En février dernier, le prestigieux guide Michelin dévoilait son palmarès tant attendu. C’est avec une fierté légitime que Christophe Hardiquest, chef émérite de l’établissement Menssa, se voyait décerner une étoile, consécration suprême de son art culinaire. Cependant, derrière chaque grand chef se profile l’ombre bienveillante d’une équipe dévouée, et au sein de celle-ci, émerge une figure essentielle, méconnue : Nathalie Vanmansart, l’assistante exécutive du chef.
À 56 ans, Nathalie aurait dû embrasser une carrière de pharmacienne, imaginée par sa maman, tandis qu’elle nourrissait en secret le rêve de devenir photographe. Pourtant, après avoir suivi une formation en Tourisme à l’Institut Charles Péguy, elle s’engage dans la vente de voyages d’affaires chez Carlson Wagonlit Travel. Trilingue, elle se familiarise rapidement avec le rôle essentiel d’assistante auprès de ses clients, tout en développant une passion pour dénicher les meilleures tables et hôtels. Mais un tournant inattendu survient dans sa vie lorsque son mariage prend fin. Ce séisme la pousse à quitter son poste chez Carlson pour explorer de nouveaux horizons. Elle est amie du comédien, metteur en scène et, à l’époque, directeur de l’ADAC, gestionnaire de l’Auditorium 44, Alain Leempoel dont elle devient l’assistante.
« Même si nous étions déjà amis et que je l’avais beaucoup observé, j’ignorais ce que ce rôle représentait réellement, mais au final, heureusement ! (rire) Il faut une forme d’inconscience pour vouloir être le bras droit de quelqu’un. On est son ombre, celle qui encaisse tout, mais cela a aussi un côté très enrichissant si on sait rester les pieds sur terre, humble, et que l’on ne cherche pas à être sous les projecteurs. Si on recherche la reconnaissance, ce n’est pas une bonne idée. Bien sûr, on peut ressentir une certaine fierté à être l’assistante de quelqu’un, mais c’est surtout celle d’évoluer dans un métier. Alain n’avait jamais eu d’assistante et je ne l’avais jamais été. »
Comment avez-vous appréhendé cette nouvelle fonction d’assistante ?
« Pendant huit ans, Alain et moi avons cheminé ensemble professionnellement. Il était très indépendant. Au début, j’ai peut-être été un peu naïve, pensant que c’était juste un jeu. J’ai appris énormément à ses côtés. J’ai eu aussi la chance de rencontrer des femmes exceptionnelles, comme Françoise Pétiniot, attachée de presse. Elle m’a formée et m’a donné toutes les ficelles pour évoluer dans ce monde sans être dévorée. Elle m’a enseigné l’importance de garder le sourire, même dans les moments difficiles… Elle m’a montré comment marcher avec élégance et que parfois, toute vérité n’est pas nécessairement bonne à dire. Ma maman également m’a beaucoup soutenu quand mon mari m’a quitté et que j’ai dû réorganiser ma vie. »
Après ce rôle d’assistante auprès d’Alain Leempoel, que se passe-t-il ?
« Lorsque l’Auditorium a été repris par Dexia, je n’aurais jamais imaginé me retrouver au chômage. J’ai alors fait savoir autour de moi que j’étais un excellent second rôle à la recherche d’un poste d’assistante. J’ai croisé le chemin de Christophe Hendrix. Pendant 16 ans, j’ai développé le département de gestion locative au sein de cette Immobilière familiale. Entrer dans un domaine qui ne correspondait pas à mes préférences n’a pas été facile, mais j’avais une confiance totale en mes collègues. En tant qu’intermédiaire entre locataires et propriétaires, ma personnalité extravertie s’est avérée un atout précieux, me permettant d’être à l’écoute et empathique. J’ai gagné une grande liberté et j’ai su maintenir un équilibre essentiel entre ma vie professionnelle et privée, ce qui était crucial pour ma stabilité. Bien que j’aie eu d’excellentes relations avec tous, y compris les différents corps de métier, je commençais à ressentir un malaise vis-à-vis de certaines valeurs des propriétaires, et je me sentais mentalement épuisée. J’avais besoin d’un changement de vie. »
Comment avez-vous rencontré le chef Christophe Hardiquest ?
« Un couple d’amis, Serge et Vanessa Steinier, m’a demandé de remplacer quelqu’un pour un dîner chez Bon Bon, le célèbre restaurant de Christophe Hardiquest. C’était une cuisine que j’adorais. J’étais attristée par la fermeture imminente de cet établissement. Quand j’ai partagé avec le chef mes réflexions sur mon propre parcours, notamment le manque de sens que je ressentais dans le secteur immobilier, je ne m’attendais pas du tout à ce qui allait suivre. Dix jours plus tard, il me contactait pour me proposer de devenir son bras droit. Il avait des projets pour travailler à Dubaï, en Suisse, à Paris et dans le Sud de la France… Avec mon expérience dans le domaine des voyages et mon passé en tant qu’assistante de comédien, côtoyant parfois des personnalités au fort caractère, j’ai pensé que ce serait une transition facile ! (rire).»
Comment se passe concrètement ce rôle au quotidien ?
« Christophe a besoin de quelqu’un de proche géographiquement. Je suis rarement dans mon bureau, mais je prends mon ordinateur et je me rends directement en cuisine pour être disponible et organiser les choses. La confiance s’est établie après près d’un an. Christophe est un travailleur acharné. Beaucoup de gens n’ont pas compris que la fermeture de Bon Bon était véritablement due à son divorce et au covid. »
Connaissiez-vous bien le milieu de l’Horeca ?
« Je n’avais aucune expérience dans le monde de la restauration. J’étais plutôt habituée à fréquenter les restaurants en tant que cliente, sans chercher à tisser des liens avec les chefs ou les sommeliers. Même si j’avais déjà travaillé comme assistante chez Carlson et pour Alain, cela représentait un changement de carrière et de style de vie pour moi. J’ai été plongée dans cet univers lors de la dernière soirée chez Bon Bon, où j’ai découvert un monde totalement nouveau pour moi, avec son besoin de décompression et les personnes qui y gravitent. Ma première mission fut de m’impliquer dans le suivi de chantier des travaux pour le futur Menssa. Une tâche que j’effectuais déjà dans mon précédent emploi. A ce moment là, Christophe était consultant en Suisse et à Châteauneuf-du-Pape»
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées dans votre métier ?
« Personnellement, j’ai dû m’adapter à l’univers en pleine mutation -et en crise- de la restauration que je ne connaissais pas du tout. Il y a peu de parole, il faut s’adapter sans cesse aux inconstances et faire attention aux opportunistes. »
Quelles sont les qualités requises pour le métier d’assistant.e ?
« Observer la personne dont on est l’assistante, comprendre le fonctionnement du secteur et prodiguer de bons conseils pour veiller à l’image de celui que l’on représente. Se rendre disponible. Il faut aussi avoir beaucoup d’humilité. J’ai failli abandonner, me demandant si j’allais être écoutée. C’est un univers très masculin où j’étais facilement rabrouée. Mais aujourd’hui, j’aime ce que je fais et je suis impatiente des nouveaux projets qui se profilent. »
[ Muriel Lombaerts ]