Dans le monde de l’hôtellerie et de la restauration, les produits artisanaux attirent de plus en plus d’adeptes, à la recherche d’authenticité et de qualité, véritables gages de distinction. En Wallonie et à Bruxelles, le réseau et label Table de Terroir en est la preuve. Anne-Sophie Tonglet, à la fois agricultrice et transformatrice, fondatrice des Saveurs d’Anso, a relevé également ce défi avec brio. Elle combine son savoir-faire agricole et sa passion pour l’artisanat. Retour sur le parcours inspirant de cette agricultrice et entrepreneuse belge.

Un retour aux sources familiales

« Maman de trois enfants et agricultrice de la 5e génération, c’était important pour moi de reprendre la ferme familiale », explique Anne-Sophie avec simplicité. C’est en 2015 que cette jeune agricultrice de 35 ans décide de reprendre les rênes de l’exploitation, spécialisée dans l’élevage de vaches de race blanc bleu belge. « Mon père en élevait déjà, c’était naturel pour moi de continuer cet héritage. », raconte-t-elle.

Cependant, Anne-Sophie se heurte rapidement à une réalité économique difficile. « Les prix du bétail ont commencé à chuter, et il est devenu impossible de vivre uniquement de l’élevage. J’ai dû faire un choix : soit travailler à l’extérieur, soit me diversifier. »

Une diversification réussie

Anne-Sophie décide de se lancer dans la transformation de produits laitiers. « J’avais fait des stages dans le milieu agricole autour du tourisme à la ferme, de la transformation des produits laitiers, du maraichage etc. J’ai tout de suite aimé l’idée de créer un produit de A à Z que je pourrais partager avec les autres, » dit-elle. « J’ai acheté des vaches laitières : des montbéliardes, des normandes et des Holstein. J’ai commencé avec 2, puis 4 vaches et maintenant quasi 30. Depuis avril 2024 j’organise aussi des activités telles que les anniversaires à la ferme, des visites pour les écoles ou les personnes âgées qui découvrent tout mon travail. », ajoute-t-elle.

“Les Saveurs d’Anso” voit le jour en 2018, offrant une gamme de yaourts, glaces et de sorbets faits maison. « Je voulais créer quelque chose qui soit à la fois authentique et innovant, tout en mettant en valeur le lait de notre ferme », explique Anne-Sophie. « Les gens veulent savoir d’où vient ce qu’ils mangent, et j’avais envie de leur offrir cette transparence. » A cela s’ajoutent du beurre salé/non salé et de la maquée nature ou aux fines herbes ainsi que des desserts ‘maison’. D’octobre à fin mars, il y a des crèmes vanille, chocolat, tiramisu et mousse au chocolat.

Un quotidien de travail intense

Anne-Sophie ne compte pas ses heures. « Les journées sont très longues. Quand je commence à 6h du matin, je ne sais pas à quelle heure j’aurai fini. Il y a aussi une part d’imprévu… », confie-t-elle. Aidée par son père à la ferme, sa mère et une amie à l’atelier, elle bénéficie également du soutien de ses enfants. « Ils sont toujours à la ferme. Cela me permet de les voir et de partager un moment : quand on soigne les veaux, quand on fait les moissons… Ils aiment bien, ils sont nés là-dedans. Je partage mon métier, ma passion avec eux. Ils me suivent au quotidien. »

« Le plus difficile ? Je me lève tous les jours de bonne humeur, mais s’il y a un point négatif, ce serait l’administratif et les heures de travail pas toujours rémunérées à hauteur, » admet-elle. Anne-Sophie ressent parfois un manque de reconnaissance pour le travail accompli.

Des produits authentiques et en vente locale

L’un des principes clés des Saveurs d’Anso est de maîtriser la chaîne de production. « Je souhaitais faire tout de A à Z, sans intermédiaire, pour garantir la qualité. L’alimentation de notre bétail est essentielle pour produire un lait de qualité, c’est pour cette raison que j’y tiens tant. » Ses produits sont disponibles à la ferme et dans des établissements locaux. « Je collabore avec des hôtels, des épiceries, des gîtes… Mais j’ai eu une grande surprise quand un hôtel de luxe a décidé d’arrêter de travailler avec nous pour des raisons de tarifs. Cela m’a fait un choc ! »

Elle remarque que certaines adresses privilégient les produits moins chers, même au détriment de la qualité. « Certains trouvent que les gens ne voient pas la différence entre une glace artisanale et industrielle et préfèrent le low-cost. C’est dommage de ne pas valoriser les produits qui méritent vraiment d’être sur la table. »

Un engagement envers le terroir et les circuits courts

Anne-Sophie tient à promouvoir le terroir belge. « Je suis fière de pouvoir offrir des produits qui reflètent notre région, » dit-elle, soulignant l’importance de consommer local. « Mon souhait ? Que tout le monde revienne chez les producteurs locaux. C’est idéal, mais en attendant, grâce aux gîtes, épiceries et hôtels, on se fait connaître plus largement. » Elle organise également des événements pour sensibiliser les consommateurs à l’importance des circuits courts. « J’essaie de développer des activités pour faire comprendre notre métier aux gens et partager cela avec eux. »

Des défis, mais un lien avec les clients

Si la pandémie a ramené les clients chez les producteurs locaux, elle note qu’ils sont aujourd’hui moins nombreux à venir. « À l’époque du Covid, les gens revenaient chez nous. Maintenant, ce n’est plus qu’une personne sur dix qui revient », regrette-t-elle. Anne-Sophie conclut avec optimisme : « Mais nous avons la chance d’avoir une clientèle fidèle que nous privilégions et c’est grâce à elle que nous continuons à avancer. »

www.lessaveursdanso.be

[ Muriel Lombaerts ]