De tous les secteurs en Belgique, c’est dans celui de l’Horeca que les besoins en personnel sont les plus importants en termes de pourcentage, selon les chiffres de Steunpunt Werk. La cause ? Une forte demande de remplacement, qui résulte du fait que les personnes passent facilement d’un établissement Horeca à un autre ou quittent tout simplement le secteur. La ‘war on talent’ est intense. Que faire donc pour attirer les bons profils ? Et surtout, comment les fidéliser ?
« Le nombre de postes vacants ne cesse d’augmenter. » « Les gens abandonnent le secteur de l’Horeca. » « Il est pratiquement devenu impossible de trouver du personnel. »
Il suffit de discuter avec des exploitants Horeca pour se rendre compte à quel point la pénurie de personnel est criante. Parfois, elle les rend même nostalgiques.
« C’est précisément pour cette raison qu’il est important de dissiper certaines idées fausses persistantes », déclare Robin Vanderelst, directeur d’Horeca Forma, l’organisme de formation du et pour le secteur de l’Horeca.
La première de ces idées fausses est celle selon laquelle le nombre d’emplois vacants continuerait d’augmenter. « Avec environ 11.500 postes vacants par an, la demande de personnel dans le secteur est énorme. Mais depuis 2023, le nombre de postes vacants n’a pas augmenté », déclare M. Vanderelst.
Il souligne d’emblée un deuxième grand malentendu : « On crée le sentiment que les gens ne veulent plus travailler dans l’Horeca, ce qui nuit à notre secteur. Mais si vous regardez les faits, il n’y a jamais eu autant de personnes travaillant dans l’Horeca qu’aujourd’hui. »
Avant la pandémie, 67.000 personnes étaient actives dans le secteur de l’Horeca. En 2023 (les chiffres disponibles les plus récents) ils sont 84.000, soit une augmentation de 10%. Contrairement à la rumeur, les étudiants ou les flexi-jobs ne remplacent pas non plus les équivalents temps plein, dont le nombre augmente également.
Où le bât blesse-t-il alors ? Le secteur est en pleine croissance. Beaucoup de nouvelles entreprises sont venues s’ajouter, la concurrence est donc plus forte. Le personnel n’hésite pas à changer d’établissement s’il y a de meilleures conditions, ou certains quittent carrément le secteur, ce qui entraîne une demande plus forte de remplaçants. « Comme dans de nombreux autres secteurs, l’Horeca est devenu un théâtre d’affrontement dans la ‘war on talent’. Si vous n’investissez pas rapidement dans une bonne politique de recrutement et de fidélisation, vous serez désespérément à la traîne en tant qu’établissement », prévient M. Vanderelst.
Faites preuve d’engagement pendant le processus de recrutement
C’est avec une équipe de 50 employés plein temps, complétée par des flexi-jobs et des étudiants jobistes, que le Yalo Boutique Hotel à Gand veille à ce que son concept reste opérationnel 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, toute l’année durant.
Les deux principaux canaux utilisés par Yalo pour trouver de nouveaux collaborateurs sont son propre réseau et des annonces sur les médias sociaux. « La publicité du bouche à oreille par nos propres employés est toujours la plus efficace. Ils peuvent transmettre l’urban vibe de Yalo aux candidats potentiels comme personne », déclare Paul Suy, directeur du Yalo Boutique Hotel.
Par ailleurs, Yalo accorde une grande importance à l’engagement au cours du processus de recrutement. Les candidats passent plusieurs entretiens, effectuent une période d’essai et le directeur a un entretien individuel avec chacun d’entre eux. « Nous montrons ainsi que nous prenons chaque candidat au sérieux et qu’il ne s’agit pas d’un ‘simple’ emploi dans l’Horeca. Nous transmettons le sentiment d’engagement dès le premier contact », explique M. Suy.
Horeca Forma constate que les entrepreneurs rendent leurs offres d’emploi de plus en plus créatives pour se démarquer. « Et c’est essentiel. Si vous voulez vous démarquer, vous devez investir dans une offre d’emploi attrayante et bien pensée. Les candidats le remarquent et ont ainsi le sentiment que votre entreprise investit réellement dans son personnel », explique M. Vanderelst.
L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée prime
Pour faire face à la pénurie de personnel, la solution consiste davantage à fidéliser qu’à attirer du nouveau personnel.
