Mr Vincente Giuseppe Nacci, vous êtes Président de l’Association des Chefs Italiens en Belgique. Quel est le rôle de cette Association ? L’Association des Cuisiniers Italiens en Belgique (ACIB) est le seul organisme qui offre sur le territoire belge un réseau associatif aussi représentatif et étendu. L’Association compte aujourd’hui plus de 350 membres (chefs, restaurateurs, jeunes élèves et quelques partisans). 

Le but de l’association est de créer des synergies entre le monde du travail et celui de l’école, en partant du rapport avec les écoles hôtelières de Belgique et d’Italie et de la collaboration étroite avec les administrations, les instituts hôteliers, les organismes et les confédérations du secteur. 

L’un des points forts de la cuisine italienne est sa simplicité, qui permet d’exalter la saveur des ingrédients individuels. Malheureusement, le problème de la contrefaçon des produits alimentaires Made in Italy est un problème, que l’on ne peut vaincre uniquement par la répression et les sanctions légales. Ce qu’il faut pour combattre ce phénomène à la racine, c’est une action culturelle. C’est pourquoi nos chefs professionnels, membres de l’Association sont aussi des ambassadeurs de l’italianité. Nous, les cuisiniers à l’étranger, avons la grande responsabilité de représenter notre Bel Paese et son extraordinaire patrimoine agroalimentaire.

On dit parfois qu’il n’existe pas une mais des cuisines italiennes L’Italie est riche d’une tradition culinaire unique au monde : chacune des vingt régions du pays propose une grande variété de recettes, de vins, d’ingrédients et de produits typiques. Cette variété est née du fait que notre pays est constitué de nombreuses réalités locales indépendantes et a développé une myriade de cultures et de cuisines différentes. En Italie, il suffit de parcourir 100 km pour voir le panorama gastronomique varier considérablement. 

Chaque région est la gardienne de traditions œnogastronomiques uniques et irremplaçables, fruit de la combinaison des caractéristiques du territoire d’origine et du savoir transmis de génération en génération. 

La cuisine régionale est-elle une question de climat, de produits du terroir ou plus généralement une question de culture ? Les trois points sont importants et fondamentaux. La force de la cuisine régionale italienne est certainement l’énorme variété de plats, chacun fortement lié au lieu d’origine, chaque plat est ensuite lié à une histoire et est transmis de génération en génération. 

La cuisine régionale italienne est un extraordinaire laboratoire de biodiversité culturelle, les goûts varient d’une ville à l’autre, chaque territoire régional a ses produits et sa tradition.

L’évolution de la cuisine italienne dans le monde ne serait-elle pas une sorte de cuisine fusion entre les traditions d’Italie et celles du pays d’accueil ? Nous, Italiens, sommes très attachés à nos traditions, mais cela n’empêche pas que nous aimons expérimenter de nouveaux goûts. Aujourd’hui, on voyage beaucoup et il nous arrive de plus en plus souvent d’essayer la cuisine d’autres pays et de trouver des plats qui nous plaisent. 

Nous pensons que c’est une tendance moderne, pourtant si l’on y réfléchit bien cela a toujours existé. Pensons aux tomates, à la pomme de terre, au maïs qui sont aujourd’hui sur nos tables, mais qui ont été importés d’autres continents. Aujourd’hui, trouver des ingrédients spéciaux n’est plus une opération difficile, car les magasins sont de plus en plus approvisionnés en aliments provenant d’autres pays. 

Certes, au cours des vingt dernières années, des pas de géant ont été accomplis. Les amidons pour les sauces ont été remplacés par des gels, les cuissons sont allégées, nous avons compris que la cuisson à basse température apporte des avantages, nous sommes beaucoup plus attentifs à ce que nous mangeons et à ce que nous buvons, mais à la fin, pour préparer une bonne amatriciana, il faut un bon guanciale (et non du speck), de la tomate pelée, un pecorino de qualité et rien de plus !

Du restaurant étoilé à la trattoria, il faut conserver nos particularités gastronomiques même à travers les évolutions, en racontant dans les plats des histoires anciennes, mais agréablement interprétées de manière moderne sans trop de fioritures créatives.

La cuisine traditionnelle régionale est-elle adaptée à notre mode de vie actuel ? La cuisine régionale traditionnelle s’adapte parfaitement à notre mode de vie actuel et répond aux besoins des personnes pressées, notamment parce que dans la cuisine régionale italienne, beaucoup de plats peuvent être préparés la veille au soir pour le lendemain: timballi, lasagne, cannelloni, parmesan de différents types, etc.

Pour les livraisons à domicile au début il y avait la pizza, alternative facile et rapide pour le dîner classique en famille ou avec des amis sans trop de prétention… Puis la mode des plats à emporter s’est répandue avec la livraison à domicile de plats traditionnels. 

Existe-t-il encore pensez-vous des produits ou des recettes régionales méconnues en Belgique et qui mériteraient d’être découverts ? L’Italie exporte vers le monde entier parce que nos produits ont toujours été un symbole de qualité, mais malgré cela de nombreux produits et recettes régionaux ne sont pas encore très connus en Belgique. Il suffit de considérer qu’une seule région italienne offre plusieurs variantes d’une même recette. En Belgique vous entendez seulement parler de sauce bolognaise, quand en Italie il y a une infinité de ‘ragu’ régionaux. Divers produits régionaux sont de niche, si anciens et protégés, utilisés dans des recettes traditionnelles, qu’ils sont peu connus même par les Italiens d’une autre région. Sans parler des vins et des huiles territoriales et régionales, un thème très vaste sur tout le territoire italien. 

Longue vie, alors, à la gastronomie italienne traditionnelle !

PVW