Rob Van Rompuy,
Chef du service Nutrition de l’hôpital Sint-Andries à Tielt

 

L’alimentation dans le secteur des soins de santé souffre en général d’un problème d’image, mais Rob Van Rompuy, Chef du service Nutrition à l’hôpital Sint-Andries de Tielt, prouve qu’il est possible de faire autrement.

Rob Van Rompuy, originaire de la Campine, a travaillé pendant une vingtaine d’années dans l’Horeca traditionnel ainsi que chez Sodexo, où il a acquis 10 ans d’expérience. Jusqu’à ce que la passion lui vienne de se concentrer sur l’alimentation dans le secteur des soins de santé.

« Il existe une certaine stigmatisation autour des cuisines de collectivité en général, ce qui est très regrettable et n’est pas toujours vrai, affirme-t-il. Dans le domaine des soins de santé en particulier, le terme ‘cuisine de collectivité’ est dépassé. Une cuisine de collectivité signifie que l’on cuisine en plus grandes quantités, tandis que la cuisine au sein d’un centre de soins est une donnée compliquée et complexe, ce qui en fait immédiatement un beau défi.

C’est en suivant une formation au Center for Gastrology, au cœur de Louvain, que j’ai commencé à comprendre l’importance de la nutrition dans les soins de santé. Les cours sont dispensés par Edwig Goossens (www.centerforgastrology.com), un grand inspirateur et porteur de la gastrologie, un cours reconnu qui, soit dit en passant, est très suivi par les collègues des meilleurs hôpitaux néerlandais, tels que l’hôpital Beatrix de Gorinchem, depuis des années le meilleur hôpital régional des Pays-Bas, et l’hôpital Catharina d’Eindhoven. »

Le rôle de la pathologie

Quelle est votre philosophie en matière de cuisine au sein de l’hôpital ?

« Le fait de bien manger joue ici un rôle important, car l’expérience d’un plat est considérée d’un point de vue sensoriel et perceptif qui tient compte de la pathologie du patient. Nous travaillons ensemble de manière pluridisciplinaire afin d’améliorer le bien-être du patient, tant sur le plan mental que physique. La nutrition joue un rôle extrêmement important dans le processus de guérison d’un patient. Dans la pratique quotidienne, l’objectif principal est de pouvoir proposer des repas savoureux, sains et sûrs. »

Dans notre approche, nous ne parlons pas de gastronomie mais de gastrologie dans les soins de santé. La gastrologie comprend la connaissance de l’estomac et nous permet de mieux comprendre et d’améliorer potentiellement l’anatomie et la perception du goût. Nous créons des plats en nous basant sur la connaissance individuelle que nous avons de chaque patient. C’est un privilège de cuisiner en fonction des goûts et des besoins de chacun.

En sept mois de temps, Rob Van ­Rompuy a réalisé une métamorphose complète de l’offre de repas à l’hôpital.

« Nous avons élaboré un menu entièrement nouveau, tant pour le menu conventionnel que pour les exigences diététiques qui y sont liées. Des menus adaptés sont également nécessaires pour les groupes d’oncologie, de gériatrie et de dysphagie. Dans un hôpital, il est de toute façon difficile de passer à un processus individuel des goûts. Ce qu’une personne aime, ne sera pas forcément apprécié par une autre. Il faut également disposer du personnel et du budget nécessaires pour mettre en œuvre un processus individuel des goûts.

La deuxième étape a été le passage d’un système papier à un système entièrement numérique dans notre système de qualité. Toutes les recettes peuvent être consultées numériquement via des tablettes disponibles dans notre cuisine, et le personnel logistique utilise des tablettes pour noter les choix de repas des patients ; bientôt, nous pourrons également montrer aux patients des photos des plats choisis. A nos toutes nouvelles mamans à la maternité nous servons une entrée supplémentaire (généralement un aliment riche en protéines). Il existe également des options alternatives, comme végétaliennes par exemple. Au total, cela représente trois fois 500 repas par jour. Nous livrons également nos repas à un centre de services de soins de santé à l’extérieur de Tielt.

