Au Japon, les algues font partie de l’alimentation quotidienne. Les Japonais commencent la journée avec un bouillon dashi, enrobent leurs sushis de nori, ajoutent du wakame dans leur salade. Dans notre mer du Nord aussi poussent des algues, mais nous ne les consommons que rarement, voire jamais. Jusqu’à ce que voici une douzaine d’années, un chef de Bredene y prenne littéralement goût et commence à travailler avec les nombreuses algues qu’offre notre mer du Nord. Nous nous sommes joints à lui pour couper les algues le long des brise-lames et dans le spuikom d’Ostende.

Petites et grandes algues

Donald Deschagt : « Il existe plus de 75.000 espèces d’algues réparties en microalgues et macro-algues. Ces dernières, appelées algues de mer se trouvent en abondance dans les milieux marins ; elles peuvent être rouges, vertes ou brunes. Les microalgues ne sont pas visibles à l’œil nu : les mousses qui s’échouent sur le rivage sont des microalgues. C’est ce que l’on appelle la ‘floraison’ de la mer, elle a lieu 2 à 3 fois par an, c’est ‘l’entretien’ de notre mer. La mer du Nord est une mer sauvage, mais très propre, pleine de microalgues.

« Les algues sont bénéfiques pour la planète. 72 % de la terre est constituée d’eau dont nous ne faisons rien ! Les algues poussent de 20 cm par semaine, plus vite que n’importe quelle autre plante. Tout ce dont elles ont besoin, c’est de soleil et d’eau de mer propre. Il faut les couper pour qu’elles repoussent. Il est préférable de ne pas toucher aux algues échouées sur le sable.

« Et elles sont saines : regorgent de minéraux, d’iode, d’oméga-3, d’antioxydants, de protéines, de vitamines et, avec leurs 48 % de sel, elles sont le parfait substitut du sel. Elles apportent un véritable goût d’umami, ce qui signifie qu’elles ne sont pas toujours visibles sur l’assiette. Les algues peuvent également être parfaitement mélangées à l’alimentation animale, ce qui permettra aux vaches d’émettre moins de méthane. On parle toujours d’agriculture, il est temps de faire de l’élevage marin ! Les algues, et par extension les légumes de mer, sont les ‘aliments du futur’.

Vertes, brunes, rouges

Donald : « En tant que Seaweedchef, je travaille avec les macro-algues de la mer du Nord : vertes, brunes et rouges, selon les pigments qu’elles contiennent. À marée basse, sur un brise-lames, on trouve des algues vertes dans la partie supérieure, des algues brunes au milieu et des algues rouges tout en bas, presqu’au niveau de l’eau. Si vous les faites bouillir, elles deviennent toutes vertes. Pour le restaurant, je les conserve dans de l’eau de mer filtrée dans mon ancien vivier à homards. Chaque algue a non seulement sa couleur et son lieu de croissance spécifiques, elle a aussi sa saison.

« L’ALGUE VERTE la plus courante chez nous est l’Ulva ou laitue de mer, l’algue de notre côte. Elle est très savoureuse crue en salade, mais comme elle ne se conserve pas longtemps, nous la rinçons et la séchons pour en faire des flocons ou de la poudre. La laitue de mer contient 90 % d’humidité. Pour 1 kg de laitue séchée, il faut donc 10 kg de laitue fraîche. C’est un merveilleux assaisonnement pour les plats de tomates ou le carpaccio de cœur de bœuf : un peu d’huile d’olive, de la poudre de laitue de mer et un rien de poivre. On peut en faire une belle mayonnaise verte ou en saupoudrer des légumes au four. Elles confèrent également la touche finale à un gin et à divers cocktails et mocktails.

« La codium ou algue feutre ne peut être consommée que crue, son goût s’apparente à celui de l’huitre et elle a, comme son nom l’indique, une structure veloutée.

Le fucus vésiculeux, l’algue bicolore, l’algue japonaise et le wakamé sont des ALGUES BRUNES. L’algue vésiculeuse est l’algue que l’on utilise dans les bourriches pour recouvrir les huitres. Les vésicules contiennent de l’agar-agar, un liant végétal.

« Le wakamé pousse aussi chez nous. Délicieux cru dans une salade agrémentée de sauce soja, de mirin et de sésame. Mais ce wakame n’a rien à voir avec la substance fluorescente que l’on trouve dans les supermarchés, artificiellement colorée et sucrée. Le wakamé se marie bien avec le thé ; nous avons d’ailleurs notre propre thé aux algues qui en contient.

« L’algue japonaise, quant à elle, a un goût de noix ; on peut l’utiliser dans le fromage et donner aux pralines une saveur de noix.

« Le ‘Kombu Royal’ est cultivé à Ostende. Je l’utilise dans mon dashi de la mer du Nord, un bouillon de kombu, de têtes de crevettes fraîches (au lieu de flocons de bonite) et de shiitake macérés dans du soja blanc.

« L’ALGUE ROUGE a besoin de chaleur. La dulse – l’algue rouge la plus populaire – est également cultivée ici à Ostende. C’est une belle petite algue, délicieuse crue, mais qui a un goût de lard lorsqu’on la fait frire (mais pas si on la fait cuire !). Sur notre plateau de fromages, nous la servons en poudre pour accompagner le chèvre. En raison de sa forte teneur en vitamine C, elle était déjà consommée par les marins pour lutter contre le redoutable scorbut.

« L’algue corneille rouge est une véritable algue d’été qui rappelle la salicorne. Les fines brindilles peuvent être mélangées crues dans une salade ou être passées dans une tempura. Elles font également très bel effet dans les cocktails. »

Pour en savoir plus sur le monde merveilleux des algues, comment les utiliser, les acheter : www.lehomardetlamoule.be, page “Studio Zeewier”. Médias sociaux “Studio Zeewier”, “Donald ­Deschagt” “Seaweedchef_

[ Tine Bral — photos : © Piet De Kersgieter ]