Comment les investisseurs et les promoteurs voient-ils le marché hôtelier à l’horizon 2025, et quel sera le type d’hôtel de demain ? Nous avons posé la question à Fernand David, qui a été pendant 30 ans la figure emblématique belge de la chaîne Hilton avant de jouer le rôle de ‘producteur hôtelier’ sur le marché de la promotion hôtelière européenne. « L’hôtellerie est passée d’un secteur niche à un produit d’investissement à part entière », affirme-t-il. Portrait.

S’il y a un directeur d’hôtel en Belgique dont le nom est associé à la marque Hilton, c’est sans aucun doute l’Ostendais Fernand David. Ayant débuté comme guide sur les circuits en bus organisés par l’auberge de ses parents à Bredene, il s’est ensuite bâti une carrière impressionnante dans le groupe Hilton. Après ses débuts au London Hilton sur Parklane au début des années 1970, c’est à Téhéran, Bruxelles, Hong Kong, Sydney et Perth, qu’il occupera divers postes de direction, avant de revenir à Bruxelles, d’abord comme responsable des hôtels pour le Benelux, puis pour l’Europe occidentale.

« Je repense à ces 30 années passées au Hilton avec une incroyable satisfaction, déclare-t-il. Par la suite, et après une période plus calme consacrée à ma famille, je me suis plongé dans plusieurs projets passionnants, tels que le redémarrage des Sunparks en Belgique, la rénovation complète du Kursaal d’Ostende, avec, en apothéose, l’’Ostend Queen’ sur le toit du bâtiment… Créer des concepts de restauration innovants a toujours été ma passion. »

Comment a débuté votre carrière de promoteur hôtelier ?

« Robelco, à l’époque l’un des principaux acteurs sur le marché belge, m’a demandé conseil. Ensemble, nous avons lancé les hôtels de la Kievitplein, à la gare centrale d’Anvers. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de créer mon entreprise ‘Strategic Hospitality’ et de me lancer à fond dans la promotion hôtelière européenne ».

En fait, vous agissez comme un producteur de films, mais dans le secteur de l’hôtellerie ?

« On peut le dire ainsi, en effet. Chaque dossier est différent, et c’est aussi ce qui rend cette activité si fascinante et intéressante. Mes clients sont surtout des promoteurs immobiliers européens, des marques hôtelières internationales et des exploitants hôteliers professionnels, suivis par des family offices et des investisseurs hôteliers institutionnels. Aujourd’hui, une vingtaine de projets sont en cours, principalement au Benelux et en France, ainsi qu’au Luxembourg, au Portugal et en Suisse ; certains sont encore à l’étude, d’autres sont déjà signés et en cours de construction ».

Quelle forme d’exploitation se porte bien en ce moment ?

« Les grandes enseignes hôtelières se contentent d’exploiter elles-mêmes leurs marques principales et de luxe, mais pour leurs sous-marques lifestyle et budget, elles préfèrent conclure des contrats de franchise avec des exploitants hôteliers professionnels. L’objectif est de réduire considérablement leurs propres risques d’exploitation, en se concentrant uniquement sur les offres de services, telles que les actions internationales de vente & de marketing, les systèmes de réservation, une plateforme d’achat conjoint, des programmes de formation en gestion, sans oublier les cartes de fidélité et le système de points.

De cette manière, elles cèdent les risques à ces exploitants hôteliers spécialisés ‘tiers’, mais ces derniers bénéficient donc de tous les services de marketing et services commerciaux offerts dans le cadre du contrat ».

Il existe également des contrats de gestion dans lesquels l’exploitant, en échange d’une rémunération, gère l’hôtel au nom et pour le compte du promoteur, généralement sur la base d’une combinaison d’un pourcentage du chiffre d’affaires et d’un pourcentage du bénéfice d’exploitation. Le facteur de risque repose donc entièrement sur le promoteur ou le futur propriétaire, et c’est pourquoi les promoteurs évitent généralement ce type de contrat, bien qu’il y ait encore des investisseurs qui souhaitent assumer eux-mêmes le risque. »

Comment les investisseurs et les promoteurs voient-ils le secteur hôtelier en 2024 ?

« L’hôtellerie est passée d’un secteur niche à un produit d’investissement à part entière. Par rapport à des investissements immobiliers plus traditionnels tels que le marché des bureaux ou le marché résidentiel, les hôtels conservent leur valeur après de nombreuses années, grâce aux grandes enseignes hôtelières qui imposent aux exploitants d’hôtels une réserve contractuelle annuelle pour l’entretien et les rénovations éventuelles. Les hôtels sont donc des producteurs de liquidités, mais leur croissance n’est pas aussi rapide que celle du tourisme mondial ».

