Gitte a grandi au ’t Zilte à Mol, le restaurant de ses parents, le chef Viki Geunes et Viviane Plaquet, responsable de salle. Enfant, elle a surtout vu ses parents travailler et préférait se tenir loin de toute activité culinaire. Mais comme elle le dit elle-même ‘j’avais quand même le virus de l’Horeca dans le sang’ et aujourd’hui, elle officie en tant que manager du restaurant tri-étoilé de ses parents, Zilte, situé dans les hauteurs du MAS d’Anvers.

Grandir dans un restaurant étoilé

Gitte : « Mes parents ont créé ‘t Zilte à Mol en 1996, je suis née en 1997, je n’ai donc jamais rien connu d’autre que de voir mes parents travailler sept jours sur sept. Enfant, je n’aimais pas du tout cela. Il est, en effet, difficile de comprendre ce que font exactement ses parents. J’ai heureusement eu de très bons grands-parents du côté de mon père, des gens très gentils, ce qui ne veut pas dire que les parents ne vous manquent pas. Rétrospectivement, ce n’était pas une mauvaise chose. Je pense que je ferais la même chose.

« Mes parents ne m’ont jamais mis la pression, j’ai pu choisir, faire ce que je voulais. J’ai vite compris que l’école n’était pas faite pour moi. Un peu comme mon père d’ailleurs, ce n’était pas pour lui non plus. J’ai fréquenté l’Académie des beaux-arts d’Anvers, d’abord en arts du spectacle, puis en arts audiovisuels. En dernière année, nous devions organiser un événement. J’étais rédactrice en chef, j’ai tout de suite senti que c’était ce que je voulais faire et j’ai suivi le cours de gestion d’événements. J’ai fait mon stage à Tomorrowland et j’y suis restée avec un contrat à durée indéterminée. »

De Tomorrowland à Zilte

Gitte : « En 2020, mes parents ont décidé de déplacer l’orientation du restaurant de l’autre côté du neuvième étage du MAS, d’installer la salle de fêtes à l’endroit du restaurant et de renommer Zilte – sans le ‘t’. Il y avait soudain un espace pour les événements et je mourais d’envie de m’en occuper. J’ai proposé cette idée à mon père, et il était d’accord, mais il voulait que tout soit bien réfléchi. C’est ce que nous avons fait et j’ai commencé en tant qu’event manager, et puis… vint le corona (soupir). La salle ne pouvait/devait pas ouvrir et, entre les différentes vagues du corona, j’ai commencé à donner un coup de main au restaurant (rires). J’y suis finalement restée et suis devenue Directrice du restaurant.

« Aujourd’hui, je n’ai plus rien à voir avec les événements. (Elle réfléchit) On dit que ‘le hasard n’existe pas’, mais à un moment ou à un autre, quelque chose d’inattendu se présente à vous. Vous pouvez planifier votre avenir à merveille, mais il y a toujours des moments qui sont des points de basculement où les circonstances se réunissent et vous envoient dans une certaine direction. Avec le recul, cela n’aurait pu mieux se passer… »

Une journée de travail

Gitte : Elle commence à 10 h, (rires) belle heure, par le repassage des nappes, l’aménagement de la salle, l’impression des menus du jour. Ensuite, je passe par mon bureau afin de vérifier si des mails ou une réservation de dernière minute sont entrés.

« Tout doit alors être fin prêt dans la cuisine pour un service fluide. A 11.30h, nous avons un briefing et à 12h, nous accueillons nos premiers clients. Nous terminons vers 17h et à 19h nous accueillons nos clients pour le service du soir. Cela parait très routinier, mais c’est indispensable à ce niveau. Nous ne sommes certainement pas rigides. Nous voulons que nos clients se sentent chez eux, vous entrez dans une petite famille, ce que nous sommes d’ailleurs. Sentez-vous à la maison, soyez à l’aise et laissez-vous choyer. Nous recevons nos convives dans le lounge, ce qui crée d’emblée une atmosphère familiale. Tout doit bien sûr être correct.

