Entre poulet mexicain, Cocoa Valley et expo à l’Amigo

Saison oblige, entre Saint Valentin et Pâques, voici revenue l’heure de parler … CHOCOLAT ! Petits cœurs ou œufs en chocolat, vive la tradition ! 

Mais si cette fois nous parlions chocolat ‘salé’ ?

Chacun le sait même si peu s’y emploient, oui, il y a bien une cuisine au chocolat. Pas facile à trouver dans une abondante littérature ‘chocolatée’, complexe à équilibrer dans les recettes et curieux à déguster si mal dosé, le cacao se retrouve, bien plus souvent qu’il n’y paraît, en cuisine. Dans la sauce d’un gibier, d’une volaille, d’un bœuf bourguignon, d’un filet de porc et même d’un poisson ou encore dans des pâtes au cacao ! L’audace des chefs les plus créatifs n’a pas de limite !

Retour aux sources

Pour rappel, si l’on trouve trace des premières plantations de cacaoyers dès l’an 400 chez les Mayas, c’est dès le début que, seule, la pulpe des cabosses est consommée pour sa saveur rafraîchissante. Tout récemment, cette pulpe et plus particulièrement son eau savoureuse, connait une nouvelle utilisation chez nous. Mais à époque, les fèves sont délaissées car jugées trop amères. Elles serviront alors de monnaie d’échange et plus tard, une fois traitées, elles deviendront l’emblématique poudre de cacao que nous connaissons tous. Le cacao, utilisé comme remède à diverses pathologies de l’époque donne aujourd’hui encore énergie au corps et vitalité au moral ! Mais depuis très longtemps, voire depuis ses débuts de consommation, il est utilisé comme épice dans la cuisine locale des Aztèques et désormais aussi dans la nôtre. 

Tout le monde a au moins une fois dans sa vie ouvert un livre consacré au chocolat. Mais tout le monde n’a pas goûté ce qui représente l’un des incontournables du Mexique, le ‘Mole poblano’ (se prononce ‘mo lé’). Un plat à base de poulet, d’une infinité d’épices, d’autres ingrédients (piments, fruits secs, banane plantain, …) et de cacao amer. Un plat traditionnel dont tous les Mexicains se régalent encore aujourd’hui lors de la célèbre Fête des morts, à l’occasion d’un mariage, d’une naissance ou même en version street-food. Les pâtes au cacao, telles les tagliatelles, sont elles aussi, originaires d’Amérique Latine. Et ce n’est pas sans surprise que l’on a pu voir quelques candidats de Top Chef s’essayer à leur préparation.

Le chocolat en cuisine ‘salée’ à la mode ?

Aucun doute là-dessus, de nombreuses épices se marient parfaitement avec le chocolat. Les Chocolatiers de l’Année au Gault&Millau l’ont encore bien démontré en intégrant à leurs pralines mille et une épices : poivre rose ou noir, cardamome, yuzu, graines de moutarde, beurre salé, piment, coriandre, basilic, … Les saveurs se décuplent à l’infini et les papilles s’éveillent en tous sens ! 

Quant aux recettes les plus culinaires, elles intègrent souvent un carré de chocolat à une sauce noire pour gibier ou à une volaille, en rappel au fameux Mole mexicain. Les plus audacieux ajoutent même du chocolat à la sauce de leur poisson. Tel, Frédéric Bau avec sa recette de ‘Cabillaud, sauce chocolat au lait fumée et béarnaise de thé vert’ dans sa très intéressante ‘Encyclopédie du Chocolat’ de l’Ecole du Grand Chocolat Valrhona. 

En Haute-Savoie, ce sont les producteurs-transformateurs, Serge et Carine Ngassa des plantations camerounaises ‘Cocoa Valley’ qui, avec une vingtaine de chefs de restaurants locaux, ont publié un ouvrage dédié à la cuisine essentiellement salée du chocolat. Des artisans hyper dynamiques et aussi créatifs que nous avons connus par notre emblématique ‘Pâtissier des têtes couronnées’, Michaël Lewis-Anderson (ex Wittamer).

« Ce livre raconte notre parcours de producteurs-transformateurs, explique Serge Ngassa. L’idée des recettes est née avec une vingtaine de chefs locaux de renom et deux pâtissiers qui utilisent notre cacao. Il m’arrive de les emmener sur nos plantations au Cameroun. Cela leur permet de nourrir leur créativité, leur curiosité et au final de leur donner des idées originales de recettes ‘salées’ avec notre chocolat. Vous y découvrez, par exemple, le pigeon Cléopâtre avec sauce à la moutarde, jus de betterave et chocolat blanc. Une escalope de foie gras pochée dans une marinade de chocolat, jus de poire et paillettes de chocolat noir. Ou encore un homard avec sauce, servie dans une cabosse, au gingembre, beurre de cacao, chocolat noir, grués de cacao. Ces recettes sont à la carte de leur restaurant mais aussi dans ce livre paru en décembre dernier et que l’on peut se procurer via notre site  www.cocoavalley.fr.”

En Belgique, point de vue et projet de Jean-Philippe Darcis et Marc Ducobu

« Personnellement, explique Jean-Philippe Darcis, je trouve assez périlleux, voire contre nature pour le poisson, de travailler le chocolat en cuisine. Mais le cacao utilisé parcimonieusement peut être un bon liant pour la sauce du gibier. On fait souvent une sauce légèrement sucrée avec le gibier. L’amertume du cacao apporte des saveurs différentes sans être trop douces. En décoration, une petite plaque de chocolat peut agrémenter un foie gras ou un fromage et le grué de cacao peut apporter du croquant et de l’amertume. Je considère alors le cacao en tant qu’épice, comme la fève tonka, par exemple. »

Pour Marc Ducobu : « Certains tentent de faire le ‘buzz’, de faire parler d’eux, en ajoutant du chocolat à leur recette. Ce n’est parfois que dans un but médiatique. D’autres font des essais qui peuvent parfois aboutir. Mais je reconnais qu’il m’arrive aussi d’ajouter un carré de chocolat noir à ma sauce brune du gibier. Cela fonctionne bien. J’ai même un copain qui réalise une croûte de grué de cacao, fèves concassées torréfiées au four, sel, poivre et enroule la viande dedans avant de la cuire. Le grué donne des notes cacaoté fumées. Alors, pourquoi pas ? »

Actu de saison : une expo d’œufs de Pâques ‘signature’ à l’Hôtel Amigo

Initié par les deux amis, membres de Relais & Desserts, Jean-­Philippe Darcis et Marc Ducobu, une grande exposition d’œufs en chocolat ‘signature’ débutera le 28 mars prochain à l’Hôtel ­Amigo (Bruxelles). Près de 30 chocolatiers belges y présenteront leurs créations personnalisées dans un amical esprit de partage. Un événement prestigieux destiné à mettre sous le feu des projecteurs le savoir-faire de l’art chocolatier belge. Une fois n’est pas coutume de mettre à l’honneur cette belle profession comptant parmi les plus artistiques en Belgique.

[ Joëlle Rochette ]