En passe de devenir la technologie de l’avenir, l’Intelligence articielle (IA) impacte notre quotidien, mais aussi celui de l’Horeca. Enjeux et défis.
L’IA ne date pas d’hier, elle était déjà identifiée vers la fin des années 1950, mais les progrès en terme de puissance de calcul, l’accès à une masse impressionnante de données et le développement de nouveaux algorithmes ont mené à des percées majeures au cours des dernières années : assistants virtuels, logiciels d’analyse d’images, moteurs de recherche, systèmes de reconnaissance faciale ou vocale, les exemples ne manquent pas. On la retrouve aujourd’hui dans les objets connectés, les voitures autonomes, les robots, les drones…
Elle est également largement utilisée en ligne pour, par exemple, fournir des recommandations personnalisées aux utilisateurs d’un site de vente basées sur leur historique de recherche ou d’achat ou encore sur leur comportement en ligne. Les assistants virtuels et autres chatbots sont désormais omniprésents pour répondre à vos questions en ligne en un clin d’œil.
Si l’IA transforme lentement nos pratiques de consommation, elle joue aussi un rôle dans l’Horeca, un sujet plus proche de nos préoccupations. Pour écrire notre article, quoi de plus logique que d’interroger ChatGPT sur les avantages et dangers de l’IA dans la restauration. Les réponses ont été complétées par le point de vue de Morgane Soulier, conseillère française en prospective et stratégie numérique.
Les intérêts…
Selon ‘l’agent conversationnel’, les principaux domaines clés où l’IA apporte de la valeur à la restauration sont les suivants :
- Optimisation des processus opérationnels : analyse des données historiques de vente, des tendances saisonnières, et d’autres variables pour prédire la demande. Cela induit une meilleure gestion des stocks, la réduction du gaspillage et l’optimisation des commandes de produits frais.
- Amélioration de l’expérience client : l’IA permet d’analyser les préférences des clients et de leur proposer des recommandations personnalisées, que ce soit pour des plats spécifiques ou des offres promotionnelles. Elle peut aussi prendre des commandes ou gérer des réservations, 24h/24.
- Gestion des ressources humaines : en analysant les données de fréquentation pour prévoir les besoins en personnel, l’IA peut optimiser les horaires et réduire les coûts liés à une mauvaise planification.
- Innovation culinaire : l’IA peut analyser les tendances alimentaires, les avis des clients et d’autres sources de données pour aider les chefs à innover et à créer de nouveaux plats qui répondent aux attentes des clients. Enfin, grâce à des systèmes de vision par ordinateur, l’IA peut surveiller la qualité des plats en cuisine…
- Fidélisation : l’IA passe au crible les avis et commentaires en ligne pour identifier les forces et faiblesses perçues par les clients, permettant aux restaurants de mieux répondre aux attentes. Enfin, l’IA permet des solutions de paiement sans contact ainsi que la détection de fraudes en temps réel.
Et les dangers
Cela étant, l’introduction de l’intelligence artificielle (IA) comporte aussi des risques et des dangers potentiels, tant pour le personnel que les restaurants eux-mêmes ou les consommateurs. Sans reproduire l’intégralité de la réponse de ChatGPT, relevons le danger de suppression de certains emplois, notamment les plus répétitifs, avec la nécessité de compétences plus élevées pour ceux qui restent, mais aussi la dépendance technologique, la complexité croissante de la gestion, les problèmes de vie privée, le coût d’implémentation et de mise à jour, la diminution de l’interaction humaine menant à une certaine déshumanisation du service.
Peu de risques de rencontrer ces dangers chez nous toutefois, souligne la conseillère Morgane Soulier qui, elle, voit de grandes opportunités pour les chefs. Au-delà de la gestion de commentaires sur le site d’un restaurant, « l’IA peut aider à l’optimisation de recettes ou à la personnalisation de plats. Par exemple, en ajustant des recettes pour en améliorer la nutrition, en diminuer les coûts, pour augmenter leur durabilité, ou encore les adapter à des préférences alimentaires individuelles ou à des restrictions diététiques, des allergies. L’IA peut aider à créer des menus personnalisés pour des clients avec des besoins diététiques spécifiques. Cela va vraiment aider. ChatGPT peut aussi inspirer de nouvelles recettes, car l’IA générative de textes et d’images peut analyser une base de données de recettes existantes et aider à proposer des combinaisons innovantes, par exemple, de saveurs, de textures. Elle peut générer de nouvelles recettes en demandant d’intégrer des ingrédients spécifiques.
Un exemple : je suis un chef triplement étoilé, je peux demander à ChatGPT de proposer un plat principal qui offre une expérience sensorielle unique en intégrant, par ex, du homard, du citron vert, de la noix de coco, certaines épices et de créer des recettes qui peuvent surprendre par leurs saveurs et la présentation. L’IA va proposer des recettes innovantes… On parle beaucoup de pairing dans la restauration, mais ChatGPT va beaucoup plus loin et permet surtout d’aller plus vite. »
Grâce à tout ce qui a été enregistré dans Internet depuis le début du web, « on a une base extrêmement importante, l’IA gagne en temps et en rapidité et va beaucoup plus loin en qualité. Elle arrive à amalgamer et optimiser une liste de mots pour faire des combinaisons inédites grâce aux diverses sources existantes : les réseaux sociaux, les blogs culinaires, les critiques gastronomiques, les livres des plus grands chefs cuisiniers, etc. Elle permet d’identifier les tendances émergentes, et de faire gagner du temps à celui qui veut créer des nouvelles recettes. »
Le restaurant Rafi à Sydney, conçu avec l’IA.
Le look des assiettes
A côté de ChatGPT pour les textes, Midjourney génère des images, commente Morgane Soulier. « Je m’en sers pour aider les chefs à visualiser des plats et créer des présentations visuelles avant leur préparation réelle. Un de mes clients, un chef bi-étoilé depuis 20 ans, me disait : « Je suis fatigué de mes plats, car j’ai l’impression de reproduire à peu près le même visuel, de saison en saison ou d’année en année, j’aimerais gagner en souplesse et en inspiration. »
Il a alors créé un plat qu’il a pris en photo et on a demandé à l’IA générative d’images de repenser la façon dont il est proposé. Cela permet de créer différentes options de dressage de l’assiette, ce qui évite au chef de devoir faire plusieurs essais. L’IA peut en générer 100 ou 200 sans ne rien mettre à la poubelle. Elle permet également de générer des images éducatives sur les différentes techniques culinaires, de visualiser les étapes de préparation, de montrer des visuels de préparation attrayants pour les sites ou les réseaux, et puis, on gagne du temps mais sans déperdition. »
Si, sans surprise, l’IA est utilisée dans les villes ou pays les plus innovants, comme Singapour, Hong Kong, Londres, ou les Etats-Unis, l’IA a aussi fait son apparition en France. « En Belgique, conclut Morgane Soulier, il y en a peu encore, mais je suis convaincue que cela va venir. Notamment pour créer des images pour les réseaux ou la rédaction de communiqués. Mais l’IA ne va pas voler votre emploi, mais celui qui saura l’utiliser gagnera en compétitivité par rapport aux autres. Certains emplois vont peut-être sauter, mais il y a surtout des emplois qui vont se réinventer… Il est indispensable de se pencher sur ces applications dès aujourd’hui. »
[ Marc Vanel ]