Cuisiner pour 2.600 convives ? C’est le quotidien du Directeur F&B Tanberg Dsouza et de son équipe à bord du navire le Rotterdam de la compagnie The Holland America Line.

L’Horeca est une maison aux multiples pièces. D’un petit café de quartier et d’un bistrot à l’ambiance feutrée à une grande brasserie et un restaurant étoilé en passant pas un complexe de salles de fêtes, les différences ne pourraient être plus grandes ; en termes d’aménagement intérieur, d’occupation, d’effectifs, de méthodes de travail en cuisine…

Un monde totalement à part est toutefois celui des navires de croisière. Cuisiner en pleine mer, pour des milliers de convives, sans magasins ou fournisseurs à proximité, exige une planification, des préparations et une flexibilité hors du commun.

Curieux de savoir comment cela se passe sur un tel navire, nous sommes montés à bord du Rotterdam de la Holland America Line à Zeebrugge. Cette compagnie néerlandaise qui, à l’origine, assurait un service de transport maritime entre Rotterdam et New-York, a été rachetée, en 1989, par la société américaine Carnival Corporation & plc. Sa flotte compte 11 navires classiques mais équipés des dernières technologies et propose plus de 500 croisières par an.

Après une série de mesures de sécurité, comparables à celles d’un aéroport, nous sommes invités à monter à bord du navire. Il est gigantesque, au point que nous ne parvenons pas à le photographier. Le Rotterdam mesure 297 mètres de long, a une largeur de 35 mètres et dispose de 12 ponts. Avec sa capacité de 2.668 passagers, le navire n’appartient cependant qu’au milieu de gamme des navires de croisière, le plus grand pouvant accueillir jusqu’à 7.000 passagers.

B.B. King’s Blues Club

Une chose est sûre, les passagers du Rotterdam ne risquent pas de s’ennuyer, d’avoir faim ou soif. Le navire compte 10 restaurants, 19 bars, une énorme salle de théâtre et un casino. Le B.B. King’s Blues Club ou le Rolling Stone Rock Room proposent par exemple des soirées de musique en live.

En ce qui concerne les restaurants, ceux-ci comprennent une brasserie proposant des spécialités françaises et des plats de poisson, une pizzeria, un bar à sushis et un steakhouse. Il y en a donc pour tous les goûts. Certains restaurants sont inclus dans le prix de la croisière, d’autres sont accessibles moyennant un supplément.

Nous sommes allés à la rencontre de l’homme chargé de gérer tout ce petit monde : Tanberg Dsouza, directeur F&B. Tanberg est passé par tous les échelons de l’hôtellerie de luxe et des compagnies de croisière : barman, serveur, directeur de restaurant…

Non moins de 484 personnes travaillent dans l’équipe F&B du Rotterdam, soit 195 chefs, 78 barmen et 211 serveurs. Nous lui demandons de nous expliquer les principales différences entre le F&B à terre et en mer.

« L’hygiène et la santé sont de la plus haute importance sur un navire. Bien sûr, c’est aussi le cas à terre, mais en mer, cela joue un rôle encore plus important. Vous séjournez avec un nombre considérable de personnes relativement proches les unes des autres. Nous utilisons toutes sortes de protocoles pour garantir une bonne hygiène. Chaque aspect fait l’objet d’un rapport. Les cuisines sont inspectées à des moments précis par des organismes externes. Nous n’utilisons jamais de flammes nues dans nos cuisines, tout fonctionne par induction. Toute la production a lieu dans une cuisine centrale, après quoi elle est acheminée vers les cuisines des différents restaurants pour y être transformée. Tout peut ainsi être parfaitement contrôlé et enregistré », explique Tanberg.

Il va de soi que sur un navire de ce type, vous devez de même être capable de gérer sans problème les allergies et les régimes alimentaires. « Nous nous renseignons à ce propos dès la réservation. En principe, les clients doivent nous informer deux mois à l’avance. Chaque jour, nous devons ainsi tenir compte de 120 exigences alimentaires spécifiques.

Et même si le client ne nous communique rien, nous avons prévu tout ce dont nous avons besoin. C’est ainsi que nous disposons d’une sélection standard de produits sans gluten ou sans lactose et de produits sans sel. En guise d’exemple, nous avons également huit types de lait différents à bord. »

30.450 œufs par semaine

Comment Tanberg organise-t-il l’approvisionnement d’un navire aussi gigantesque ? « Je passe ma commande un mois avant le départ de la croisière. Pour les quantités, nous nous basons sur le nombre de passagers enregistrés à ce moment-là, plus un supplément, basé sur l’expérience. Nous travaillons moyennant un système de livraisons assurées, ce qui nous permet d’être sûrs d’obtenir tout ce que nous demandons. Les marchandises arrivent dans des conteneurs.

Outre cette première livraison massive, nous nous approvisionnons également dans les ports où nous faisons escale. Nous y achetons du poisson frais, par exemple, ou, si c’est en France, des fromages français.

Pour vous donner une idée des quantités, nous consommons 30.450 œufs et 20 tonnes de fruits et légumes par semaine. Chaque jour, nous préparons 10.500 repas pour les convives, l’équipage et les officiers », explique Tanberg Dsouza. Tenant compte d’une telle production de masse, il n’est pas simple de continuer à servir des repas variés et de qualité. « Nous y parvenons néanmoins », déclare Tanberg. Pour les repas, nous travaillons par cycle de 35 jours, ce qui signifie que les passagers qui passent 35 jours à bord du navire ne mangeront pas deux fois la même chose. Nous visons vraiment la qualité. C’est ainsi que nos chefs sushi sont tous officiellement diplômés. Nous préparons également presque tout nous-mêmes à bord, y compris le pain et la pâtisserie.

Pour garantir la qualité, Holland America Line travaille avec un Culinary Council. Ce conseil est composé de grands chefs du monde entier. Le chef néerlandais trois étoiles Jonnie Boer, de De Librije, en fait également partie. Sur le navire, nous proposons une fois par semaine le Taste of De Librije, avec des plats de De Librije. Plusieurs fois par an, Jonnie Boer vient à bord pour tout superviser.

Du poisson ultra-frais

Holland America Line a récemment lancé un programme Fresh Fish.

« Cette initiative utilise un réseau mondial de 60 ports pour approvisionner le navire de 80 variétés de poisson frais, le poisson étant servi dans l’assiette moins de 48 heures après la livraison au port », explique Tanberg Dsouza. « Le client peut ainsi déguster du poisson super frais provenant du pays au large duquel il navigue. De la sériole des Caraïbes au barramundi d’Australie. »

La compagnie maritime a nommé le chef japonais de renommée mondiale Masaharu Morimoto ‘Fresh Fish Ambassador’.

Les créations du chef Morimoto peuvent se déguster dans la salle à manger principale de la compagnie de croisière, moyennant un supplément. Depuis peu, les clients de la Holland America Line peuvent également se rendre dans un restaurant pop-up du chef japonais : Morimoto by Sea.

Enfin, nous aimerions savoir comment Tanberg Dsouza vit la vie très particulière à bord d’un navire. « Je la trouve fascinante. Lorsque j’ai du temps libre, je visite les endroits où nous accostons. Le navire me fait voyager à travers le monde. On rencontre aussi beaucoup de gens intéressants et la quantité de divertissements à bord fait en sorte que l’on ne s’ennuie jamais.

En tant que directeur F&B, vous passez quatre mois à bord et deux mois à la maison. « C’est une vie particulière, mais je ne pourrais pas rêver mieux pour le moment. »

www.hollandamerica.com