M. Suy : « Combiner vie de famille et vie professionnel n’est pas toujours évident, cela a toujours été le cas. Mais nous constatons toutefois un changement d’état d’esprit. L’équilibre vie professionnelle/vie privée est devenu plus important. C’est ainsi que de nombreux jeunes d’une vingtaine d’années travaillent 4 jours sur 5. Autrefois, c’était impensable. Ils se préoccupent également moins de l’aspect matériel, mais recherchent davantage à vivre des expériences, voyagent… Parfois, ils travaillent pendant quelques mois, s’en vont et puis ils reviennent. Nous sommes convaincus qu’en tant qu’entreprise, nous devons nous adapter à cette évolution. S’il s’agit d’un bon collaborateur, vous voudrez certainement qu’il revienne chez vous après son voyage autour du monde et qu’il ne choisisse pas un autre établissement Horeca.
6 paramètres importants
Quels sont les facteurs de réussite pour fidéliser votre personnel ? Dans quoi devez-vous investir en tant qu’établissement ? Il n’existe pas de réponse unique ou de formule miracle, mais les études montrent que les six paramètres suivants font que les employés restent plus longtemps.
1. Satisfaction générale
Les employés doivent avoir plaisir à venir travailler. Un bon point de départ consiste à les interroger. « Notre principe de base est ‘connect to the good vibe’ », explique Suy. « Et c’est ce que nous appliquons sur le lieu de travail. Nous créons un environnement de travail amusant et une atmosphère agréable où les collègues peuvent être eux-mêmes. Prendre un verre ensemble après le travail, organiser des événements d’équipe amusants, … font partie de notre ADN.
2. Equilibre vie professionnelle-vie privée
Un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée devient de plus en plus important dans l’Horeca. « Afin d’attirer également les personnes qui souhaitent fonder une famille, de plus en plus d’établissements augmentent le nombre de jours de fermeture et réduisent le nombre de services, voire ferment complètement le week-end », explique M. Vanderelst.
3. Possibilités de carrière
Pour les employés, il est essentiel que des opportunités de carrière leur soient offertes et qu’en tant qu’employeur, vous les facilitiez encore davantage en proposant par exemple des formations. Sapphire House, un hôtel-restaurant d’Anvers, propose des formations Horeca Forma, et investit également dans la formation interne. « Nous examinons les compétences au sein de notre équipe. Notre barista apprend à ses collègues comment préparer un café parfait. En laissant les employés se former eux-mêmes, ils se sentent impliqués et nous les responsabilisons », explique M. Debruyn.
4. Reconnaissance et récompense
Offrir des primes et des bonus est assez rare dans l’Horeca, mais c’est possible. C’est ainsi que Yalo offre un bonus collectif avec des objectifs réalisables qui ne sont pas uniquement financiers.
5. Rémunération et avantages extralégaux
Plus votre système de rémunération est attrayant, mieux c’est. « Cela va de soi », confirme M. Vanderelst. « Même si nous constatons que certaines entreprises offrent, par exemple, une voiture de société à leur chef ou à leur maître d’hôtel, elles ignorent encore trop souvent ce qui est possible dans ce domaine. Leur secrétariat social peut certainement les informer à ce sujet. »
6. Feedback et communication
Selon Horeca Forma, un feedback constructif, une communication ouverte et un bon leadership engendrent les résultats les plus rapides pour le secteur. Ces éléments sont également cruciaux à la Sapphire House. « Nous investissons beaucoup dans la communication. Nous voulons conserver les employés motivés. Cela commence par une bonne intégration, mais tout au long de leur carrière, nous essayons de les impliquer autant que possible en les tenant bien informés, y compris des résultats financiers et des décisions du siège », explique M. Debruyn.
Investissez dans une bonne relation de travail
Selon Horeca Forma, Yalo et Sapphire House, le facteur de réussite le plus important est la relation que vous entretenez avec vos employés. « Offrez-leur une formation, faites en sorte qu’ils se sentent impliqués dans les activités et les objectifs de votre entreprise, donnez-leur leur mot à dire dans les décisions, etc. Cela prend du temps, mais l’investissement est payant. Lorsque vous investissez dans votre personnel, vous pouvez également attendre quelque chose en retour et la rotation du personnel diminuera avec le temps. Dans le cas contraire, vous vous retrouvez dans un cercle vicieux de renouvellement constant du personnel et de nouvelles embauches », déclare M. Vanderelst.
« Et inutile de rendre tout cela trop formel », ajoute M. Debruyn. « Une prise de contact régulière avec votre employé, par exemple autour d’un café et en lui demandant simplement comment il va, peut déjà faire des merveilles. Cela montre que vous êtes attentif et que vous prenez immédiatement le temps de donner votre feedback. Pour nous, c’est essentiel pour construire une relation fructueuse », conclut M. Debruyn.
[ Saar Bentein ]