Métier essentiel au secteur, Damien Huylebroeck pratique, avec bonheur, celui de professeur de cuisine. Une vocation dont il semble avoir été doté dès son entrée dans le métier de cuisinier. En témoigne son parcours riche en rencontres et découvertes comme ses propos éclairés et ses valeurs engagées.

Rencontre et interview avec cet administrateur d’Euro-­Toques qui est aussi, au sein de l’IPES (Institut provincial d’Enseignement secondaire) l’organisateur du concours éponyme, le ­Trophée Baron Romeyer.

Chef de cuisine de formation, comment avez-vous eu l’idée de pratiquer ce métier d’enseignant ?

J’ai suivi une formation qualifiante et professionnelle en restauration. Mes amis ont fait l’université et beaucoup partaient en Erasmus. A 25 ans, j’ai, moi aussi, décidé de tout plaquer et de partir à l’étranger. Je suis parti au Québec. Là, j’ai rejoint l’asbl ‘La Tablée des Chefs’ où j’ai donné des cours de cuisine à des jeunes qui avaient été placés en institution par le juge. Ces jeunes étaient là pour l’été et avaient la possibilité de pratiquer différents sports ou encore de participer à mes cours de cuisine. Jusqu’alors, ils ne connaissaient que les cantines et ne savaient pas ce qu’était un repas familial, une cuisine traditionnelle de mère ou de grand-mère. A 18 ans, à leur sortie de l’institut où ils étaient placés, ils devaient subvenir à leurs besoins. Par facilité et ne connaissant rien d’autre, ils allaient aux fastfoods. Le fait de leur faire connaître autre chose et de leur apprendre une autre cuisine, a été marquant pour moi et pour la suite de ma vie professionnelle. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de suivre une agrégation et de me lancer dans l’enseignement. Au Québec, j’ai vécu cette expérience à fond durant toute une saison. Ce travail de professeur ajouté à mon expérience d’animateur-organisateur pour les scouts en Belgique m’a fait prendre goût au métier d’enseignant. Je suis alors revenu en Belgique pour pratiquer ce métier et pour y créer ma famille. Quand on a des racines quelque part, on a forcément envie d’y revenir.

Quels sont les aspects les plus forts de votre métier ?

D’abord voir les jeunes grandir et évoluer dans ce métier. Cela donne du sens à mon quotidien. Surtout quand ils reviennent et me remercient pour la formation que je leur ai donnée. Parmi eux, certains entrent dans les plus grandes maisons. Et les chefs de ces maisons nous disent souvent que nos jeunes sont supers ! Je tiens à préciser que je ne suis pas seul, à l’IPES, à travailler en ce sens et à recevoir des éloges. Nous sommes une solide équipe et nous ne recevons que des compliments quant à la formation que l’on donne aux élèves. C’est toute l’école hôtelière de Wavre qui est ainsi valorisée.

Mon collègue, Curtis Mulpas, par exemple, en parvenant en finale belge du Bocuse d’Or où il a terminé 2ᵉ, m’a apporté, à sa façon, un souvenir mémorable. Je n’ai fait que l’accompagner mais voir cette fierté sur son visage m’a fait le plus grand plaisir. Aussi, je suis heureux d’être entouré d’une très bonne équipe et je suis aussi fier de travailler à l’IPES de Wavre, de mes collègues, des étudiants.

Aujourd’hui, malgré les difficultés du secteur, comment voyez-vous le métier d’enseignant ?

Grâce à mon parcours dans le scoutisme, j’ai le sens du devoir de transmission. Je veux aller à l’encontre des clichés habituels qui veulent que l’on considère le travail dans l’Horeca comme un métier difficile, dévalorisant. J’ai envie de montrer que ce métier n’a pas que des côtés négatifs. Pour moi, il n’y a rien de mieux que de rendre les gens heureux par les plaisirs du palais. Mais il est tout aussi important, à mon sens, de susciter des vocations.

Outre la technicité, quelles sont les valeurs humaines que vous voulez transmettre ?

Les valeurs humaines sont différentes du gain d’argent. Il y a longtemps que j’ai fait mon propre choix. Plutôt que de gagner de l’argent en travaillant pour un patron ou en ouvrant mon propre restaurant, en supposant qu’il marche bien, j’ai renoncé au profit pécunier pour davantage m’axer sur les valeurs humaines.

Je pars du principe que l’on doit ‘être’, que l’on doit représenter un ‘savoir-être’ plutôt qu’un savoir-faire. Nos étudiants, en sortant de l’école doivent avoir ces valeurs de ‘savoir-être’. Ils doivent avoir des comportements et attitudes empathiques, être polis et serviables envers les autres. Les patrons préfèrent avoir un élément avenant, poli, gentil, ponctuel, plutôt que du personnel performant côté technicité. Cela peut et doit s’apprendre à l’école. On transmet les bases, bien entendu, mais le reste de la formation c’est l’expérience, le bon sens, l’amabilité. Notre travail au quotidien, ce sont les techniques du métier puis, ensuite, le fait de travailler le ‘savoir-être’. On oublie trop souvent que dans l’Horeca, on est dans un métier de services.

Comment susciter l’attrait des jeunes pour des études en école hôtelière ?

Il faut être un bon leader, un mentor qui donne envie de se dépasser. On a tous un mentor dans nos carrières. Quelqu’un qui nous a suscité la flamme ; que ce soit un membre de la famille, quelqu’un du métier. Il faut pouvoir accompagner les jeunes, les écouter, ne pas les stigmatiser. Être avec eux et non contre eux, c’est primordial. Leur faire comprendre que pour réussir dans ce métier, il y a des choses intransigeantes. Et ne pas oublier que le respect est essentiel et qu’il va dans les deux sens.

Je pense être un bon leader car lorsque je fais appel aux étudiants pour travailler en extra durant leurs jours de congés, ils me suivent immanquablement avec grand plaisir. Récemment, cela a été le cas pour la fête des 20 ans d’Horeca Formation Wallonie.

Et puis l’essentiel pour nous – enseignants ou professionnels sur le terrain – comme pour eux, est d’établir des liens, de créer des ponts entre les études et le monde professionnel de l’Horeca. Ils doivent savoir qu’en suivant ce type d’études, ils auront une formation de qualité qui pourra leur permettre d’aborder au mieux leur future profession. Et enfin, pour ma part, je n’hésite jamais à leur faire profiter de mon réseau professionnel, de mes contacts auprès de chefs connus ou de grandes personnalités du secteur. Ils m’en sont toujours reconnaissants. Il me semble tout aussi important de réintégrer les professionnels du secteur aux formations scolaires.

Un enseignant doit-il garder le contact avec le monde professionnel ?

Bien sûr, je pense que c’est impératif de rester connecté aux réalités, aux nouvelles techniques, aux tendances, aux évolutions du secteur. C’est pourquoi je garde le contact avec le secteur à chaque occasion. Soit via les asbl desquelles je suis membre, à travers l’organisation du Trophée Pierre Romeyer ou encore avec Euro-Toques et l’organisation des Euro-Toques Days. Cela permet aussi d’anticiper les attentes du secteur, voire de nous remettre en question, d’adapter les formations. C’est tout aussi essentiel dans le métier d’enseignant, tant pour nous que pour nos futurs professionnels.

IPES Wavre
Quai aux Huîtres 31 – Avenue Benoît Bohy 51 – 1300 Wavre – www.ipesw-it.be

[ Joëlle Rochette ]