Poelier Jan D’Hauwe (4e génération) à Sint-Amandsberg/Gand était une adresse incontournable si vous vouliez un délicieux poulet, une pintade et surtout… du gibier en saison. Ses succulents pâtés de gibier étaient légendaires. Lorsqu’il s’est avéré qu’il n’avait pas de successeur, Jan a décidé de laisser son entreprise à un outsider motivé. Deux ans plus tard, on le retrouve aux côtés de son successeur Billy Paelinck pendant la saison du gibier au ‘Petit Chasseur’ à Tielt. Et les pâtés ? Billy les prépare méticuleusement selon la recette de Jan.

Le Petit Chasseur

Lorsque Jan s’est assuré que son fils ne reprendrait pas l’entreprise, il s’est prudemment mis en quête d’un repreneur en dehors du cercle familial. Au cours d’une partie de chasse, il rencontre Thomas De Roover. Ils se sont trouvés un amour commun pour la nature et le beau gibier: Le Petit Chasseur était né. Billy Paelinck, un ami de Thomas, a été séduit par le concept de Jan D’Hauwe et a décidé de participer à la création du Petit Chasseur. Nous y sommes par une journée ensoleillée de fin septembre et la chasse à la perdrix, au canard et au pigeon ramier bat son plein, ce qui en fait un lieu de prédilection pour les chasseurs.

Jan : « J’ai toujours privilégié la qualité, ce qui m’a permis d’approvisionner un grand nombre d’établissements Horeca et de grands restaurants. Ma base était et reste le gibier que les chasseurs me fournissent. (soupir) Le métier de marchand de gibier et volaille est en voie de disparition, il attire peu de jeunes (avec véhémence) et pourtant c’est un métier qui a beaucoup de charme : contact avec les paysans, avec la noblesse, avec les chasseurs.

(regarde autour de lui) « Cette entreprise est la plus belle chose dont je pouvais rêver. Elle est située là où elle doit l’être, au milieu des champs et à proximité des polders, ce qui fait que la chaîne est courte, tant du point de vue des besoins que de l’environnement.

« Dans cette région, il y a tellement de beaux terrains de chasse. Ici, les lièvres vivent au paradis ! Les champs sont proches les uns des autres, ils peuvent y manger les carottes, les betteraves sucrières et à 30 km de là, s’étend tout un polder. (Il me regarde droit dans les yeux) Retenez bien ce que Jan D’Hauwe vous dit : c’est ici que vivent les meilleurs lièvres du monde ! Il n’y a pas de meilleurs lièvres que les lièvres des polders, car ces derniers ont tout ce qu’il faut. Le polder a un sol lourd et c’est ce sol lourd qui déterminera la qualité du lièvre !

« Qu’est-ce qu’un bon marchand de gibier et volaille ? Quelqu’un d’honnête, qui vend ce qu’il défend. Mon pâté de lièvre contient du lièvre – en plus bien sûr du porc/de la graisse, mais il en faut, on ne peut pas faire de pâté sans cela. Ce sont des recettes de mes parents. Jusqu’à il y a deux ans, je les préparais dans l’arrière-cuisine de mon magasin, maintenant Billy les prépare ici dans l’atelier selon ma recette !

(regarde Billy) « Au début, il fallait tâtonner, mais maintenant, Billy vole de ses propres ailes – il se débrouille très bien. Sur mes six collaborateurs, trois m’ont accompagné jusqu’ici, dont mon bras droit, qui a été à mes côtés pendant 20 ans. »

Billy : « C’est un vrai coup de chance. (rires). Le gibier et moi, ça faisait deux, mais lorsque Jan a commencé à parler de ‘son’ gibier, j’ai rapidement été convaincu. Je suis originaire de Coxyde, une région où les marais et les polders attenants regorgent de lièvres qui sont abondamment chassés en saison. J’ai ensuite visité Sint-Amandsberg, j’ai fait la connaissance de son maître boucher et le courant est passé. »

Histoires de chasse

La sonnerie retentit presque constamment et Billy nous propose de rejoindre la salle de réception du gibier. Tous deux ont revêtu un tablier gris, indispensable dans cette pièce. Pendant que Jan et Billy observent attentivement le gibier, les chasseurs racontent leur histoire, comment, dans le Limbourg, ils abattent parfois des sangliers qui deviennent trop incontrôlables, et comment les ­agriculteurs leur demandent de venir réduire les nombreux pigeons ramiers qui mangent les récoltes.

