Pour la plupart d’entre nous, les asperges blanches, celles qui poussent sous terre, c’est-à-dire dans l’obscurité, sont le summum. Elles sont également cultivées en France, certes, mais chez nos voisins, elles sont vertes. Celles de Pertuis en particulier sont les plus prisées. Ces asperges vertes sont les premiers légumes de printemps à apparaitre sur les marchés français dès le début du mois de mars. Elles poussent entièrement hors sol, sont plus relevées que leurs sœurs blanches et n’ont pas besoin d’être épluchées. Elles sont abondantes jusqu’au cœur de l’été et permettent à ma région, la Nouvelle-Aquitaine, d’en être l’un des principaux producteurs.
En route vers le champ
Après une période de vent et de pluie, le calme est revenu en Nouvelle-Aquitaine. Le soleil est présent chaque jour et Jean-Charles caresse l’espoir de récolter ses chères asperges d’ici quelques semaines. Non, aujourd’hui (mi-février), il n’y a pas encore grand-chose à voir, quelques tristes – désolée JC – petites têtes, mais si le temps reste clément, m’assure-t-il, je pourrai profiter pleinement de ses asperges vertes dès le 1er mars.
Je lui demande s’il y a une différence entre les asperges vertes et les blanches.
Jean-Charles : « D’un point de vue botanique, il n’y a pas de différence entre l’asperge blanche et l’asperge verte. Elles appartiennent toutes deux à l’Asparagus Officinalis, apparentée aux Liliacées – dont font également partie la jacinthe et la tulipe. C’est une plante buissonnante qui forme de nouvelles pousses à partir de ses rhizomes ligneux : l’asperge. La terre battue est l’habitat naturel de l’asperge. Nous y plantons soigneusement les griffes des racines, qui ressemblent à une main aux doigts écartés.
Les asperges vertes sont principalement cultivées et consommées en France et en Italie. Leur goût, en revanche, est différent : les blanches sont douces et crémeuses, les vertes sont puissantes et épicées. L’asperge verte, comme vous pouvez le voir, pousse simplement sur un sol plat. Sous l’influence de la lumière du jour (photosynthèse), les jeunes pousses prennent une couleur verte. Leur récolte demande beaucoup moins de travail que le tuteurage des asperges blanches. Alors que les blanches doivent toujours être couvertes et tuteurées sous terre, les vertes sont prêtes à être cueillies à même le champ et sont simplement coupées lorsqu’elles ont atteint leur épaisseur et leur longueur, puis rassemblées en bottes. Il existe trois catégories : les Bourgeoises, les plus épaisses, les Demoiselles, de taille moyenne et les Fillettes, les plus fines. Ce que le chef utilise dépend du plat ».
Pertuis
Je me plonge un instant dans l’histoire. Jean-Charles m’écoute. La plante tient son nom des Grecs anciens : asparagus, ‘celle qui n’a pas de graine’. L’asperge était déjà consommée par les Grecs et les Romains, le plus souvent crue et assaisonnée de toutes sortes d’épices. Les plantes sauvages à l’origine ont été mises en culture par les Romains. Même la façon de cultiver les asperges blanches vient d’eux. En France, les asperges connurent un grand succès à la Renaissance. Elles étaient servies sur les tables de Catherine de Médicis, qui les avait ramenées d’Italie. Louis XIV, grand amateur de l’asperge verte exigea sa présence sur sa table toute au long de l’année. La Quintinie, responsable des jardins royaux à Versailles et du Potager du Roi, mit alors au point un ingénieux système de culture sous abri, sous cloches et sous couches chaudes, qui permettait de récolter les asperges et bien d’autres légumes presque toute l’année.
Les asperges vertes des environs de la ville de Pertuis, sur la Durance, aux confins du Luberon et du Vaucluse, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur sont réputées pour leur saveur. Pertuis ou Pertus qui signifie d’ailleurs ‘passage’ se situe à la transition entre la montagne et la mer. Le village voisin de Villelaure est même réputé pour avoir ‘Les meilleures asperges de France’, grâce à la famille de producteurs Blanc. Chaque année, le 1er mai, à Pontonx-sur-l’Adour, commune proche de Mont-de-Marsan, a lieu la fête de l’asperge. Ici chez nous, Jean-Charles m’assure que c’est la fête de l’asperge dès le mois de mars. Les blanches sont souvent ‘forcées’ selon lui sous plastique, en serre et avec chauffage au sol, les vertes sont ‘nature’ et ne sortent que lorsque le soleil du printemps réchauffe pleinement les champs.
Pour lui, pas d’asperges chaudes avec une sauce crémeuse. Les vertes se mangent crues ! Ses conseils : les Bourgeoises sont idéales en tranches fines pour un carpaccio. Les Fillettes donnent de la couleur et du mordant aux salades et les Demoiselles enveloppées dans de fines lamelles de lard constituent une entrée savoureuse. Toutes trois sont préparées ici avec une vinaigrette, une anchoïade ou un beurre blanc et incorporées dans des tartes, des tians, des tourtes et des omelettes.
Comme les blanches ne voient jamais la lumière, leur peau est riche en cellulose qu’il faut enlever à l’aide d’un éplucheur. Il n’est pas nécessaire d’éplucher les asperges vertes, il suffit d’en couper l’extrémité du pied, de les rincer rapidement et le tour est joué ! Si vous souhaitez malgré tout les servir cuites/chaudes, la meilleure méthode selon Jean-Charles est de les cuire brièvement à la vapeur.
En outre, elles sont bonnes pour la santé! L’asperge est un légume sain et peu calorique : 100 g ne fournissent que 16 kcal et regorgent de fibres, de vitamines B et C, de potassium, de calcium et de fer. Un composé d’acide sulfurique donne à l’urine de certaines personnes une odeur particulière. L’asperge est d’ailleurs réputée diurétique.
Il éclate de rire lorsqu’il me raconte le fait suivant : « Au XVIIᵉ siècle, les asperges étaient des légumes dits ‘pornographiques’ et interdits aux jeunes filles en France. En effet, leur forme phallique leur attribuait des propriétés érotiques et stimulantes. »
Inspiration culinaire
Jean-Charles m’invite dès à présent à sa première dégustation d’asperges. Il s’agira d’un plat vert pour faire entrer le printemps dans l’assiette, une combinaison d’asperges vertes et de petits pois.
Risotto aux asperges et petits pois
(4 personnes)
- 4 asperges vertes (Demoiselles), réservez les têtes à part, coupez les pieds en deux
- 3 échalotes, émincées
- Huile d’olive et beurre
- 250 g de riz à risotto
- 1 dl de vin blanc
- +/- ½ bouillon de légumes
- 2 cs de petits pois (fraichement écossés ou surgelés)
- 20 g de vieux comté, haché grossièrement
Saisissez les échalotes dans 1 cs d’huile d’olive. Ajoutez le riz et faites-le cuire jusqu’à ce qu’il soit transparent. Ajoutez le vin blanc et laissez réduire. Recouvrez le riz de bouillon, mettez à feu doux lorsque le riz commence à cuire, ajoutez 1 cs de petits pois et les morceaux d’asperge et poursuivez la cuisson à couvert et à feu doux pendant environ 13 min. Retirez la casserole du feu, ajoutez la deuxième cuillère de petits pois et les têtes d’asperge et faites encore mijoter 5 min. Incorporez le beurre et le comté et servez immédiatement. Peut éventuellement être servi en amuse-bouche dans des petites tasses.
[ Tine Bral ]