Loin d’être un nouveau venu en gastronomie ‘durable’, Claude Pohlig fait plutôt office de précurseur, voire de professeur, tant il a toujours eu à cœur de partager sa curiosité et son savoir-faire en ce domaine. Et ce, même avant la tendance locavore qu’il est de bon ton – mais aussi de grande urgence – de pratiquer aujourd’hui. 

Son sens du partage et son savoir-faire culinaire très personnels, il les exerce, entre autres, à l’Atelier ‘Zelf Cooking’ situé en périphérie bruxelloise (Jezus-Eik). C’est là que nous l’avons rencontré et qu’entre deux conseils, il nous a préparé trois plats à base de légumes et de fleurs pour bien débuter l’été.

Mais comme rien n’arrête ce Mastercook, de longue date (depuis 1996), il peut tout aussi bien partager ses connaissances culinaires dans d’autres lieux et autres rencontres festivalières ou maraîchères. Ceux-ci sont, parfois tout aussi inhabituels comme ces lieux de réinsertion sociale en milieux précarisés, ces créations de cantines durables participatives et autres collectivités pour apprendre à ‘manger mieux’.

Précurseur et professeur comme un passeur de savoir

Bien avant la nécessité ou encore les mouvements de défense de nos terroirs locaux et du durable tels que Slow Food, Claude a été l’un des premiers chefs à porter l’attention sur tout ce qui nous entoure de comestible et à l’utilisation du meilleur de notre ‘terre-mère’, pour ne pas dire ‘terre-mer’. Sa cuisine est ainsi devenue au fil du temps extrêmement personnalisée, qualitativement ‘durable’ et artistiquement colorée.

Claude Pohlig, c’est ainsi aujourd’hui tout à la fois le précurseur, le connaisseur, le professeur mais aussi et même avant tout pour nous qui le suivons depuis les années 80, un véritable Artiste. Ses compositions culinaires sont de superbes œuvres d’art ; ses assiettes profitent d’un parfait équilibre visuel et son tour de main tient autant de celui du peintre que de celui du sculpteur. Et ce n’est encore rien dire du goût qui emboite inévitablement le pas au côté visuel. Ceci à grands renforts de saveurs inusitées contenues dans des plantes parfois étranges, des aromates souvent méconnues, des épices bénéfiques pour la santé et bien entendu des produits systématiquement de saison.

De ces trouvailles potagères, il dit : « Beaucoup de plantes de nos jardins sont comestibles mais on ne le sait pas. Il nous faut donc y être attentifs, se renseigner, les goûter et les examiner. Ainsi nous pouvons les travailler en cuisine et en faire des plats pleins de goûts et de couleurs. »

Zelf Cooking et autre philosophie du partage

Juste avant la crise sanitaire, avec ses deux comparses, Damien Poncelet, chef en cuisine durable et Geoffroy Anciaux, artisan conserveur, ils ont créé le Zelf Cooking. Un lieu bucolique situé en bordure de la Forêt de Soignes où des ateliers autour du ‘faire soi-même’ sont programmés suivant diverses thématiques. Et suivant le talent, les compétences de l’un ou de l’autre. Une petite boutique permet de s’y procurer bocaux et autres tapenades. Les cours peuvent être donnés aux particuliers mais aussi aux (futurs) professionnels. Toujours cette envie de partage en avant !

Le chef est allé à bonne école…

Si les bases de sa formation sont classiques avec des passages par chez Pierre Romeyer ou Pierre Fontaine, le chef a toujours poursuivi sa formation en rencontrant et en échangeant avec les gens de la terre. Et quand on lui demande ce qui l’inspire, il n’hésite pas à répondre : « Ce sont les discussions, les rencontres avec les maraîchers, les agriculteurs qui sont pour moi les plus inspirantes. C’est ainsi que l’on avance et que l’on peut au mieux sensibiliser les gens à tout ce qui nous entoure. A la beauté des fleurs, aux saveurs des légumes anciens et à tout ce que la terre nous offre de bon et de beau. Il ne faut pas aller très loin pour trouver tout cela, souvent à côté de chez soi. »

…et partage ses connaissances

Quant à cette question de culture, les produits qu’ils utilisent, outre de son propre jardin que cultive son épouse Myriam, c’est chez différents artisans-producteurs qu’il se les procure.

Et de poursuivre : « Il y a beaucoup de producteurs locaux chez nous où nous pouvons nous procurer tout ce que le terroir offre. Il me tient à cœur d’entretenir de bonnes relations avec les horticulteurs de la région, cela me permet de continuer à découvrir la nature, à échanger et à partager nos connaissances respectives. »

Des conseils de saison ?

« En été, j’aime beaucoup préparer des petits farcis provençaux (poivrons, tomates, courgettes, aubergines), les jeunes carottes, les oignons d’Italie et bien sûr les fleurs de courgette, de Yuca, de bourache. La bourache orientaliste était utilisée anciennement à la place de la feuille de vigne, explique-t-il entre autres nombreuses infos. Tous ces produits donnent de belles assiettes colorées. Les fleurs ont aussi leur saison. En juillet-août : capucines, cosmos, coriandre, tagettes, pensées sauvages ou soucis et sans-soucis sont très bien. Attention à les utiliser au plus près de leur cueillette, lorsqu’elle porte encore la rosée du matin. Mais si vous voulez les conserver, il suffit de les mettre dans une boite sur du papier humide et de les placer dans un endroit frais. Elles resteront belles deux ou trois jours. Mais la nature est si bien faite qu’à chaque saison, les fleurs changent comme les fruits et les légumes. Autant en profiter !

Zelf Cooking

Brusselsesteenweg 700 – 3090 Jezus-Eik
www.zelf.cooking
T 0475 51 31 96 (Claude Pohlig)

[ Joëlle Rochette — photos : © Foto Skopeo ]