A l’hôpital, j’ai pu mettre à profit les règles HACCP utilisées chez Sodexo et les développer avec l’application Quality Guard.

Tout cela nous a permis d’obtenir un certificat smiley de l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire. Et nous en sommes très fiers. »

L’aspect local prime

En quoi consisteront les prochaines étapes ?

« Notre intention initiale est de maintenir ces normes. L’amélioration constante de nos recettes est la prochaine mission. L’aspect local joue un rôle important à cet égard. Nos pommes de terre sont ainsi achetées à un agriculteur biologique local dont la femme les livre elle-même tous les jours. De même, 80 % du poisson acheté est frais du jour.

Un autre exemple est celui du babeurre destiné à notre service gériatrie. Celui-ci est totalement naturel et ne peut être comparé au babeurre souvent transformé que l’on trouve dans les supermarchés.

Nous préparons également en partie nos propres bouillons pour certaines soupes (soupe à la queue de bœuf). Nous avons de même renoncé à l’utilisation de poudres pour nos soupes. Nous n’utilisons que des légumes frais et nous essayons autant que possible de remplacer le sel dans les soupes par des herbes spéciales, comme l’origan, la menthe, etc. Dans l’ensemble, nous respectons donc la chaîne courte et la chaîne fraîche.

Comment transmettez-vous cette vision au personnel de cuisine ?

« Un état d’esprit positif est en effet important, et être capable de le transmettre au personnel de cuisine (nous avons ici 17 employés à temps plein, personnel de restauration compris) est et reste la clé d’une évolution favorable dans la pratique. Le travail d’équipe est d’ailleurs la capacité de travailler ensemble vers une vision commune. C’est le carburant qui permet à des gens ordinaires d’obtenir des résultats extraordinaires. Croyez-moi : sans travail d’équipe, cela ne fonctionne tout simplement pas, et il n’est pas évident de créer cet esprit d’équipe ; il faut du temps pour que celui-ci s’installe. »

Association professionnelle des Chefs ­Gastro-Engineering et Soins

Quelle est la prochaine étape dans l’offre des repas à l’hôpital ?

« En ce moment, nous mettons tout en œuvre pour hisser le restaurant public à un niveau supérieur. En même temps, nous pensons à nos collègues infirmières, médecins… Il est en effet aussi important qu’ils mangent de manière saine et nutritive. Après tout, chacun a droit à une nourriture savoureuse, saine et sûre. Heureusement, notre direction reconnaît l’importance de la nutrition. Nous aimerions également passer à l’équipement Rational dans notre cuisine de soins de santé professionnellement équipée. »

Ces dernières années, le secteur des soins de santé a souvent été sous pression d’un point de vue social, et les chefs aussi doivent rester vigilants. Ils sont de plus en plus souvent confrontés à des exigences de repas plus complexes et à une demande croissante de solutions personnalisées en matière de goût et de texture pour des groupes de patients spécifiques. Les prestataires de soins de santé sont également confrontés à des problèmes de soins plus complexes.

La nécessité d’actualiser nos connaissances et de nous rapprocher des autres professions de la santé a motivé la création, il y a environ un an, d’une association professionnelle. L’association professionnelle transnationale Chefs Gastro-Engineering et Soins (www.bvchefs.com), qui réunit des chefs belges et néerlandais, a pour objectif de proposer une formation continue adaptée au secteur, de fournir les informations professionnelles nécessaires et de promouvoir les intérêts de ce groupe professionnel.

L’association professionnelle a été créée pour encadrer et soutenir les cuisiniers en soins de santé dans le futur parcours de soins, dans lequel la formation et les connaissances sont cruciales. Les membres fondateurs sont principalement d’anciens élèves du Center of Gastrology de Louvain, mais nous accueillons aussi chaleureusement tous les cuisiniers en soins de santé. C’est ce que souligne Rob Van Rompuy, l’enthousiaste responsable du recrutement.

L’association professionnelle a été fondée par la présidente Lobke Van den Wijngaert.

[ Danny Verheyden ]