Gérald Watelet est une figure singulière. Propriétaire de la boutique à son nom à Uccle et connu pour son parcours éclectique dans la mode, le design et la télévision, il se réinvente désormais en tant que consultant Horeca, renouant ainsi avec sa première passion. Dans cette interview, il nous plonge dans son rôle de consultant auprès du restaurant Le Corbier, dévoilant comment il insuffle son amour du détail et de l’authenticité dans ce projet.

Un parcours aux multiples facettes

Gérald Watelet a été sollicité pour redonner vie au restaurant Le Corbier, situé au cœur de Bruxelles, à deux pas du ­Sablon. Cet établissement mythique, connu pour avoir accueilli des célébrités comme Alain Delon ou Maurane, a rouvert en septembre 2024. Avec Delphine Roberti de Winghe et Arnaud Le Grelle, un jeune couple d’entrepreneurs passionné de gastronomie, Gérald a totalement métamorphosé le lieu. L’intérieur marie des éléments traditionnels comme les briques apparentes et les vieilles poutres avec des touches modernes telles qu’un puits de lumière. Le décor est marqué par un luxe feutré, où velours, argenterie et vaisselle raffinée se conjuguent pour offrir une atmosphère intemporelle et chaleureuse. Il a mis son expertise au service de ce projet, contribuant à redonner une âme au lieu.

« On me connaît dans la mode, le design, pourtant l’Horeca demeure mon premier métier. Mais comment en suis-je arrivé à devenir consultant ? La réponse est simple : une rencontre ! Arnaud et Delphine, jeunes entrepreneurs dynamiques, m’ont contacté pour un projet hôtelier ambitieux. Ils m’ont invité à dîner sans me dire où nous allions. L’histoire a pris une tournure inattendue lorsqu’ils m’ont demandé de m’occuper d’un restaurant qu’ils venaient d’acquérir. C’est là que j’ai découvert Le Corbier, un établissement emblématique de la capitale qu’ils fréquentaient et appréciaient depuis plusieurs années. Je n’y étais jamais allé, j’en avais juste entendu parler. »

Cette rencontre a débouché sur un nouveau défi pour Gérald : « Avec Arnaud et Delphine, nous nous entendons vraiment très bien. Ils ont vingt ans de moins que moi, et d’une certaine façon, ce sont un peu les enfants que je n’ai pas eus. Je les trouve extrêmement entreprenants, dynamiques, vaillants et clairvoyants. C’est un couple qui mérite d’être connu. Au fil de nos discussions sur l’aménagement et les décisions à prendre en tant que consultant, ils m’ont proposé de m’investir davantage dans la partie Horeca. Sur le moment, j’hésitais, cela faisait si longtemps… »

Mais finalement, Gérald accepte. « Ils m’ont laissé une grande liberté. J’ai apporté une touche traditionnelle que des entrepreneurs de leur génération apprécient sans toujours pouvoir la mettre en œuvre. » Redevenir acteur dans un secteur qu’il avait quitté depuis des années aurait pu effrayer Gérald. « Ce qui me faisait un peu peur, c’était surtout la différence d’âge et le manque d’expérience d’Arnaud et Delphine dans le secteur de l’Horeca. Mais heureusement, leur projet n’avait rien à voir avec les tendances actuelles où l’on commande via un QR code. Le Corbier, c’est une véritable maison dans l’esprit des grandes tables d’antan, où l’on vient chercher une expérience complète. »

L’art de recevoir

Inspiré de son passage à l’École hôtelière de Namur et de ses débuts à la Villa Lorraine, Gérald réintroduit les fondamentaux du service classique. « Nous avons tout pensé pour que l’expérience soit complète, des nappes blanches à l’argenterie chinée. Il fallait que chaque détail évoque l’élégance intemporelle. »

Côté décoration, Gérald a fait appel à des artisans qu’il connaît bien. « J’ai tout choisi avec Delphine en imposant parfois des choses qui étaient très claires dans ma tête mais qui ne l’étaient pas forcément dans la sienne. J’ai chiné sur des marchés pendant quasiment un an. C’est un travail qui a pris du temps mais c’était incontournable pour moi. S’il n’y avait pas eu tout ça, je n’aurais pas participé au projet. J’avais une idée bien précise ; si je m’engageais à titre personnel, il fallait que cela me ressemble. Les moquettes, les tissus, les Delft bleu et blanc ont été faits sur mesure par des artisans avec lesquels je travaille habituellement. C’est du maximalisme contrôlé, rien n’a été laissé au hasard.»

