Originaire de Bourgogne, Vincent Touzot a une formation de pâtissier, glacier, chocolatier et confiseur. Après un parcours international qui passe par Disneyland Paris et la Chine, il arrive en Belgique en 2019 où il demeure désormais et où il anime des ateliers pour les particuliers ou les entreprises. Portrait.

Après un passage au Manoir aux Quat’Saisons** à Oxford, Vincent Touzot acquiert son expérience dans divers établissements en Suisse et en France. De 2007 à 2012, il a l’opportunité d’être maître d’hôtel et de découvrir ainsi le travail de la salle. L’année suivante, il devient chef-pâtissier au restaurant Le Cerf**, à Cossonay en Suisse avant de céder aux sirènes chinoises pour devenir formateur en pâtisserie dans une école avec un traducteur.

« Ce fut une superbe expérience, se souvient-t-il. Vous savez, le port de Shanghai reçoit chaque semaine une cargaison dingue de farine française Label rouge, pour toutes les productions qui sont faites sur place, je n’en revenais pas. Lorsque les Chinois viennent à Paris, ils achètent des sacs de luxe à 2000€, parce qu’ils savent très bien que chez eux, cela vaut 4 ou 5 fois le prix et que s’ils les revendent, cela paiera le voyage. Dans la pâtisserie, c’est exactement pareil. Quand une entreprise utilise du beurre français, ultra connu dans le monde, le public va acheter et tant pis si c’est 10 euros le croissant. Depuis la crise sanitaire, les guerres et les contestations populaires, les Chinois se sont un peu calmés, tout fonctionne sur l’auto-discipline. »

A son retour en France en 2015, Vincent est embauché comme chef-pâtissier à Disneyland. « Cela a été une grosse responsabilité et un sacré challenge, avec des ouvertures de restaurants à thème et la structuration des équipes. Ils n’avaient pas de chef-pâtissier avant que je n’arrive, et ils ne savaient pas trop où ils allaient. Je me suis retrouvé parachuté dans un monde où il fallait produire des buffets pour 5 ou 6 points de vente sur le parc, produire des gâteaux pour des événements spéciaux en grosses quantités, avec des montages, à l’image des personnages de Disney. Mais je passais mon temps devant l’ordinateur à me former, je ne voyais mon équipe que le matin et en fin d’après-midi, ce qui a causé quelques couacs. Ce fut une chouette expérience, j’en suis très content, j’aurais voulu que cela dure, même s’il y a beaucoup de contraintes et pas énormément de liberté. »

Transmettre

Après cette expérience, notre chef-pâtissier se tourne vers l’enseignement et, de 2016 à 2019, devient formateur Pâtisserie et Dessert de restaurant dans un lycée professionnel français et dans un centre de formation en alternance. Fin 2019, suite à une belle proposition, il vient en Belgique pour prendre un poste à l’Otan à Evere, quelques mois avant cette damnée covid…

« Au bout de deux ou trois mois de confinement, j’étais comme un lion en cage, ce n’était pas possible, il fallait que je fasse quelque chose. J’ai décidé fin 2021 de troquer mon statut d’auto-entrepreneur en France et de créer une société belge, ‘Les Sucrées de Vincent’. Je fais de la consultance pour diverses entreprises. J’en ai une à Jumet qui travaille dans la pâte feuilletée semi-industrielle qui m’a contacté pour désucrer leurs pâtisseries, j’ai travaillé chez eux pendant quelques mois., et aussi pour une société de production de gaufres protéinées, où j’ai dû trouver une solution pour qu’elles restent molles même après quatre jours de fabrication. J’ai trouvé le petit produit magique et cela fonctionne bien. Souvent ces sociétés sont absorbées par la production et les jeunes ne prennent pas assez de temps pour réfléchir en amont. »

Par le biais de ses expériences, Vincent lance donc des ateliers culinaires et anime un restaurant éphémère mensuel avec une thématique. En juin dernier, c’était la fraise de l’entrée au dessert, avec un accord mets et vins en collaboration avec un caviste de Waterloo.

« Je donne ces cours de pâtisserie au centre Surya, par groupe de 3 à 10 personnes ou même à domicile, cela attire les gens, car ils peuvent cuisiner avec leur matériel. Ce que l’on me demande le plus, ce sont les macarons. Pas besoin de proposer ces cours-là, les gens me l’imposent… Je fais aussi de la prestation de services de team building dans les entreprises, cela fonctionne plutôt bien. Ce n’est pas vraiment pour apprendre la pâtisserie, mais pour passer un bon moment entre collègues. Préparer quelques pâtisseries et les manger le lendemain en équipe, cela renforce les liens. J’ai aussi régulièrement des demandes de consulting pour des particuliers qui veulent se lancer mais qui sont freinés par le prix que je peux demander, et j’ai pas mal de demandes à l’international aussi. »

Et dans l’Horeca ?

Mais quel restaurant peut se payer un pâtissier à demeure, est-ce un privilège réservé aux étoilés ? « Il y en a peu en effet. J’ai travaillé pour un restaurant à Hoeilaart, pour les aider sur la mise en place des desserts par intermittence, car j’ai connu par le passé 15 ans de travail en coupure et je laisse ma place aux jeunes ! Par exemple, le Chalet de la Forêt** recherche constamment des pâtissiers, ils n’en trouvent pas et pourtant ils sont fermés le week-end…. Beaucoup de mes confrères cherchent du personnel, j’en suis bien conscient. D’où mon intérêt d’être prestataire de services… En Belgique, on parle plutôt des boulangers et des chocolatiers, rarement des pâtissiers. Ici, contrairement à la France, le diplôme lie boulangerie et pâtisserie, mais cela tue le métier, car si un élève n’est intéressé que par la boulangerie et qu’il ne se tape que de la pâtisserie durant sa deuxième année, il arrête par manque d’envie. »

Un conseil à donner à un jeune qui se lance ? « ll faut de la motivation et de la persévérance. On est dans un monde où les réseaux sociaux brisent les rêves des jeunes. Tous ces concours télévisés – Meilleur pâtissier, Top chef, etc – ne montrent pas le vrai métier et le tuent même en quelque sorte. Aujourd’hui, les jeunes se lancent et au bout de deux ans pensent que ça y est, qu’ils ont déjà tout vu et tout fait. Sauf qu’ils ne savent pas faire une crème au beurre normale…

Il faut dire aux jeunes qu’ils doivent d’abord apprendre les bases de la pâtisserie. A tous ceux que je croise en entreprise, je leur dis : “prenez des notes, car le lendemain, vous allez faire la même chose, mais comme vous aurez noté, ce sera déjà rentré dans votre cerveau et vous allez pouvoir apprendre autre chose”. Maintenant ils n’écrivent plus rien, ils ne peuvent pas évoluer dans le métier. Et quand je me retourne, je ne vois personne pour prendre la relève, peu ont la quarantaine, plutôt 48-56 ans.

Le mieux pour un jeune est d’aller se former dans une école prestigieuse française, comme Ferrandi par exemple, puis d’apprendre l’anglais, de prendre un avion et de voyager pour s’ouvrir, partir ailleurs, c’est le b.a.-BA. L’avenir n’est pas en Europe.

J’ai travaillé dans différents corps de métier, dans des petites et grandes entreprises, des cuisines de tailles différentes – on ne fait pas la même chose si on a un long plan de travail ou un court – et aujourd’hui, je peux m’adapter à tout, c’est ce qui fait mon identité. »

www.lessucreesdevincent.be

[ Marc Vanel ]