Le mardi 3 octobre dernier, le concours biennal international Copa Jerez s’est tenu à Jerez de la Frontera (Andalousie, Espagne). Ce concours, très médiatisé, consiste en une démonstration par duo national d’un chef et d’un sommelier qui donnent le meilleur d’eux-mêmes pour présenter à un jury international de haut niveau un menu trois services accompagné à chaque fois du Sherry approprié. L’équipe belge est composée du sommelier Gianluci di Taranto et du chef Arnout Desmedt. Le président du jury n’est autre que Josep Roca, sommelier en chef et copropriétaire du réputé restaurant familial ‘El Celler de Can Roca’. Cette année, le jury n’était composé que de femmes ; Melania Bellesini (sommelière en chef du restaurant ‘The Fat Duck’ à Londres) Pascaline Lepeltier (Master sommelière NY/Meilleure sommelière de France) Almudena Alberca (Master of Wine espagnole) et last but not least!! la first lady du paysage viticole mondial, Jancis Robinson (Master of Wine/Autrice). Pour qui ne la connait pas, tapez sans tarder son nom dans un moteur de recherche et vous découvrirez combien son parcours est époustouflant et rarement vu.

Le duo belge Arnout Desmedt et Gianluca di Taranto

Arnout, comment votre duo s’est-il formé ? « C’est un peu grâce au confinement que Gianluca et moi-même avons appris à mieux nous connaitre », raconte Arnout. « Je faisais cuire du pain et Gianluca venait en chercher tous les jours en courant, une bouteille de vin sous le bras. Il a remarqué que j’étais un buveur classique et m’a aidé à reconsidérer ma vision. Petit à petit, j’ai commencé à apprécier le caractère oxydatif des vins que Gianluca me proposait. Il est devenu mon véritable modèle dans la découverte du Sherry et cela qui m’a donné l’envie de participer à ce concours de cuisine.

Voici trois ans, en tant que duo, nous avons perdu, à juste titre, le tour préliminaire contre Paul-Henri Cuvelier et Fabian Bail (restaurant Paul-de-Pierre). Le fait de ne pas avoir remporté la sélection belge à l’époque a été une source de motivation qui nous a permis, dans l’intervalle,  d’accumuler plus d’expérience avec le Sherry et de remporter ainsi la sélection nationale en mars de l’année dernière avec une longueur d’avance sur le restaurant Humphrey et le restaurant Les Coudes sur la Table. »

Arnout, d’où vient votre passion pour la cuisine ? « Je commencé à cuisiner grâce à la passion qu’avaient notre mère et notre grand-mère pour les bons petits plats. Mes parents voulaient que j’obtienne d’abord un diplôme d’humanités classiques ce qui m’a permis d’acquérir beaucoup de maturité. Ensuite, je suis allé à l’école hôtelière de Coxyde où j’ai dû refaire mes deux dernières années avec en plus une année de spécialisation en cuisine. Mes premières expériences professionnelles en Belgique ont été notamment Cent-pour-Cent et De Tuinkamer (Beersel, Putte) chez Ken Verschuren. Ma carrière s’est totalement épanouie en Espagne. J’y ai d’abord travaillé à Anua dans le nord de l’Espagne et plus tard, plus au sud à Valence chez le chef Dani Garcia. A 22 ans, je suis devenu indépendant par le biais du beau-père de ma sœur. C’est un entrepreneur disposant d’un énorme réseau et il m’a immédiatement  fourni une liste de clients potentiellement intéressés. Il m’a convaincu et poussé à devenir chef à domicile et à présent nous en sommes à dix ans d’activités », nous informe Arnout.

Gianluca, d’où vient votre amour pour le Sherry ? « Comme de nombreux sommeliers, je suis également passé par une période de vins naturels et il est vrai qu’aujourd’hui j’en suis un peu revenu. Tout a commencé par le Beaujolais naturel, puis des vins de Loire et plus tard, j’ai appris à apprécier les vins du Jura. C’est ainsi que j’ai développé mon amour pour les vins oxydatifs, que j’ai découvert le Sherry et que je m’y suis intéressé.  

Le sherry est un produit qui demande de l’attention et qui présente une grande diversité et une grande polyvalence. Le monde du Sherry est unique et historique et c’est précisément ce qui le rend si fascinant. La qualité est généralement très élevée et les prix compétitifs, ce qui ouvre de nombreuses perspectives pour le sommelier. Il est toujours préférable de proposer d’abord une petite dégustation. Vous constatez alors si les gens y sont ouverts ou non. Avec le Sherry, vous pouvez surprendre beaucoup de clients en leur proposant une nouvelle saveur qui existe en fait depuis des siècles », ajoute Gianluca.

Gianluca, racontez-nous comment s’est déroulée votre passionnante carrière jusqu’à présent? « Comme c’était souvent le cas par le passé, en tant que fils ou fille d’un restaurateur, j’ai dû dès mon plus jeune âge aider dans l’établissement où des tâches simples comme débarrasser les tables, prendre les manteaux et vider les cendriers m’étaient confiées. Mes parents possèdent un restaurant italien ‘Spiga d’Oro’ à Hever où j’ai commencé à travailler presque à temps plein grâce au système de formation en alternance. À la fin de ce contrat, mon père m’a envoyé à l’académie du vin à la Sintra. Ma première année a été un fiasco, je suis vraiment passé par les mailles du filet, mais la deuxième année s’est mieux passée.

Au cours de la troisième année, j’ai vraiment pris goût au vin et j’ai réussi avec brio, ce qui m’a encouragé à poursuivre mes études sur le vin à Suze-La Rousse, en France. Ces études ont élargi mes connaissances sur le vin à d’autres pays et continents, car auparavant, j’étais évidemment plus axé sur les vins italiens. À mon retour en Belgique, il n’a pas été facile de convaincre papa que je n’allais plus travailler dans le restaurant familial. Grâce aux négociations de notre mère, j’ai néanmoins pu déployer mes ailes dans la haute gastronomie belge. J’ai donc d’abord travaillé chez t’Zilte pendant un an et demi, mais c’est au ‘The Jane’ que j’ai passé la plus grande partie de ma carrière. J’y ai d’abord été sommelier, puis maître-sommelier. C’est au cours de cette période de près de huit ans que j’ai également participé à des concours et que j’ai poursuivi mes études. Je suis ainsi arrivé deux fois deuxième au concours du Meilleur Sommelier de Belgique et en 2019, j’ai été lauréat. En 2021, j’ai obtenu mon diplôme WSET. Actuellement, je travaille comme consultant indépendant en vins pour plusieurs restaurants Michelin et, depuis deux ans, principalement pour le groupe de Marc Coucke et Wout Bru à Durbuy. »

Le résultat

Malheureusement, le titre principal de vainqueur de la Copa Jerez 20 revient au duo danois qui a déjà remporté le titre de meilleur chef. Mais le titre de meilleur sommelier du championnat revient, à juste titre, à notre Gianluca di Taranto, ce dont nous sommes tous très fiers et heureux. Pour Arnout, c’est une déception, car manquer un titre a toujours un goût amer, surtout quand tout le monde vous rend fou à force de vous féliciter à l’avance. Un débriefing spontané avec beaucoup d’éloges de la part de Pascaline Lepeltier redonne le moral à notre talentueux chef. Quoi qu’il en soit, c’est une expérience fantastique et un privilège de participer à la COPA JEREZ.

(ADB)