Dans l’histoire de la gastronomie belge, Geert Van Hecke est cité comme le chef du premier restaurant trois étoiles en Flandre, un honneur décerné à De Karmeliet en 1996. En 2016, après 33 ans d’activité, il a fermé les portes de son restaurant pour ouvrir le Zet’joe, plus petit, à deux maisons de là.
« Je prépare une cuisine que j’aime aussi manger personnellement. Vous devez pouvoir voir le produit de qualité dans votre assiette, le goûter, le sentir », nous explique Geert Van Hecke, également considéré comme le précurseur de l’utilisation des épices en Belgique. »
Il était une fois… ?
« En tant que petit-fils d’une famille de boulangers, j’avais à peine 14 ans quand je suis parti en Haute-Savoie, dans les environs d’Annecy, pour faire la plonge dans un petit hôtel de 35 chambres, raconte Geert Van Hecke, originaire de Pittem, et donc pas de Bruges. Cela m’a aussi permis d’apprendre le français pendant deux mois, et je me souviens aussi qu’on cuisinait encore sur une cuisinière à charbon. »
Par la suite, il a suivi l’école hôtelière Ter Duinen à Coxyde pendant 3 ans, de ses 17 à ses 21 ans.
« Je n’étais jamais allé au restaurant, avant l’âge de 20 ans, raconte-t-il. Mon premier stage, je l’ai effectué au Sanglier des Ardennes chez le chef Maurice Cardinael, et puis à la Villa Lorraine chez Freddie Vandecasserie, le premier restaurant tri-étoilé de Belgique et aussi le premier hors de France. J’admirais ces deux chefs. Ensuite, direction Paris, à la luxueuse brasserie Dodin Bouffant, où François Mitterrand était un habitué. J’appartenais à la génération qui considérait la France comme la destination culinaire par excellence, en particulier Paris. Ce qui est typique de la France, c’est que chaque région a une cuisine différente. J’ai ensuite travaillé pendant 2 ans (en 1979 et 1980) avec le célèbre chef Alain Chapel à Mionnay, puis 2 ans à la Cravache d’Or à Bruxelles, pour commencer en 1983 De Karmeliet ».
En décembre 2016, il a lancé le Zet’joe, plus petit (26 couverts). À l’arrière du bâtiment se trouve également Refter, le bistrot de son fils Louis. La cave à vin de De Karmeliet sert d’ailleurs toujours Zet’joe, et l’ancien bâtiment de De Karmeliet est aujourd’hui une salle de classe pour les étudiants de l’école supérieure VIVES.
« Nous travaillons encore toujours avec les mêmes fournisseurs qu’à l’époque, et Marc D’Haenens, mon sous-chef chez De Karmeliet, officie également aux fourneaux de Zet’joe de notre cuisine (désormais) ouverte.
Quelle est votre philosophie dans la cuisine ?
« Il n’existe que deux cuisines, la bonne et la mauvaise, affirme-t-il simplement. J’opte personnellement pour une cuisine que j’aime manger. J’ai un faible pour les épices, et je me considère aussi un peu comme le précurseur dans ce domaine en Belgique. Je raffole dès lors aussi des cuisines étrangères, comme la cuisine japonaise, indienne, chinoise, vietnamienne, sri-lankaise, etc. L’accent est de toute manière mis sur le produit. C’était le cas avant et ça l’est toujours actuellement. Chaque produit est d’ailleurs différent et change en fonction de la saison. J’estime aussi qu’un ingrédient doit apporter une valeur ajoutée lorsqu’il apparait dans l’assiette. Vous devez pouvoir voir le produit de qualité sur votre assiette, le goûter, le sentir. Et non seulement les produits chers ou rares, mais aussi les variétés de viande, de poisson ou de légumes de tous les jours. Je pars aussi toujours de produits frais et de première qualité, du terroir. Je ne suis pas un homme de tendances, pas un chef qui veut d’emblée suivre les dernières modes en matière de cuisine. Un menu composé uniquement de mousses et d’espumas ne me dit rien, même si cela peut être fait à certains endroits. J’ai également appris qu’une cuisine classique légère peut aussi être une cuisine fantastique. La cuisine est et reste un métier ».
L’une des recettes qui suit, un classique de la maison, est le lapin à la royale, préparé avec une bière brune de Rodenbach.
« Je propose ce plat depuis 40 ans. Je suis également un grand amateur de truffes, salsifis et foie gras. Je travaille également souvent avec du cabillaud et de la sole, et avec l’aide de mon épouse, nous décortiquons quotidiennement 1 à 2 kilos de crevettes fraiches que nous allons d’abord chercher nous-mêmes. »
Comment voyez-vous le présent de la gastronomie belge ?
« En tant que chef, il faut être généreux, servir les gens de manière copieuse, mais ce dernier aspect me manque un peu dans certains restaurants. Il faut aussi être flexible : si les gens demandent quelque chose de spécial, il faut pouvoir le leur donner. Je me présente toujours dans la salle ; les clients l’apprécient. N’oubliez pas non plus que tout ne plaît pas à tout le monde ; je le constate parfois avec les touristes étrangers. Je remarque aussi que les gens en savent long sur le vin, mais en savent souvent trop peu sur les produits ».
Que conseillez-vous aux jeunes starters ?
« Mon bon conseil aux starters est qu’ils doivent réaliser beaucoup eux-mêmes et travailler. Tout ne viendra pas tout seul, mais si vous continuez à travailler, tout fini toujours par s’arranger. Les écoles hôtelières restent de toute façon nécessaires. Pour moi, une institution comme l’école hôtelière Ter Duinen est au sommet depuis 60 ans ».
Zet’joe
Langestraat 11, 8000 Brugge
www.zetjoe.be