« Les établissements 3 étoiles ont évolué, les temps ont changé, l’aspect humain doit être mis en avant. L’étiquette est là, mais nous nous en écartons parfois pour ne pas déranger nos hôtes. »

En famille

Gitte : « Au début, comme dans toute famille, nous avons connu quelques difficultés. Mais comme on se connaît bien, on sait comment cette personne va réagir et cela se résout finalement tout seul. Il s’agit d’évoluer pour qu’ensemble nous devenions meilleurs.

« Selon moi, travailler en famille n’a que des avantages. Mon père dit toujours : « Je n’ai plus quatre yeux qui regardent à présent, mais huit ». Il a beaucoup plus de contrôle, c’est donc un avantage. Mon ami Aaron (le sommelier Aaron Moeraert) et moi-même travaillons avec juste ce petit plus de respect pour mes parents. Nous sommes fiers de ce qu’ils ont accompli et nous sommes donc heureux d’en faire toujours un peu plus. »

« Le Zilte arbore ses 3 étoiles depuis 2 ans, nous ne sommes donc qu’un établissement 3 étoiles ‘novice’. Nous estimons que nous pouvons encore améliorer beaucoup de choses, nous en parlons presque tous les jours. Comment nous pouvons par exemple rendre notre établissement encore meilleur, plus agréable et plus chaleureux. Nous n’en sommes qu’aux balbutiements en termes d’étoiles. Notre objectif pour les prochaines années est de devenir un établissement 3 étoiles solide qui fasse office de référence pendant des années. »

Se détendre

Gitte : « Non, je ne fais pas de sport. Je pense que nous faisons suffisamment de ‘sport’ pendant la semaine. (rires) Que nous parcourons les kilomètres et le nombre de pas requis.

« Aaron et moi, nous nous détendons en allant manger au restaurant. Nous jouons jour après jour à un niveau tellement élevé que nous avons souvent envie à notre tour de glisser les pieds sous la table, et ce tant dans des restaurants étoilés que dans la brasserie du coin, en savourant un bon morceau de poisson, de bons spaghettis. À chaque niveau, vous pouvez apprendre et retenir quelque chose pour vous même, des choses qui vous tiennent à cœur. Et bien sûr, nous rendons visite à notre famille, ce qui est également très important. »

L’Avenir

Gitte : « Aaron et moi sommes ensemble depuis huit ans. Il était déjà sommelier au Zilte quand je l’ai rencontré par hasard et… l’étincelle a jailli (rire). Comme ce fut le cas pour mes parents, il s’agissait aussi d’un coup de foudre. Aujourd’hui, nous en rions, mais à l’époque, c’était un peu plus difficile. Votre fille s’est soudainement amourachée d’un de vos employés….

« Huit ans, oui, et le mot ‘enfants’ tombe de temps en temps. À mon avis, il n’y a jamais de bon moment, il y a toujours des solutions, j’en ai fait l’expérience personnellement. Je suis très détendue à ce sujet. Je veux des enfants, oui, mais chaque chose en son temps, je n’ai que 26 ans.

« Oui, l’Horeca représente beaucoup d’heures, mais c’est vrai pour tout travailleur indépendant. L’Horeca exige de la passion et celle-ci peut être présente à n’importe quel âge. En tant qu’ado, cela me paraissait invraisemblable ! Si quelque chose vous titille, lancez-vous ! Il y a tellement d’aspects, c’est à la fois un métier et une profession. Il faut avoir envie d’apprendre. Une fois qu’on a franchi le pas, cela devient de plus en plus amusant. Ce n’est pas un métier que l’on doit faire toute sa vie, mais que l’on peut faire toute sa vie.

Zilte***
MAS, Hanzestedenplaats 5,
2000 Antwerpen
www.zilte.be

[ Tine Bral ]