J’apprends qu’en Belgique, on a un droit de chasse à partir de 40 hectares de terrain contigu. Un prix est convenu avec les fermiers pour qu’ils soient autorisés à chasser les pièces. Lorsque l’agriculteur est alors dérangé par le gibier, le chasseur doit intervenir. Les pigeons, en particulier, sont omniprésents dans les champs. Pour les lièvres, il est encore un peu trop tôt, ces derniers ne pouvant être tirés qu’à partir du 15 octobre. Les perdrix grises peuvent déjà l’être, mais elles sont moins nombreuses qu’il y a dix ans. Les pigeons sont présents à partir du 15 juillet, les canards, du 15 août.

Jan : « Le gibier est tout un art, doublé d’une connaissance. Chaque pièce doit être évaluée : ce canard n’a-t-il pas été déchiqueté par les crocs du chien, cette perdrix ou ce faisan ne sont-ils pas criblés de plomb, de sorte que la viande n’est plus utilisable, pas même pour le pâté ?

Billy : « Jan m’a appris à recevoir et à sélectionner le gibier. C’est actuellement la pleine saison des canards, alors vous devez pouvoir les distinguer, vous en réceptionnez de moins de 1 kilo et de plus de 1 kilo. Nous livrons aux clients exactement ce qu’ils demandent. Un chef ne veut que des canards femelles, un autre uniquement des mâles. Idem pour les faisans. Avec ce qui reste, nous préparons du pâté de gibier.

« Les chasseurs peuvent venir déposer leur gibier ici tous les jours dès l’ouverture de la saison de chasse, y compris le dimanche soir. Beaucoup de gens vont à la chasse le dimanche et tout le monde ne dispose pas d’une chambre froide à la maison. C’est pourquoi nous travaillons avec des unités locales de gestion de la faune qui organisent des points d’acceptation du gibier. Nous avons à présent aussi des frigos à Damme et à Alveringem, où les chasseurs peuvent déposer leurs lièvres.

« Tout ce que nous recevons est immédiatement réfrigéré et doit être contrôlé par un membre de l’AFSCA dans les 24 heures. Pendant la saison du gibier, quelqu’un passe tous les jours. Tout ce qui a déjà été inspecté se trouve d’un côté et est étiqueté avec le nom du chasseur, la date de réception, l’animal dont il s’agit, l’endroit où il a été abattu et l’espèce. Pendant la saison de la chasse, je suis constamment dans l’établissement. »

Dans l’atelier

Billy : « C’est ici que nous préparons le gibier avant de le livrer à nos clients. Nous travaillons en partie à la machine, mais sans déroger à la tradition. On plume à sec ce qui confère au gibier une durée de conservation plus longue.

« Nous devons également procéder à un calibrage. Certains chefs ne veulent que des lièvres de moins de trois kilos, d’autres ne veulent que des grands lièvres parce qu’ils servent les filets. Les pilons sont transformés en ragoût. De nombreux restaurants prennent des lièvres entiers pendant quatre à cinq semaines, jusqu’à ce qu’ils aient suffisamment de cuisses, de pilons et d’épaules pour faire du civet, et passent ensuite au dos. Idem pour les faisans. Les premières semaines, ils prennent des faisans entiers. Dès qu’ils ont suffisamment de pilons pour les confire, ils passent aux filets».

Jan a écouté attentivement Billy et conclut: « Après avoir travaillé avec Billy pendant deux ans, je sais que j’ai en lui un digne successeur ! »

www.lepetitchasseur.be

[ Tine Bral – photos : © Marc-Pieter Devos ]