de stagiaire à CEO et propriétaire de Different Hotels

En parlant d’un parcours atypique… Rachida Naya, diplômée en gestion hôtelière de l’Enseignement Secondaire Supérieur COOVI à Anderlecht, aujourd’hui Erasmushogeschool Brussel, est passée de stagiaire à réceptionniste, puis à CEO et enfin propriétaire à 100% de l’entreprise limbourgeoise Different Hotels (7 hôtels en portefeuille). « Nous sommes à la recherche de ce qui n’est PAS la norme dans l’hôtellerie », déclare-t-elle. Nous l’avons rencontrée.

Comment tout a commencé ? Rachida Naya est entrée au COOVI pour étudier l’hôtellerie voici plus de 25 ans. En tant que stagiaire, elle s’est retrouvée chez Different Hotels, qu’elle n’a jamais quitté….

« Il est vrai que l’hôtellerie est un secteur super agréable, où l’on est toujours entouré de personnes positives qui sont à la recherche d’une expérience, explique-elle. Après mon stage à l’hôtel Ecu Genk, j’ai été engagée en tant qu’employée polyvalente, d’abord à la réception, puis à de nombreux autres postes, y compris au service des ventes. À chaque fois, des responsabilités supplémentaires m’ont été attribuées, jusqu’à ce que la gestion complète d’un hôtel me revienne. Ensuite, on m’a confié la responsabilité d’un groupe d’hôtels, pour finalement prendre en charge l’ensemble des activités du groupe. »

Il faudra effectivement chercher longtemps pour trouver une deuxième personne dans notre pays qui a réussi à passer d’un poste de stagiaire à celui de propriétaire de 7 hôtels. Rien ne vous empêche de postuler bien sûr…

« J’ai toujours eu l’ambition de grandir et de contribuer à faire avancer les choses, explique Rachida Naya. Dès le début, j’ai pris plaisir à mettre en place une structure et à me projeter dans l’avenir. Optimiser et développer en permanence : telle a et est toujours ma mission en tant que CEO et propriétaire du groupe. Continuer à croître et à améliorer est un véritable défi, mais c’est aussi ce qui rend les choses si amusantes. »

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur cette période de stage ?

« Comme j’ai toujours été très intéressée par l’hôtellerie, je suis également allée visiter quelques hôtels de chaînes internationales en vue d’un éventuel stage, mais le champ d’action était plutôt limité et très défini, ce qui n’est pas vraiment mon truc. Je voulais apprendre le plus possible, et ça, je l’ai trouvé à l’hôtel Ecu Genk, explique Rachida Naya, elle-même originaire de Genk. Le fait de travailler directement pour le propriétaire m’a également permis de toucher à toutes les tâches qui incombent à une personne active dans l’hôtellerie. »

Quelle fonction avez-vous préférée ?

« La gestion au sens strict, parce que la première fois que vous dirigez un hôtel, vous avez l’impression que c’est aussi votre hôtel.
En tant que directeur d’hôtel, vous avez l’occasion de collaborer avec d’autres personnes, ce qui est une source de diversité et de dynamisme incroyable. »

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui se lancent dans le secteur ?

« Sans vouloir verser dans les clichés, je dirais que tout tourne autour des contacts que vous établissez avec d’autres personnes. Les stagiaires constituent le plus gros contingent de Different Hotels, et ils ont également tendance à ‘rester collés’. Ils sont donc accueillis comme des collègues à part entière dès le premier jour. Je suis convaincue que les personnes à qui l’on accorde de la reconnaissance grandiront également au sein de l’entreprise. Si vous ne leur donnez que trois tâches, à la fin de la journée, ils ne pourront toujours réaliser que ces trois tâches, alors qu’ils avaient probablement (bien) plus à offrir. Je n’attache pas non plus beaucoup d’importance à une description de fonction traditionnelle au sein de l’entreprise. J’aime laisser les gens faire. Ce qui les rend heureux et joyeux. Je pense que cela fonctionne mieux.

Le secteur Horeca est assurément un secteur très agréable pour ceux qui sont attachés à ‘l’apprentissage par la pratique’ et à l’autodéveloppement, ainsi que pour ceux qui aiment travailler avec et parmi les gens. Nombreuses sont les personnes de haut niveau dans notre secteur, y compris en cuisine (Viki Geunes de Zilte en est un bel exemple, ndr.), qui sont ainsi des autodidactes. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons lancé un ‘Future Leadership Programme’ pour les jeunes qui arrivent sur le marché du travail avec peu de connaissances et d’expérience mais qui, grâce à ce programme, se voient néanmoins offrir un parcours spécifique et une formation unique. Ils apprennent ainsi à gérer de nombreux aspects.

Le Future Leadership Programme est incarné par le plus jeune directeur d’hôtel de Flandre, et probablement aussi du pays, Yannick Knapen, 20 ans, actuellement directeur de l’hôtel Eburon à Tongres.

« Ce que notre CEO et propriétaire a réalisé est très inspirant pour les jeunes talents, affirme-t-il. Elle donne aux jeunes qui sont au début de leur carrière, mais aussi à ceux qui ont étudié et à ceux qui ont peu de formation, la possibilité d’évoluer. C’est aussi un bon moyen d’apprendre à mieux connaître l’hôtellerie. Nous sommes également une entreprise familiale et nous sommes tous collègues les uns des autres. Nous avons le sentiment d’être une famille très unie. Mon approche est la suivante : il est permis de faire des erreurs, mais pas de les cacher. Je pense également qu’il est important de se comporter correctement les uns envers les autres. Nous formons une équipe qui veut atteindre un objectif ensemble. L’âge n’est pas un facteur décisif. Si vous avez un objectif et une passion, vous pouvez accomplir de grandes choses, quel que soit votre âge. »

Comment Rachida Naya résiste-t-elle à l’environnement concurrentiel du secteur hôtelier, en tant que femme et mère de 2 enfants ?

