Créée par Edouard Malbois et Vincent Mesnage, la marque ‘Grands Jardins’ magnifie les grands thés avec les codes du vin. Une expérience originale.

Curieux personnage qu’Edouard Malbois qui a parcouru le monde des grands groupes internationaux à des postes de direction générale et de nombreuses expatriations et qui créa en 2001 à Paris ‘Enivrance, le premier bureau de style alimentaire mondial’ qu’il installe ensuite à Singapour et São Paulo où il développe aussi la première équipe de compétitivité alimentaire brésilienne mondiale.

Créateur du premier ‘laboratoire des informels alimentaires’ et concepteur de ‘Utopia Hackers – première Station Utopique européenne’, il a également publié en équipe 25 livres sur la modernité alimentaire mondiale. L’homme ne doit pas dormir beaucoup…

Toujours est-il qu’il était présent à Bruxelles le 2 décembre dernier, au restaurant Babam (révélation bruxelloise G&M), pour la présentation de la collection Grands Jardins qu’il a fondée avec Vincent Mesnage, qui, lui, a plutôt un passé dans le monde de la musique et dans le marketing stratégique.

Passionné d’innovation et nouvelles tendances, ce dernier parcourt le monde et étudie les nouvelles offres de restauration et les nouveaux modèles alimentaires. Il s’intéresse notamment à la démocratisation de la qualité et du mieux manger, aux nouvelles offres végétales, aux boissons, au café.

Le concept de la marque ? « Proposer de déguster le thé à la manière du vin. Les meilleurs thés du monde infusés à froid, sans sucre, sans additifs et très faiblement théinés, à savourer dans un verre à vin, à la température d’un vin blanc, une proposition unique qui entend renouveler les codes de la table et compléter la culture du pairing liquide solide. Une détonation d’arômes en bouche pour accompagner les meilleurs moments de table et instants de rafraîchissement quand l’alcool n’est pas l’option choisie », précisent-ils.

« Nous voulons offrir à toutes les tables du monde un nouveau rituel d’excellence, le thé à la manière du vin. C’est un pari osé qui prend, avec le développement de la marque, l’allure d’une conversion gastronomique : déploiement des accords mets et thés orchestrés par les plus grands sommeliers. Etonnement et enchantement pour les palais des initiés qui osent. »

En quoi les thés de Grands Jardins sont-ils différents d’un thé glacé habituel ? « Il n’y a pas d’existence vraiment gastronomique dans le thé glacé, explique Edouard Malbois, juste des glaçons et du sucre, et en thé chaud, nous avons constaté que le thé était un peu bloqué par la température. Sans compter que l’on peut se tromper avec la température.

Je ne viens pas d’un monde où « il faut vivre sans vin, sans alcool pour être heureux », pas du tout. Je pense que le vin, c’est une grande culture, je viens de France mais j’ai toujours été à l’étranger, j’ai grandi en Belgique aussi, j’ai été élevé à Bruxelles, donc je connais bien ce pays que j’aime. Nous voulons avant tout animer la table de demain. »

Et comment ? « Nous avons travaillé pendant deux ans sur la manière de conserver du thé et de l’eau. Jusqu’à ce jour, c’était impossible sans ajouter de l’acide, du sucre ou du gaz carbonique. Ce qui nous intéresse, c’est de construire une nature avec le thé à la manière du vin, de converser créativement avec le vin. Les thés sont donc infusés à froid, on n’embarque pas la théine, et on est bien sûr sans alcool, sans sucre, sans aucun additif, et on est donc la boisson gastronomique la plus pure au monde. »

Conquérir le marché par la gastronomie

A la différence de toutes les marques, les créateurs Grands Jardins ne veulent pas être B to C, fait remarquer Edouard Malbois : « on ne veut pas parler au consommateur directement, on veut passer par la sommellerie, les restaurants, les palaces, l’aviation aussi, puisqu’on est en train de regarder comment rentrer sur les grandes compagnies aériennes, parce qu’on pense qu’on a une vraie place pour enchanter des expériences mets et thé à bord, aux côtés du vin. Et on est vraiment adoubé par la sommellerie, pour l’instant française, mais aussi suisse, italienne, aux Etats-Unis ou à Londres. Et c’est une surprise, parce qu’on découvre que la sommellerie se rappelle que sa responsabilité, c’est d’animer toutes les boissons à table, et pas seulement le vin.

Et surtout, on a beaucoup de sommeliers aujourd’hui, dans des relais châteaux, dans des palaces, dans des grands restos, qui nous disent, “qu’est-ce que je sers à midi ?, mes clients ne prennent plus de vin”. Il faut donc les condamner à prendre une eau pétillante, en leur disant que c’est une très belle eau et on la vend très cher, soit on va sur autre chose qui va se marier avec la gastronomie. Si on va sur de la bulle et du sucre, on a tendance à tirer le plat vers le bas. Il faut faire vivre le thé à la manière du vin, non pas comme sous-produit du vin, mais un compagnon, un complice, au même titre que le vin. »

Une trentaine de grandes tables françaises ont déjà été séduites par cette offre d’une grande originalité, mais aussi Quartz et Sanzaru en Belgique.

Et les vins ? Euh, non, les thés ?

Grands Jardins (le jardin étant l’équivalent d’une parcelle, d’un climat) va sourcer le thé en direct et travaille sur les grandes régions que sont le triangle d’or, avec bien sûr le Népal, le Vietnam, la Thaïlande, mais aussi avec de grands pays comme la Chine, le Japon, Taïwan, jusqu’à l’Indonésie. Le tout sans oublier l’Afrique, avec le Kenya, la Tanzanie, le Burundi et le Rwanda jusqu’au Malawi, tous pays à mettre en scène.

Le thé est ensuite produit et mis en bouteille de type bourguignon, la plus légère du marché, sans aucun additif, et avec une étiquette qui mentionne le nom de la ‘cuvée’, la parcelle d’origine et le millésime. Le tout avec une capsule à vis pour sceller le thé qui pourra se conserver de la sorte pendant un an et qui sera servi à la température d’un vin blanc.

Une première collection de cinq thés est déjà disponible, à consommer sans modération bien sûr :

  • Satemwa, Shire Highlands (Malawi), fumé à la feuille de goyavier
  • Jasbire, Ilam (Népal), un thé blanc très floral
  • Kagoshima, Kyushu (Japon), avec des notes cacaotées, grillées
  • Sakhejung, Ilam (Népal), un thé d’altitude aromatisé avec une touche de badiane
  • Meung, Bokeo (Laos), la première expérience de vieillissement de Grands Jardins où la prune va évoluer vers l’abricot.

Dans le verre (à pied, forcément), les thés se font tour à tour légers, floraux, boisés, tourbés, iodés… avec une couleur de vin blanc oxydé, mais toujours avec une légère astringence ou amertume. Si les plats proposés par le chef Thibaut van Outryve étaient tous savoureux et délicats, il faudra que notre palais s’ouvre davantage aux saveurs des différents thés. Mais ce n’est qu’une question d’expérience et celle-ci fut de taille. A recommander.

[ Marc Vanel ]