Boisson millénaire à travers temps et continents, bienfaitrice pour notre corps grâce à ses vertus médicinales comme pour notre esprit, le thé est sans doute la boisson qui aura fait couler le plus … d’encre. Et ce quasiment depuis la nuit des temps !

De cette encre dont on fait les ouvrages scientifiques et les romans, les contes et les légendes. La littérature est donc, à son sujet, particulièrement inépuisable. Riche de corps et d’esprit sera ainsi celui qui s’adonne à la passion du thé, à sa consommation éclairée mais aussi à son association avec l’alimentation. Axe que nous privilégions ici tant le monde du thé est vaste et impossible à aborder dans sa totalité à travers ces quelques pages lui étant consacrées. 

De ses origines à nos jours, le thé a toujours été bon à … manger

Si l’on boit le thé aujourd’hui partout dans le monde, il est intéressant de savoir qu’on l’utilise aussi depuis ses origines, remontant à près de 3000 ans, comme ingrédient à la cuisine. En Chine, au VIIIe siècle avant JC, le ‘Shijing’ (‘Livre des chants’) évoquait déjà la consommation de feuilles de thé, en tant qu’herbe aromatique (amère), dans l’alimentation. Ajouté à des oignons, épices, fleurs, écorces de fruit, sel et eau bouillante, le thé sous forme de briques compressées puis rôties et émiettées entrait lui aussi dans la composition de cette soupe ancestrale. Certaines régions du Tibet le consomment encore de la sorte aujourd’hui. Vers l’An 1000, sous la dynastie chinoise Song, le thé s’est raffiné pour devenir une élégante boisson chaude réalisée à partir de feuilles de thé pulvérisées en une très fine poudre à laquelle on ajoutait de l’eau frémissante. Enfin, ce n’est que depuis 500 à 600 ans, sous la dynastie chinoise des Ming que le thé devient plus hédoniste, plus raffiné et élégant. Les feuilles de thé sont plongées dans l’eau chaude pour en faire, aujourd’hui, la boisson la plus consommée au monde après l’eau. 

En Chine comme au Japon, en tant que boisson, le thé est l’accompagnant de chaque repas. Toutes ses vertus sont mises à l’honneur : hydratation, dissolution des graisses, mets plus digestes, pouvoir réconfortant et réchauffant. Il est aussi peu calorique que largement aromatique.

Et ainsi, au vu de ses si nombreuses vertus, il n’est pas étonnant que le thé soit aujourd’hui de l’Orient à l’Occident, de plus en plus prisé comme véritable alternative à l’alcool.

La cuisine du thé en quelques conseils

Remplacer l’eau par le thé
Un thé aux épices sera un parfait allié pour cuire légumes ou riz à la place d’une eau sans saveur. Et même à chaque fois que l’on cuit un mets à l’eau, pensez que le thé pourra être une subtile alternative parfumée. Par exemple, n’hésitez pas à déglacer un filet mignon avec un Oolong de Taïwan, à arroser une volaille à mi-cuisson avec un Grand Yunnan Impérial.

Infuser le thé dans du lait ou de la crème liquide
Le lait et la crème liquide sont, comme le thé, de formidables capteurs de saveurs. Selon son infusion, à chaud ou à froid, il suffit d’adapter la dose de thé et le temps d’infusion. Testez et redosez si besoin. Subtilité de saveurs assurée !

Garder le fond de théière pour d’autres utilisations
Si une théière n’est pas vidée, plutôt que de jeter le fond, l’ajouter à un plat en cours de cuisson ou à un assaisonnement. Personnellement, j’arrose mes plantes vertes avec mes fonds de théière et aucune ne s’en plaint jamais ! Quant aux feuilles de thé utilisées une première fois, elles peuvent aussi être réutilisées une seconde fois en tant que boisson ou, mieux encore, elles peuvent servir de lit à un produit cuit (ou seules) en préparation japonaise (feuilles de thé, riz, sésame grillé, sauce soja) comme nous le conseille la Tea Sommelière, Colleen Gkandordy du Palais des Thés.

En manque d’idées pour cuisiner le thé ? C’est par ici !

