Le monde des cocktails et des spiritueux est un monde de créativité, de raffinement et de savoir-faire. À l’approche des fêtes de fin d’année, surtout, les boissons et expériences uniques autour du bar sont de plus en plus demandées. Horeca Magazine a rendu visite à Ran Van Ongevalle, le fameux bartender.

Le nom de Van Ongevalle est bien connu dans le monde des cocktails. C’est au père, Jan Van Ongevalle, que l’on doit, il y a 12 ans, la création du légendaire bar à cocktails The Pharmacy, à Knokke, après une longue carrière dans la mode. Sa fille Hannah et son fils Ran Van Ongevalle ont vite contracté le virus des cocktails et sont allés shaker dans des bars à cocktails réputés aux quatre coins du monde. Hannah a également écrit des livres, a eu une émission de télévision et dirige actuellement une entreprise florissante de catering, Tipsy Cake, qui fournit notamment des cocktails aux grands festivals belges. Quelques années plus tard, leur sœur cadette, Noa, s’est, elle aussi, lancée dans la mixologie. Aujourd’hui, elle gère The Pharmacy et le restaurant Ugly Duckling (qui lui a valu un 13,5 au Gault&Millau).

Ran a notamment acquis de l’expérience au bar Artesian, à Londres, qui a longtemps été le meilleur bar à cocktails au monde et possède désormais deux établissements à Bruges. Le bar à cocktails Bar Ran, récompensé par Gault&Millau comme meilleur bar à cocktails de Belgique en 2024, et MÁS, un établissement de cocktails et de street food d’inspiration latino-américaine.

Ran s’est fait connaître en 2017 en remportant le concours international Bacardi Legacy.

Quelle valeur devons-nous précisément accorder à ce Bacardi Legacy, Ran ?

Il était considéré à l’époque comme l’un des concours qui faisaient référence dans le monde. Pour vous donner une idée : 15.000 bartenders, venus de 44 pays, ont participé à l’édition que j’ai remportée. Des finales sont organisées aussi par continent avant que les lauréats puissent accéder à la finale mondiale. La finale était composée d’un top 8, et les trois meilleurs étaient le Japon (3), Taïwan (2) et la Belgique (1). Il s’agit de créer un cocktail, avec du Bacardi naturellement, qui pourra résister à l’épreuve du temps. Le cocktail doit être assez innovant pour pouvoir convaincre le jury, mais aussi assez simple pour pouvoir être réalisé dans n’importe quel bar à cocktails dans le monde. Vous devez aussi imaginer un nom et une bonne histoire pour le cocktail. J’ai proposé le ‘Clarita’, un cocktail à base, entre autres, de sherry, d’un peu d’absinthe et d’un rhum vieilli.

Vous travaillez dans cette branche depuis plus de dix ans. Qu’est-ce qui vous attire tant dans le monde des cocktails et des spiritueux ?

Il s’agit de bien plus que de jongler simplement avec des bouteilles de boisson. Vous créez des goûts et des histoires. C’est aussi un monde ‘sans limites’. De nouvelles boissons voient le jour en permanence, de nouvelles saveurs, de nouvelles tendances… Tout cela ne s’arrête jamais et c’est ce qui me plaît.

En tant que bartender, vous allez en partie déterminer la soirée que passent vos clients ; vous essayez de faire en sorte que tout le monde se sente bien. Sociable par nature, j’apprécie ce contact humain. C’est vous aussi qui tenez les rênes et j’aime ça aussi.

Il faut quand même disposer des talents nécessaires pour rester au top dans ce domaine

Bien sûr. Vous avez naturellement besoin d’une bonne connaissance des boissons. Puis, il faut rester à la pointe des nouveautés dans le monde des boissons. Les aptitudes sociales sont presque aussi importantes afin de pouvoir interagir correctement avec les clients. Vous devez être capable de ‘lire’ le client, afin de savoir comment le servir au mieux. En effet, nombreuses sont les personnes qui viennent dans un bar à cocktails sans être de grands connaisseurs. Ils veulent déguster une boisson savoureuse et passer un moment agréable. Et bien sûr, vous devez être capable de travailler vite et bien, en adaptant votre façon de travailler, tant à un petit nombre de clients au bar qui demandent votre attention qu’à un grand groupe qui veut être servi rapidement.

Je dispense aussi des cours à Horeca Forma et je dis toujours aux élèves qu’ils doivent d’abord maîtriser les bases, et ne pas vouloir courir avant de savoir marcher. J’ai d’abord travaillé comme bartender pendant sept ans avant de remporter le Bacardi Legacy.