Comment expliquer ce dernier phénomène ?

« Le ‘défi’ pour les promoteurs de construire de nouveaux hôtels réside dans les difficultés de financement. Les banques traditionnelles fuient le risque et les capitaux doivent donc être trouvés auprès d’investisseurs hôteliers spécialisés, de fonds et de family offices. Les garanties constituent souvent une pierre d’achoppement, et la forte hausse des coûts de construction n’arrange pas les choses. Mais, il y a toujours des investisseurs intelligents et vigilants qui veulent miser sur cette tendance touristique croissante.

Comme de nombreuses entreprises ont remanié leurs espaces de bureaux en lounges et salles de réunion, et que le télétravail est de plus en plus répandu, la dépréciation possible du marché des bureaux constituera certainement aussi une opportunité pour les investisseurs hôteliers spécifiques. Il faut dire également que cela coûte moins cher qu’une démolition et une nouvelle construction ».

Quel est le type d’hôtel de demain ?

« Le ‘wellness’ est le nouveau mantra, bien que de nombreux hôtels proposent déjà une salle de fitness ou une piscine. Mais, aujourd’hui, les clients attendent de plus en plus une culture du bien-être, qui ne se limite donc pas seulement à un peu de fitness, mais fasse partie intégrante de leur expérience hôtelière totale. Les installations de spa telles que sauna et fitness, massages, soins du visage et aromathérapie sont donc en plein essor, et les clients sont prêts à payer plus pour en bénéficier ».

Les chambres sont également équipées de meilleurs matelas aux propriétés thérapeutiques, et l’on voit émerger aussi des phénomènes tels que de systèmes ‘intelligents’ d’éclairage, d’occultation, d’insonorisation et de musique. Les aliments & boissons biologiques et l’eau ‘détox et drainante’ mise à disposition gratuitement sont autant de tendances en vogue.

Dans le monde entier, l’industrie hôtelière connaît en tout cas une profonde évolution avec de nouveaux concepts d’art de vivre tels que Green, Moxy, Hoxton, Aloft, Motto, Yotel, Jam, Yoo2, Jo&Joe, MamaShelter, Tribe et VOCO, pour n’en citer que quelques-uns ».

Abordons à présent la problématique (inévitable) du personnel. Quelle est la situation dans l’hôtellerie ?

« La problématique du personnel restera le défi par excellence dans un avenir proche, mais les hôtels s’adaptent bien en optimisant leurs systèmes, en adaptant leurs programmes de formation à la polyvalence et en créant des emplois plus flexibles. Par rapport à la restauration, qui permet moins de flexibilité, les emplois dans l’hôtellerie sont plus intéressants et plus polyvalents grâce à leurs différents départements. Ils laissent donc plus de place à un travail varié et à un régime à temps partiel. La productivité accrue qui en résulte joue donc au profit des salaires et avantages ».

Comment voyez-vous l’avenir de l’hôtelier indépendant ?

« En Europe, 60 % de l’industrie hôtelière est encore exploitée par des hôteliers indépendants. À titre de comparaison, aux États-Unis, les hôteliers indépendants ne représentent plus que 30 % du marché. C’est une tendance qui va résolument s’étendre à l’Europe, les petits hôteliers choisissant de rejoindre, dans un régime de franchise, des groupes hôteliers plus grands, surtout pour tirer parti de leur puissante machine de marketing et de leur plateforme de réservation ».

Selon la BHA, Bruxelles compte 1.588 chambres supplémentaires depuis l’année dernière, 1.050 viendront s’y ajouter en 2025 et 833 en 2026, soit une augmentation d’un tiers en quelques années. Faut-il craindre une offre excédentaire ou la demande est-elle suffisante ?

« Bruxelles a besoin d’une rénovation hôtelière. De nombreux hôtels existants sont obsolètes et ne répondent plus aux attentes des voyageurs contemporains. Si l’on compare le nombre de nouvelles chambres à venir avec la disparition des hôtels vétustes, notre capitale a sûrement encore besoin d’hôtels supplémentaires compte tenu des prévisions de croissance mondiale du tourisme. Bruxelles est et reste une destination touristique de premier plan. ».

Les chiffres de Visit Brussels montrent déjà que les hôtels bruxellois ont réalisé un taux d’occupation global de 71,3 % pour la période de janvier à septembre 2024, soit une augmentation de 1% par rapport à la même période en 2023. C’est de bon augure pour l’avenir…

Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site www.strategic-hospitality.net

[ Danny Verheyden ]