Véritable ‘bible’ que l’on devrait tous avoir dans notre bibliothèque, l’ouvrage ‘Tea Sommelier – le thé en 160 leçons illustrées’ (Hachette Livre) regorge d’infos en tous genres pour mieux connaître et, bien sûr, pour bien cuisiner le thé. Un ouvrage qui, par ailleurs, dévoile ce nouveau métier de ‘Tea Sommelier’ dont on vous reparle très bientôt dans notre rubrique ‘Métier’ avec l’interview de l’un d’eux.

Ainsi, on apprend comment s’y prendre pour cuisiner le thé mais aussi les effets gustatifs qu’il produit une fois cuisiné. On découvre les thés se prêtant au mieux à la cuisine. Le meilleur thé à infuser dans l’eau pour un court-bouillon ou pour une cuisson directe (céréales, féculents).

Le thé, comme vu plus haut, servira de base, tel un condiment, à une soupe. Il suffit d’ajouter les feuilles de thé dans les dernières minutes de cuisson de la soupe. Laisser infuser puis mixer la soupe, feuilles de thé comprises. Les thés s’y prêtant le mieux : thés fumés, grillés, sombres, parfumés aux épices ou aux agrumes.

En faisant un lit de feuilles de thé (1 cm d’épaisseur) on peut aussi y poser un poisson pour une cuisson vapeur parfumée. L’idéal pour ce faire sera alors un thé vert japonais ou chinois.

En marinade, le thé (fumé pour le gibier mais non pour le poisson), sert à parfumer l’aliment, à attendrir la viande trop ferme ou le gibier mais aussi à prolonger la conservation d’un produit.

En gelée (faite avec de l’agar-agar ou de la gélatine) pour un bel aspic de fruits rouges, le thé au jasmin fera un superbe dessert.

En émulsion, espuma, crème fouettée, sauce légère, le thé infuse facilement dans le lait, la crème et les matières grasses (huile, beurre, jaune d’œuf). Un exemple ? Un espuma de Pu Er donnera une touche aérienne avec notes forestières idéales à un œuf poché, un foie gras, une entrée à base de champignons.

Comme une épice, le thé peut aussi être saupoudré sur un plat. Réduit en poudre, le Lapsang Souchong ajouté à de la fleur de sel (10 % de thé fumé pour 90 % de fleur de sel) sera parfait avec un saumon ou des noix de Saint-Jacques.

Reste encore quantité de techniques pour une jolie utilisation du thé en cuisine. Pour déglacer, le thé sera une alternative au vin. Associé au sel pour une cuisson en croûte, il parfumera davantage la croûte permettant de garder moelleux et évite de dessécher le produit (viande ou poisson). N’hésitez pas à utiliser un fond de thé pour arroser une viande ou une volaille (thé noir de Chine pour le bœuf, l’agneau, le gibier ; thé vert chinois ou japonais pour une volaille). Pour le coup d’œil, le thé peut aussi être un fabuleux et très naturel colorant. Couleur miel avec un Darjeeling d’été ou un Hojicha ; couleur brune avec un thé dit ‘sombre’, couleur verte vive avec l’inévitable Matcha (au-delà de 90°C de cuisson, il
devient kaki !). 

Le thé fumé, le meilleur allié du cuisinier et le Matcha celui des pâtissiers

Il est l’un des seuls ingrédients à allier saveurs fumées et de bois brûlé. Il permet de remplacer les arômes alimentaires industriels ou les techniques de fumage laborieuses et complexes. Les techniques de cloutage, saupoudrage, par immersion (infusion, macération), d’incorporation (extrait, glaçage) lui conviennent parfaitement. Les thés s’y prêtant le mieux : les Lapsang Souchong, du plus léger au plus puissant suivant l’effet recherché.

Quant aux pâtissiers, surtout japonais, le Matcha n’a plus de secret pour eux qui l’utilisent pour aromatiser et colorer ainsi les plus singuliers desserts, les plus jolies glaces et les plus aériennes chantilly montées au Matcha. 

Enfin, n’oublions pas que le Matcha reste à travers temps et modes, la star de la fameuse cérémonie du thé japonaise. Au Pays du Soleil Levant comme désormais, partout dans le monde.

[ Joëlle Rochette ]