancent ensuite sur le marché de la location. En fait, ils obtiennent directement leurs permis et, par l’abondance des demandes, ils ne sont que peu ou pas contrôlés. Conséquence : les prix de l’immobilier augmentent, les habitants ne trouvent plus de logements (abordables) et le tissu social disparaît à vue d’œil. Des plateformes telles que booking.com encouragent cette évolution. Il suffit de regarder ce qui se passe dans des destinations telles que Majorque, Venise et, plus près de chez nous, Amsterdam. »

Quelle est la situation à Ostende ?

« À Ostende, où l’offre hôtelière est actuellement de 2.000 chambres, non moins de 2.000 unités airb&b sont venues s’y ajouter en cinq ans. Tous les hôteliers classiques commencent à s’insurger contre cette concurrence déloyale, et c’est bien normal. Personnellement, je ne vais pas monter aux barricades, car je suis conscient que les airb&b attirent des clients supplémentaires vers une destination, et qu’ils consomment également dans les établissements Horeca locaux, mais une réglementation équilibrée est le moins que l’on puisse attendre des pouvoirs publics, afin que tout le monde puisse travailler à armes égales. »

N’y a-t-il rien à faire ?

« Imposer des conditions de domiciliation et introduire des restrictions sur le nombre d’unités proposées à la location est plus que nécessaire. À Bruges, on a déjà mis fin à ces pratiques en instaurant une domiciliation obligatoire, tandis qu’à Ostende, en revanche, on laisse faire. Dommage ».

Quels sont les projets en cours dans un avenir proche ?

« L’hôtel de 113 chambres faisant partie du SKY project (2 tours) à proximité directe de la gare d’Ostende sera inauguré à Pâques, en 2025. Le nom du nouvel hôtel sera annoncé en septembre. Je peux déjà dire qu’il s’agira d’un concept fantastique, mais différent du SILT ».

Vous restez focalisé sur la côte belge ou vous envisagez de vous étendre à l’étranger ?

« Le marché de la côte belge est celui que nous connaissons le mieux et nous allons continuer à nous concentrer sur celui-ci dans un premier temps. Ostende est également devenue une destination de city trip – ‘12 mois sur 12’, une ville qui mise aussi de plus en plus sur les événements et l’expérience sous tous ses aspects (shopping, Horeca, etc.), ce qui génère des visiteurs supplémentaires. Cela se reflète également dans le taux d’occupation moyen de nos hôtels. Dans les communes périphériques, en revanche, vous voyez le taux d’occupation des hôtels diminuer pendant la saison hivernale.

Nous avons également connu une croissance très rapide ces dernières années, avec l’ouverture des hôtels ROSA et SILT, la rénovation de l’Hôtel Burlington et le doublement de la capacité de l’Hôtel ­Continental à La Panne. L’année prochaine, l’accent sera mis sur la conception et l’inauguration de l’hôtel dans le SkyDistrict et sur l’optimisation des hôtels lancés.

[ Danny Verheyden    photo’s : Studio Flits & Flash ]