« Je n’ai jamais travaillé ailleurs, je ne suis donc peut-être pas la meilleure personne pour faire des comparaisons avec d’autres secteurs, mais je dirais qu’en plus d’un bon équilibre nécessaire entre vie professionnelle et vie ­privée, il est très important de pouvoir évoluer avec ses collaborateurs ; après tout, sans eux, on ne peut pas aller de l’avant. Chez Different Hotels, nous considérons que les familles de nos employés sont tout aussi importantes. J’attache également une grande importance à la flexibilité et au désir spontané d’être prêt ‘jour et nuit’ dans un hôtel. En ce qui concerne l’aspect ressources humaines, je pense que nous assistons, ces dernières années, à une plus grande mixité entre les hommes et les femmes sur le lieu de travail, bien que cela dépende encore des départements.

Comment interprétez-vous le concept de service ?

« Le ‘service’ est un concept tellement générique et ‘fourre-tout’ …. Je préfère parler de sincérité envers le client, un concept qui peut être interprété très différemment selon le type d’hôtel dans lequel vous officiez, et où les attentes sont différentes de tout autre type d’hôtel. Nos sept hôtels ont 3 ou 4 étoiles, mais je ne crois pas tellement à cette volonté de classification. J’attache beaucoup plus d’importance aux commentaires sur les hôtels et à l’opinion des autres qu’à une classification ‘officielle’, même si elle est imposée par le gouvernement, bien entendu. Les personnes qui viennent séjourner dans nos hôtels sont donc nos hôtes, et non nos clients ; cela fait une grande différence. Ce qui compte, c’est l’interaction personnelle avec le client et la réponse à ses besoins réels. C’est ainsi que nous sommes toujours à la recherche de ce qui n’est PAS la norme. »

Quelle est votre position par rapport au développement durable ?

« En fait, il y a beaucoup de choses que nous pouvons entreprendre par nous-mêmes. Saviez-vous qu’il y a moins d’eau disponible par personne en Flandre que dans le sud de l’Espagne ? C’est ­pourquoi nous nous demandons comment nous pouvons contribuer à la question de la durabilité. En tant qu’entreprise, vous vous devez de faire quelque chose, n’est-ce pas ? Nous rappelons régulièrement à notre personnel comment utiliser au mieux l’énergie. Toutes ces ressources ne sont pas infinies, et je constate qu’elles occupent particulièrement nos jeunes. Il est de notre devoir de nous préoccuper aussi de leur avenir. »

Comment intégrez-vous l’aspect innovation ?

« Dans ce domaine, les hôtels ont tendance à suivre les compagnies aériennes, et nous avons encore du chemin à parcourir. Tout tourne autour de la numérisation, mais notre point de départ est qu’elle ne doit jamais se faire au détriment de l’aspect humain (nous-mêmes et les clients). C’est cela qui doit rester central. J’ai parfois l’impression que le secteur hôtelier est devenu un organisme très administratif, mais à mon sens ce n’est pas nécessaire. Au contraire, nous voulons être une entreprise très souple, capable d’anticiper très rapidement. Nous adoptons également une approche très personnelle à l’égard de nos collaborateurs, même si notre entreprise n’est plus aussi petite. Nous conservons ce sentiment de ‘famille différente’, car c’est ainsi que l’on peut travailler ensemble pendant très longtemps. Il m’arrive souvent de m’asseoir avec mes collaborateurs pour discuter de ce que nous allons faire, de la stratégie à adopter, etc. C’est en partie grâce à cette implication personnelle que nous n’avons que très peu de rotation de personnel chez Different Hotels. »

Quelles tendances observez-vous sur le marché ?

« La proximité géographique devient de plus en plus importante, notamment parce que les vols sont devenus beaucoup plus chers ; l’aspect ‘petit budget’ s’estompe quelque peu en ce moment. Enfin, il ne faut pas sous-estimer le changement climatique qui amène souvent dans nos régions un temps plus clément que par le passé, ce qui conduit les gens à se déplacent davantage. Nous le constatons également dans nos taux d’occupation. Nous avons donc une belle histoire limbourgeoise à raconter avec nos hôtels. Lorsque vous séjournez dans l’un de nos hôtels, vous visitez aussi et surtout le Limbourg. La destination a d’énormes atouts : c’est un environnement vert dont tout le monde a besoin en 2023, avec de nombreuses possibilités de faire du vélo et de la marche et des options culinaires à profusion. De plus, on vient de l’intérieur du pays en voiture, dans le sens inverse des files et on n’a guère de problèmes de stationnement. Nous devons continuer à promouvoir ces atouts en tant que secteur. »

Quelle est votre vision de l’avenir pour Different Hotels ?

« Nous sommes tout à fait en mesure d’envisager une croissance saine, car les fondations sont posées. Lancée en 2005, Different Hotels est devenue une marque forte au fil des ans, et nous essayons également de ne pas trop travailler sur base de modèles standardisés, comme c’est souvent le cas dans les chaînes hôtelières. Chacun de nos hôtels a sa propre identité, et nous tenons à ce que cela reste ainsi. Au sein du groupe, nous voulons aussi et surtout promouvoir davantage l’aspect culinaire. » Et, si possible, un peu différent des autres…

[ Danny Verheyden ]