Moment de convivialité par excellence, l’apéritif a des origines italiennes. Il serait né à Turin en 1786, où un certain Antonio Benedeto Carpano créa le vermouth, une boisson à base de vin aromatisé avec diverses plantes aromatiques.
Plus tard, des maisons comme Martini, Gancia ou Cinzano (que l’on fête le 30 février, écrivait Boris Vian) popularisèrent cette boisson dont nos grands-parents raffolaient. Il en existe de multiples variantes. Aujourd’hui, le terme désigne également chez nous, le moment qui précède le repas, où les convives avalent moultes chips, cacahouètes et autres rondelles de saucisson, et arrivent au moment du repas, déjà rassasiés. La gastronomie vaut bien sûr mieux que cela et l’apéritif (c’est même sa racine latine) doit ouvrir l’appétit et non le fermer.
Les amers à boire
Quoi qu’il en soit, les Italiens sont passés maîtres dans l’art de l’apéritif. Deux catégories dominent le marché.
Tout d’abord, les ‘amari’. Ces liqueurs douces-amères à base de fruits, d’arômes et d’herbes locales obtenues par macération dans de l’alcool neutre, d’herbes, de racines, d’écorces et de zestes d’agrumes. Chaque amaro a sa propre recette : gentiane, angélique, genévrier, anis, fenouil, menthe, réglisse… A base d’orange bitters, de Campari ou d’Apérol obtenu à partir d’un mélange d’herbes, de racines, d’écorces de quinquina, de rhubarbe, de gentiane et d’oranges amères, Spritz, Negroni et Americano sont aujourd’hui les trois cocktails d’apéritifs les plus connus en Italie, mais dans le monde aussi. Ce ne sont évidemment pas les seuls.
Les vermouths
Au Moyen-âge, les deux centres de production du vermouth sont bien établis : l’un dans le Piémont, le second dans le sud-est de la France. Le royaume de Savoie couvre à cette époque ces deux régions, avec Chambéry pour capitale. On pourrait donc dire que le Vermouth n’est pas totalement d’origine italienne (mais savoyarde), mais ne créons pas de querelle stérile…
A l’époque, la région produit une quantité abondante de vins, mais de qualité médiocre, qui nécessitent d’être améliorés. La Savoie profite également de sa proximité avec Venise, qui commerce avec l’est de l’Afrique, l’Inde, l’Indonésie, et distribue ainsi une multitude de nouvelles plantes aromatiques et d’épices exotiques telles que cardamone, cannelle, clou de girofle ou gingembre, offrant une infinie variété de nouvelles flaveurs pour la production de vermouth.
La première marque commerciale de vermouth a été créée à Turin en 1786 par un apothicaire italien dénommé Antonio Benetto Carpano. Contrairement à ses prédécesseurs, il utilise un vin de Muscat de bonne qualité auquel il ajoute ses ingrédients. Il fortifie le vin avec de l’alcool et dénomme sa recette ‘Wermut’. Cette marque devient rapidement populaire à tel point qu’elle est adoptée et recommandée par Amedeo III, duc de Savoie. La langue française étant la langue principale parlée en Savoie, le mot allemand ‘Wermut’ est abandonné et remplacé par ‘Vermouth’.
Joseph Noilly, herboriste à Lyon, produit aussi des vermouths et constate que ses produits transportés par bateau développent des arômes spécifiques au contact de l’atmosphère saline. Il s’installe en 1813 à Marseille pour bénéficier de ces conditions maritimes, aromatise ses vins avec de l’absinthe, de la camomille, de l’orange amer, créant ainsi un vermouth sec encore produit aujourd’hui, le Noilly Prat.
D’autres familles suivront l’exemple de Carpano et de Noilly pour commercialiser des vermouths : Martini & Rossi, Cinzano, Gancia, Cocchi… en Italie, et Dolin, Chambéry, et Lillet en France.
A cette époque, on différencie les vermouths italiens au style doux des vermouths français au style sec. La grande majorité des vermouths sont produits à partir de vin blanc, les vermouths ‘rouges’ étant obtenus par l’adjonction de caramel qui lui donne cette couleur rouge-ambrée. Les vins rouges sont peu adaptés à la production de vermouth, car les tannins du vin peuvent s’oxyder et madériser.
Mais, nuance importante, le vermouth se distingue des autres vins aromatisés par le fait qu’il doit contenir une plante spécifique, l’Artemisia absinthium, ou Absinthe, dénommée Wermut en allemand et qui lui a donné son nom. La variété d’Artemisia n’est pas spécifiée, ni même sa quantité. Le produit fini doit contenir au minimum 75% de vin, et doit titrer entre 14,5% et 22% d’alcool.
Attention, le vermouth n’est pas un vin cuit, contrairement à ce que le consommateur pense souvent, et il en existe une infinie variété, du plus sec au plus doux, c’est surtout la qualité des vins employés et la combinaison des plantes et épices qui sont à l’origine de cette diversité et qui font son originalité.
Et les autres ?
Mais ces deux catégories ne sont pas les seules, l’Italie produit également des apéritifs plus doux, à base d’amandes amères ou d’autres fruits. Titrant généralement à 28 ° d’alcool, l’amaretto est l’un d’entre eux, c’est une liqueur qui est appréciée comme apéritif mais aussi en digestif. « Son goût doucereux et sucré, souligne le site de Schweppes qui l’intègre dans ses cocktails, est créé à partir de noyaux d’abricot ou de pêche, ce qui lui donne un goût spécifique, reconnaissable entre tous. »
Enfin, terminons avec un incontournable : le limoncello, originaire du sud de l’Italie. Autour de Naples et de Sorrente, en Campanie, le limoncello bénéficie d’une appellation au titre des ‘produits agroalimentaires traditionnels italiens’. A base de zestes de citron, d’alcool, d’eau et de sucre, il est habituellement servi glacé, en digestif. Conseil : la liqueur de limoncello est encore meilleure ! Ceux qui n’aiment pas le sucre opteront pour une grappa, de préférence barriquée.
Cocktail à base de gin (ou de vodka selon les films) et de vermouth blanc sec, le Dry Martini est la boisson fétiche de James Bond, qui le préfère mélangé à la cuillère, accompagné d’une olive verte. Le Vermouth peut se boire pur, mais il est aussi l’ingrédient de nombreux cocktails classiques, tels que les Manhattan, Negroni, Americano et autres Martinez.
Quatre bars qu’il faut connaître
Le Harry’s Bar à Venise, à deux pas de la place Saint-Marc, est célèbre depuis les années 1930 pour les cocktails inventés par son cofondateur, Giuseppe Cipriani (également créateur du célèbre Carpaccio de bœuf dans les années 50) : Bellini ou Tiziano.
Toujours à Venise, le Caffè Florian est le plus ancien café d’Italie, il a été fondé en 1720 et sa décoration est inchangée depuis 1858.
Situé dans le centre historique de Gênes, à quelques pas de la cathédrale, le Caffè degli Specchi a ouvert ses portes en 1908 comme magasin d’alcools, de nombreux artistes sont passés par là.
Un bar du même nom se situe à Trieste sur la Piazza Unità d’Italia. En activité depuis 1893, il est considéré comme le salon de la ville, il a vu défiler nombre d’intellectuels italiens et européens, dont
James Joyce.
[ Marc Vanel ]