© Egiategia
Des bouteilles récupérées dans les épaves sont parfois vieilles de plusieurs siècles mais néanmoins encore buvables, ce qui leur confère une valeur dépassant souvent l’entendement dans les ventes aux enchères du monde entier. Les fonds marins seraient une cave idéale avec une température fraîche constante, mais la question de savoir si cela apporte une réelle valeur ajoutée dans l’expérience gustative et l’évolution du vin reste relative. S’il s’agit de bouteilles en verre stériles, permettez-moi d’en douter. Les amphores ou les tonneaux en bois, en revanche, sont poreux, ce qui rend la chose beaucoup plus crédible.
Il est presque impossible que seule la minuscule micro-perméabilité de la nature soit à l’origine d’une différence de goût perceptible du liège. Dans le cas d’un tonneau en bois ou d’une amphore, je peux concevoir des interactions maritimes plus importantes. Les tonneaux et les amphores ont des pores qui, selon une certaine logique, peuvent entraîner une transformation de la saveur. Bien qu’il y ait des différences entre les pores du chêne français et du chêne américain, par exemple, et dans les amphores également, la différence entre les argiles influence le résultat. Sous la mer, il n’y a pas d’oxygène et l’oxydation est donc exclue. La profondeur et la pression font qu’il n’y a pas d’évaporation possible et que des fûts pleins restent donc pleins.
Au Pays basque français, plus précisément dans la baie de St Jean de Luz, le vin est vieilli à 15 m sous la surface de l’eau. Emmanuel Poirmeur est l’inspirateur d’Egiategia, une cave qui peut se targuer d’être pionnière en matière de vins fermentés en barriques sous l’eau. La houle de l’océan Atlantique et la pression de l’eau joueraient un rôle important dans le développement du goût salé maritime.
Un projet plus récent auquel je crois également est celui de Lorenzo Zonin (Podore San Cristoforo). Ses vignobles sont situés dans la fantastique région côtière de Toscane, dans la Maremme, au nord-ouest de Grosseto. Son projet ‘Amphora-Maris’ est innovant en ce sens qu’il ne fait pas vieillir le vin dans des fûts mais plutôt dans des amphores artisanales en céramique de 75 cl.
« Chaque amphore est unique », explique Lorenzo. « Après un an et demi au fond de la mer, les micro-organismes propres à la mer développent sur chacune d’elles des teintes et des marquages différents ».
Surprenant dans ce projet; les amphores ne contiennent pas de vin blanc mais du vin rouge. « Les consommateurs sont toujours prêts à dépenser un peu plus pour le vin rouge que pour le blanc et, étant donné le coût élevé de notre projet, il était plus opportun d’utiliser du vin rouge. Nous utilisons le vin le plus exclusif de notre cave, le petit verdot. Cette cuvée mûrit d’abord dans nos caves, dans des fûts de chêne récupérés de 300 litres, avant d’être mise en amphore.
Une deuxième surprise de ce projet réside dans le fait que la mer dans laquelle les amphores sont immergées, à une profondeur de 30 mètres, ne se trouve pas en Toscane, mais dans les Pouilles. « Un ami des Pouilles nous a proposé de faire mûrir nos amphores dans un parc maritime sous-marin, où une équipe de plongeurs professionnels se tient à disposition. Je plonge toujours avec eux pour déposer ou remonter les amphores »
La question clé reste de savoir si ce procédé a un impact sur l’expérience gustative du vin final : « Les vins vieillissent plus vite, pour ainsi dire, indépendamment de l’absence d’oxygène. Les tanins commencent à fondre et les vins s’assouplissent. À l’ouverture, ils sont souvent discrets pour ensuite libérer leurs arômes de manière encore plus puissante avec une touche maritime », explique Lorenzo. Pour acquérir une de ces amphores, il faudra bientôt compter 240,00 euros. Il n’y en a pas beaucoup non plus puisque seules 300 amphores environ sont mises sur le marché chaque année.
Par ailleurs, j’ai également entendu parler d’un projet de gueuze qui mûrit quelque part dans la mer de Croatie. Les boissons qui mûrissent sous le niveau de la mer capteront toujours l’imagination, il suffit de regarder les fûts de whisky qui mûrissent dans les caves des hangars où les vagues se heurtent à la façade. Ce whisky a un goût salé et développe un caractère maritime. Nous sommes loin de nous prononcer sur les mystérieuses boissons qui mûrissent sous la surface de l’eau. Fable ou réalité…, je vous laisse seul juge.
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[ Andy De Brouwer ]