Une pièce retient particulièrement l’attention : le fumoir. « Arnaud a eu l’idée d’en creuser les fondations. Ce n’est pas un box de punition, mais un lieu où l’on prolonge la soirée dans une ambiance chaleureuse. » Il remarque avec malice : « On oublie combien de personnes fument encore et combien elles apprécient un lieu confortable pour cela. »

Pour Gérald, chaque projet est un tout, où le décor est aussi important que l’assiette. « Beaucoup de restaurants placent tout le glamour dans la cuisine, oubliant que le cadre compte tout autant. Une maison, c’est un décor, un accueil, un art de recevoir. Il y a une vraie noblesse dans l’hospitalité. »

Le Corbier mise sur une gastronomie bourgeoise revisitée. La carte, élaborée avec le chef Olivier Chanteux, propose des classiques tels que le pâté de campagne ou la côte de bœuf sauce béarnaise, accompagnés de vins belges et français soigneusement sélectionnés. Même si le chef a quartier libre pour le choix de ses fournisseurs, Gérald a aussi apporté sa contribution. « A l’apéritif, je voulais du Pineau des Charentes, du Negroni,… Et en entrée, des cuisses de grenouille ou encore des classiques qu’on ne trouve plus beaucoup mais qui restent des madeleines de Proust. Résultat ? Un vrai succès ! Les cuisses de grenouilles se vendent comme des croissants ! » plaisante-t-il.

Bien plus qu’un consultant

Cette vision plus traditionnelle de l’Horeca est au cœur du projet du consultant. Le restaurant doit offrir une expérience qui va au-delà du simple repas : un lieu de convivialité et de partage. Tout est plaisir dans ce lieu bruxellois, véritable repère pour épicuriens. « Mon rôle ne s’arrête pas à celui de consultant : je suis également présent au moins deux soirs par semaine. Je m’occupe de l’accueil en salle, des commandes, des fleurs… » ajoute ce passionné.

Sa capacité à conjuguer tradition et modernité, à orchestrer chaque détail pour offrir une expérience unique, est très certainement l’aboutissement de ses passions. « Je pourrais être consultant pour d’autres domaines, mais ce que je fais au Corbier, c’est vraiment moi. Dans la restauration, ce qui me frappe toujours, c’est de voir que, même dans certains grands établissements, on se satisfait rapidement du décor. Au Comme chez soi, il y a une vraie recherche, une volonté de représenter la Belgique. Mais dans beaucoup d’autres restaurants, y compris étoilés, on retrouve les mêmes chaises, les mêmes tables, et ces assiettes sans couleur ni caractère. Je trouve qu’il manque cette quête d’authenticité. Tout le glamour est concentré dans la cuisine, mais l’environnement dans lequel l’assiette est servie est souvent négligé. Pourtant, une maison, c’est un tout. Il manque aujourd’hui des restaurants qui incarnent cette notion. Il y a de nombreux excellents établissements, mais ils restent avant tout des restaurants, sans cette âme chaleureuse qui fait toute la différence. Avec Le Corbier, nous voulons incarner cette différence. »

Avec le duo complice, Gérald travaille déjà sur un futur projet qui devrait voir le jour d’ici deux ans : un hôtel-restaurant prestigieux. « Ce sera très différent, plus urbain, mais l’attention portée au détail sera la même. » conclut-il.

[ Muriel Lombaerts ]