Dans quelle mesure la Belgique est-elle un pays de cocktails ? Sommes-nous toujours à la traîne par rapport à des nations réputées apprécier un bon cocktail, comme la Grande-Bretagne ou les États-Unis ?

La Belgique a clairement entrepris de rattraper son retard. Je voyage beaucoup et je constate que de nombreux établissements belges connus n’ont rien à envier aux bars à cocktails renommés à l’étranger. L’absence de véritable système d’évaluation des bars à cocktails en Belgique est toutefois regrettable, avec un top 50 par exemple, comme il en existe dans de nombreux pays. Par conséquent, nos activités ne se distinguent peut-être pas autant, mais il y a certainement beaucoup de qualité.

Force est toutefois de reconnaître que la dégustation de cocktails n’est pas vraiment dans l’ADN des Belges, alors que c’est le cas des Anglais, par exemple. Ceux-ci ont un cocktail pour chaque moment de la journée.

Quels sont les cocktails les plus appréciés en ce moment. Observez-vous certaines tendances ?

Les cocktails les plus populaires sont bien connus : mojito, dark & stormy, daiquiri, cosmopolitan, pornstar martini… Ce sont des ‘crowd pleasers’, dont certains figurent également sur la carte de MÁS. Dans mon autre établissement, Bar Ran, notre carte s’adresse davantage au ‘connaisseur’.

Les cocktails à base d’agave sont très à la mode pour le moment. L’agave est une plante très répandue au Mexique, dont sont issus la tequila et le mezcal. Le cocktail ‘paloma’, à base de tequila, de pamplemousse, de sel et de soda, est très en vogue en ce moment.

Nous assistons également à l’essor/au retour des ‘cocktails salés’, dont le plus connu est le bloody mary, sans oublier qu’il existe de nombreux autres cocktails à base de légumes.

Du reste, l’inspiration du ‘terroir’ se marque de plus en plus, avec des recettes faisant appel à des ingrédients locaux, fidèles au principe ‘from farm to glass’. Nous faisons de même, en allant, par exemple, cueillir des herbes fraîches à De Kruiderie à Beernem pour nos cocktails.

Il existe des bars à cocktails de toutes les formes et de toutes les tailles. Votre propre bar Ran est un ‘neighbourhood bar’.

Un neighbourhood bar est un bar confortable et accueillant, à l’ambiance décontractée, où l’on peut boire des cocktails mais aussi une bière. L’atmosphère est donc différente de celle d’un bar à cocktails classique ou glamour.

Ce type de bar est en pleine expansion. Nous remarquons que, désormais, les bars à cocktails se concentrent aussi sur une gamme plus variée et raffinée de snacks et d’en-cas.

En Amérique et en Australie, les ‘listening bars’ sont la nouvelle tendance pour le moment. Ce type de bars mise sur une qualité phénoménale du son, avec de très bons haut-parleurs, une acoustique parfaite, d’autres sons/musiques selon l’endroit où vous vous trouvez dans l’établissement… Souvent, les listening bars fonctionnent aussi avec une installation vintage. Je suis déjà allé dans plusieurs de ces bars et ce fut à chaque fois une expérience unique, très spéciale.

De nombreux entrepreneurs Horeca veulent proposer des cocktails à la carte, mais ne disposent pas toujours des connaissances ou du personnel nécessaires pour le faire correctement. Quelles solutions leur proposez-vous ?

Vous pouvez faire appel à un consultant. Ensuite, vous chargez un bartender spécialisé de composer une carte de cocktails, adaptée à l’atmosphère de votre établissement. Ou les établissements qui ont déjà une carte de cocktails, mais souhaitent en changer, peuvent aussi demander de l’adapter, par exemple pour répondre à de nouvelles tendances. Le consultant montre ensuite à l’exploitant et ses collaborateurs comment confectionner les cocktails (repensés) et leur remet un manuel simple. Moi-même, je suis aussi consultant à mes heures.

Une autre option consiste à acheter des ‘prebottled cocktails’. Le niveau s’est vraiment amélioré au fil des années. Plusieurs entreprises font du bon travail.

Enfin, vous travaillez avec des cocktails au fût chez MÁS, ce qui est exceptionnel. En quoi cela consiste-t-il exactement ?

Il s’agit d’un système que nous avons développé nous-mêmes. Nous mettons nos cocktails en fût et y ajoutons 5 grammes de CO². Grâce à ces cocktails au fût, vous pouvez travailler plus efficacement et obtenir un goût constant. En outre, vous offrez aussi à vos clients une expérience gustative unique. Tout est perlé et le goût est donc plus intense.

www.barranbrugge.com

[ Ruben De Ville ]