Avec son restaurant doublement étoilé, Pascal Devalkeneer est l’un des piliers de la gastronomie belge. Travailleur, talentueux et discret, il a su tisser au fil des années un lien fort avec sa clientèle, admirative de sa cuisine raffinée, indémodable et intemporelle.

Vous ouvrez votre premier restaurant en 1992, ‘Le ­Bistrot du Mail’. Vous étiez l’un des premiers en Belgique à proposer ce qu’on appelle aujourd’hui une cuisine bistronomique. Certains clients vous en parlent encore ?

Oui, toutes les semaines ! Il y a des habitués qui suivent mon parcours depuis le début et qui me parlent encore de plats que je proposais à l’époque. C’est vrai qu’on ne parlait pas encore de bistronomie mais sans le savoir, j’en appliquais déjà les codes. Le ris de veau, par exemple, avait un succès fou. Je me souviens aussi d’une salade de solette grillée aux tomates et basilic… Et quand je faisais du pain de veau, les gens réservaient des jours à l’avance ! Je travaillais déjà le bar, je faisais venir des calamars de Saint-Jean-de-Luz, les plus beaux foies gras du Périgord… Le produit, c’était déjà le cœur de ma cuisine.

En 1999, vous ouvrez ‘Le Chalet de la Forêt**’. Quelle était votre ambition de départ ?

Quand j’ai découvert ce lieu, j’ai tout de suite senti que j’avais le potentiel pour m’exprimer davantage et monter en gamme. Mon idée, c’était de recréer une belle maison, comme celles des palaces d’antan, où tout part du produit gastronomique travaillé avec des recettes authentiques.

Vous décrochez une première étoile après huit ans, puis une seconde quatre ans plus tard. Qu’est-ce qui, selon vous, a permis à votre cuisine de franchir un nouveau cap après la première étoile ?

Je n’ai jamais connu une ascension fulgurante, c’est un travail de fond. Une évolution constante qui a permis de solidifier les bases. J’ai eu la chance de m’entourer de collaborateurs très talentueux. Ce sont les équipes qui ont fait grandir Le Chalet avec moi. Je n’étais pas seul. Ce sont les détails qui font la différence : les sauces, les cuissons… C’est ça qui nous distingue souvent en gastronomie. On a les équipes, le temps, les moyens pour aller jusqu’au bout des choses.

Quel regard portez-vous sur la médiatisation croissante des chefs depuis une quinzaine d’années ?

Ça a eu du bon. Ça a permis de sortir le métier de l’ombre et de montrer au grand public ce qu’on fait en cuisine. Quand les émissions comme Top Chef sont arrivées, j’ai cru que ça allait susciter plus de vocations. Mais au final, il n’y a pas plus de jeunes qui veulent vraiment apprendre le métier aujourd’hui. Certains veulent surtout passer à la télé, s’exprimer sans forcément acquérir les bases, la culture du métier, l’apprentissage. La cuisine reste un métier exigeant, dur, qui demande de l’engagement.

Il y a neuf ans, vous ouvrez un second restaurant, ‘Amen’. Comment est née cette aventure ?

Quand l’opportunité s’est présentée, j’ai eu comme un petit pincement de nostalgie pour l’esprit du Bistrot du Mail. L’idée d’un restaurant de quartier, plus petit, plus intime. J’ai développé Amen avec mon épouse, Pili Colado, qui est architecte. Elle a fait un travail incroyable. Son empreinte est partout : dans les matières, les objets, les finitions. Tout a été pensé sur mesure : les couteaux, les tables, les chaises, les luminaires… C’est un vrai luxe. On a fait de ce lieu un petit bijou.

En 30 ans, la gastronomie a beaucoup évolué. Aujourd’hui, où trouvez-vous votre inspiration ?

Je me rends compte que je reviens toujours aux bases. On ne peut pas réinventer la roue. Par moments, j’ai eu envie d’explorer d’autres choses, mais au final, je reviens à ce que j’aime manger moi. C’est ça, la personnalité d’un chef : cuisiner ce qui nous ressemble, ce qui nous fait du bien. Et nos clients s’y retrouvent. Certains reviennent chaque année pour des plats très classiques de la carte. Et s’ils ne les trouvent pas, ils sont déçus. Parce que ce sont devenus des signatures.

Pascal Devalkeneer gerechten

Le Chalet de la Forêt**

Drève de Lorraine 43,
1180 Uccle
www.lechaletdelaforet.be

AMEN

Rue Franz Merjay 165,
1050 Brussel
amen.restaurant

[ Ann Vandenplas – photos : © Jan Bellen ]